mercredi 27 février 2008

L'AFFAIRE "CASSE TOI PAUVRE CON"


Le syndrome du capitaine Haddock

BIENTOT
on aura des tee-shirts "casse toi pauvre con", peut-être des badges. L’épisode du salon de l’agriculture diffusé sur le site du journal Le Parisien aurait été vue près d’un million de fois, depuis qu’il a été relayé par les plates-formes vidéo Dailymotion et YouTube, sans compter les dizaines de copies mises en ligne sur les différents sites de partage et les détournements et parodies qui ont commencé à fleurir un peu partout. Un internaute vient même de mettre en vente le nom de domaine www.casse-toi-pauvre-com sur le site d'enchères en ligne eBay. Sur le site très à la mode Facebook, des dizaines de groupes, pour certains très drôles, se sont créés en réaction aux propos du président de la République : "Union des disciples du "pauvre con"", "The "Casse toi pauvre con" way of life", "Moi aussi je suis un pauvre con". Un peu comme le fameux scotch dont le capitaine Haddock n’arrive pas à se débarrasser, cette désormais fameuse interpellation colle à la peau de Nicolas Sarkozy.
Alors que dans un premier temps, il avait déclaré "pas d’excuses, pas regrets", devant les dimensions prise par l’affaire, une phrase de regret a été ajoutée in extremis par l'Elysée dans un entretien avec les lecteurs du Parisien, de l'aveu d'un responsable du quotidien, suscitant mardi quelques remous. "Cette phrase n'a pas été prononcée" devant les lecteurs du Parisien, a expliqué mardi sur différents médias Dominique de Montvalon, directeur adjoint de la rédaction du quotidien. Elle a été ajoutée par l'Elysée tardivement lundi soir après relecture de l'entretien original. Cette affaire, venant après plusieurs autres (la querelle sur la religion puis sur l’enseignement de la Shoah), risque fort de plomber le climat à la veille des municipales.
Alors qu’au départ le PS n’apparaît pas comme une force alternative crédible, il risque de rafler la mise. Or, c’est le style Sarkozy qui est en cause. Les candidats de droite ne souhaitent pas la visite du président alors qu’en d’autres temps on se battait pour sa présence locale. Certains ont même préféré enlever le sigle UMP de leurs affiches. Ayant choisi, contre tous les usages, de ne pas se faire remplacer à la tête du parti majoritaire, c’est lui qui sera responsable de l’échec vraisemblable aux municipales. Et s’il y a une vraie défaite aux municipales, il sera difficile d’échapper à la fronde de l’UMP qui est un parti d’élus et de s’en sortir en changeant de gouvernement…

Jean-Marcel Bouguereau

lundi 25 février 2008

Sarkozy accusé d'affaiblir la fonction présidentielle


Après le "casse toi pauvre con" du chef de l'Etat lors du salon de l'Agriculture, François Hollande, a jugé "insupportable" le fait que "le président ne soit pas exemplaire".

L'opposition a accusé Nicolas Sarkozy d'affaiblir la fonction présidentielle après l'insulte lancée à un visiteur du Salon de l'agriculture.
Plus de 700.000 personnes ont regardé la vidéo diffusée sur le site du journal régional Le Parisien, et qui montre le chef de l'État en train de qualifier de "pauvre con" un homme qui refuse de lui serrer la main.
Le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, a jugé "insupportable" que "le président ne soit pas exemplaire", soulignant qu'il n'est pas "un citoyen comme les autres."
"C'est à force de manquer à tous ses devoirs que Nicolas Sarkozy connaît finalement la désaffection populaire", a-t-il dit sur Canal+, par allusion à la chute libre du chef de l'État dans les sondages.

"Carpettes"


Le ministre de l'Immigration, Brice Hortefeux, a défendu le langage de Nicolas Sarkozy, jugeant, sur BFM, que "les hommes politiques ne sont pas des carpettes sur lesquelles on doit s'essuyer les pieds".
"On ne peut laisser le président seul au front", a déclaré de son côté Jean-Pierre Raffarin.
Invité sur Europe 1, l'ancien premier ministre a estimé que l'UMP et le gouvernement se devaient de "protéger" le chef de l'État, cible de toutes les attaques.

"Se ressaisir"

Le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, a appelé Nicolas Sarkozy à se ressaisir.
"Je ne soupçonne absolument pas Nicolas Sarkozy de pensée factieuse, je dis simplement: 'il exagère et il faut qu'il revienne à un état d'esprit qui doit être plus rassembleur'", a-t-il déclaré sur Radio J.
Le président du Front national, Jean-Marie Le Pen, a durement critiqué la désinvolture de Nicolas Sarkozy, qui, selon lui, fait l'erreur de se croire toujours en campagne électorale.
"Ca fait plus Tintin que de Gaulle", a-t-il lancé au Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI. (avec Reuters)

Le charme ébréché du sarkozysme


Pour les futurs historiens du sarkozysme, ce sera l'énigme à résoudre. Il y aura de quoi en faire des thèses pour les étudiants en sciences politiques ! Comment l'un des présidents les mieux élus de la Ve République a vu sa popularité fondre en quelques semaines, comme un joueur flambe sa fortune, en un soir, au casino de Deauville ? Autour de 60 % de bonnes opinions au sortir de l'été 2007, moins de 40 % à l'approche du printemps 2008, selon un sondage BVA pour L'Express.

