dimanche 1 juillet 2007

Un dimanche à Montmartre entre l'amour et l'amitié

Un dimanche tout en douceur "entre l'amour et l'amitié". Je gravis les escaliers du versant nord-est de la butte Montmartre qui évoque pour moi de beaux souvenirs. Des pensées émues lorsque je passe près du cabaret Au Lapin Agile, où j’ai vu et entendu tant et tant de grands personnages aujourd’hui disparus : Jacques Debronckart, Bernard Dimey… Nous sommes tout prés aussi de chez Ubu, rue du chevalier de la Barre, où chantait l'incomparable Monique Morelli. Avec sa voix grave, profonde et fêlée, Monique n'avait pas d'autre accompagnement que l'accordéon magique de Lino Léonardi pour balancer les poètes qu'elle aimait : Aragon, Bruant, Carco, Corbière, Couté, Ronsard, Villon, ...et bien sûr Mac Orlan dont elle fut, pour moi, la plus grande interprête.

Un dimanche tout en chansons également que je vais passer avec des amis au 11 de la rue Saint Vincent. Je vais chanter, accompagné au piano par Hélène, vingt chansons écrites par Anne Sylvestre, Henri Tachan, Gribouille, Maurice Fanon, Jean-Roger Caussimon-Léo Ferré, Louis Aragon-Jean Ferrat, Françoise Sagan, Marguerite Duras, Bernard Lavilliers, Jean Genet, Mouloudji, et bien sûr Jacques Debronckart que j'ai beaucoup aimé.
Avec une pensée aussi pour Étienne Rodal Gil qui a écrit le texte de cette magnifique chanson
Utile (mise en musique par Julien Clerc) inspirée du séjour mouvementé de Juliette Gréco au Chili du temps de Pinochet «J'ai raconté mon incroyable histoire à Étienne. Raccompagnée par des motards tueurs à la solde du régime de Pinochet à l'aéroport, comme une femme dangereuse. Mes rencontres avec des femmes violées, humiliées, torturées, un homme laissé pour mort sur le trottoir, infirme. Le triomphe à mon entrée en scène et le silence de mort à la fin du spectacle. Ma fierté de la chose. Je lui ai dit : la justification de mon travail c'est d'essayer d'être utile. Voila. Je continue d'essayer»


A quoi sert une chanson
Si elle est désarmée?
Me disaient des chiliens,
Bras ouverts, poings serrés
Comme une langue ancienne
Qu'on voudrait massacrer,
Je veux être utile
À vivre et à rêver



Comme la lune fidèle
A n'importe quel quartier
Je veux être utile
À ceux qui m'ont aimé
À ceux qui m'aimeront
Et á ceux qui m'aimaient
Je veux être utile
À vivre et à chanter


Dans n'importe quel quartier
D'une lune perdue
Même si les maîtres parlent
Et qu'on ne m'entend plus

Même si c'est moi qui chante
À n'importe quel coin de rue
Je veux être utile
À vivre et à rêver



À quoi sert une chanson
Si elle est désarmée?

Mais qui se souvient aujourd’hui de ces artistes qui ont fait la gloire, dans les années 1950-1970, des cabarets "rive-gauche"?


Le Lapin Agile cabaret style "rive gauche" mais situé "rive droite" reste le seul à avoir résisté au temps...et ceci depuis 1870... C’est en effet en 1875 que le peintre caricaturiste André Gill peint une enseigne représentant un lapin sautant d’une casserole : Le lapin à Gill qui se change tout naturellement en Lapin Agile.

Du Lapin Agile Pierre Mac Orlan disait « Au coin de la rue Saint Vincent et de la rue des Saules, situé sur la pente nord de la Butte Montmartre, apparaît le vieux Lapin Agile posé, depuis près d’un siècle et demi, sur la terre, comme une lampe sourde. Une étrange petite maison de Noël où chacun peut entendre la chanson de son attendrissement personnel ». Les touristes japonais viennent aujourd’hui par cars entiers dans ce lieu "exotique". Mais ils ne sont pas les seuls à fréquenter le Lapin. Les nostalgiques et amoureux de la chanson française sont nombreux dans les "veillées" de ce "cabaret artistique" . Et tout ce monde de reprendre en choeur le répertoire de Bruant, de Bruant, d’Yvette Guilbert, de Damia, de Marie Dubas, de Fréhel

C'est bien cet « attendrissement personnel » que je retrouve dans la première chanson de ce concert dominical : Les gens qui doutent d’Anne Sylvestre.

J'aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur coeur se balancer
J'aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer
J'aime les gens qui tremblent
Que parfois ils ne semblent
Capables de juger
J'aime les gens qui passent
Moitié dans leurs godasses
Et moitié à côté






J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons




J'aime ceux qui paniquent
Ceux qui sont pas logiques
Enfin, pas comme il faut,
Ceux qui, avec leurs chaînes,
Pour pas que ça nous gêne
Font un bruit de grelot
Ceux qui n'auront pas honte
De n'être au bout du compte
Que des ratés du coeur
Pour n'avoir pas su dire

"Délivrez-nous du pire
Et gardez le meilleur"


J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons

J'aime les gens qui n'osent
S'approprier les choses

Encore moins les gens

Ceux qui veulent bien n'être

Qu'une simple fenêtre
Pour les yeux des enfants
Ceux qui sans oriflamme,
Les daltoniens de l'âme,
Ignorent les couleurs
Ceux qui sont assez poires
Pour que jamais l'Histoire
Leur rende les honneurs

J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons

J'aime les gens qui doutent
Et voudraient qu'on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu'on ne les malmène
Jamais quand ils promènent

Leurs automnes au printemps
Qu'on leur dise que l'âme
Fait de plus belles flammes
Que tous ces tristes culs
Et qu'on les remercie
Qu'on leur dise, on leur crie
"
Merci d'avoir vécu
Merci pour la tendresse
Et tant pis pour vos fesses
Qui ont fait ce qu'elles ont pu"

Photos (de haut en bas) de Monique Morelli, Jacques Debronckart, Etienne Roda Gil et Juliette Gréco, Etienne Roda-Gil et Julien Clerc, Anne Sylvestre, Gribouille, Maurice Fanon

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