Le Président lui-même ne sait à quelle explication se fier : "Il n'y pas de crise politique, pas de crise sociale, pas de juges aux portes de l'Elysée, disait-il, le 13 décembre à ses proches. Pourtant, on n'a jamais vu un lynchage de cette puissance." Sarkozy, victime sans mobile ? Pour les sondeurs, les premiers décrochages se sont produits en novembre, lors de la visite du président libyen à Paris. Trop longue aux yeux de l'opinion pour qui la libération, en juillet 2007, des infirmières bulgares et du médecin palestinien retenus depuis six ans à Tripoli, ne valait pas tant d'honneurs à Kadhafi. Pour les Français, auxquels Nicolas Sarkozy avait promis, pendant sa campagne, de mener "une diplomatie des droits de l'homme", cette concession passe alors pour un reniement.

Vient ensuite l'apparition de Carla Bruni, la nouvelle future épouse du chef de l'Etat. Révélée début décembre, cette séquence, amorcée quelques semaines après le divorce du chef de l'Etat d'avec Cécilia, apparaît comme une manière, pour l'Elysée, de détourner l'attention de l'opinion de la question du pouvoir d'achat. "Trop de Carla, pas assez de pouvoir d'achat", se plaignent, en privé, les élus lorsqu'ils reviennent de leurs tournées sur les marchés. "Au fond d'eux-mêmes, les Français ne se sont pas reconnus dans la façon dont il a renoué avec l'amour, explique un député. Eux, quand ils souffrent, ça dure plus longtemps." Mais le Président n'entend pas ces reproches. Provocateur, il appuie là où cela fait mal. Il emmène sa nouvelle conquête en Egypte, puis en Jordanie pour un week-end à Pétra. Enfin, il l'épouse, début février. Autour de lui, les conseils abondent : "Sois plus discret", "Intéresse-toi davantage aux Français." Mais le Président n'écoute pas : "Il a déserté psychologiquement l'Elysée", tempête un conseiller en souvenir de cette période. Pour les sondeurs, la cause est entendue : l'exposition de sa vie privée a provoqué chez les Français un sentiment d'abandon.

Il y a plus ennuyeux. Habitué depuis cinq ans à faire de la politique avec des vents porteurs, il peine face aux vents contraires des sondages. Ses initiatives, ses changements de pied, lui avaient permis, pendant la campagne, de dérouter ses adversaires et d'imposer son tempo. La même tactique, neuf mois plus tard, déboussole. A l'approche de municipales à risques pour l'UMP, l'expert es stratégie semble avoir perdu la main.

Les propositions de la commission Attali, notamment celles qui concernent la libéralisation des professions protégées, provoquent la grogne des artisans taxis, considérés par l'UMP comme des électeurs fidèles. Elles prennent les parlementaires à rebrousse-poil : ils s'interrogent sur leur rôle dans la République sarkozienne. Déjà, ils n'avaient pas aimé l'ouverture… Maintenant, ils ne supportent plus l'intervention des conseillers du Président. "L'Assemblée est une Cocotte-Minute, analyse un député. Pour l'instant, Sarko est assis sur le couvercle, mais si les municipales sont échec, ça pétera." Kadhafi, Bruni, Attali… Il faut encore ajouter Neuilly et son psychodrame. Après avoir imposé, dans son ancien fief, son porte-parole, David Martinon, le Président, instruit des sondages médiocres, le contraint au retrait. La gauche croit tenir une martingale électorale à défaut de propositions et de leader. L'anti-sarkozysme se régénère dans un appel à la vigilance républicaine publié par l'hebdomadaire Marianne et signé par des éliminés de la course présidentielle de 2007.

Le chef de l'Etat veut croire qu'il en a vu d'autres. Sa carrière n'est-elle pas une suite de descentes aux enfers vertigineuses, suivies de remontées spectaculaires ? Il vient donc de sonner la charge et a ordonné à ses ministres de le défendre face aux attaques sur sa vie privée, dont il se dit l'objet, et sur ses propositions comme celle de "confier la mémoire" d'un enfant français juif, victime de la Shoah, à un élève de CM2. Miracle : aiguillonné par la menace feutrée d'un remaniement d'après-municiaples, tout le gouvernement s'est porté au secours du chef de l'Etat. La reconquête serait-elle en marche ?

Philippe Ridet


http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/02/12/630-pourquoi-carla-pese-lecon-sur-le-style

Pourquoi Carla pèse. Leçon sur le style (1)

Si l'on cherche à démêler les raisons du brutal retournement qui affecte l'aura présidentielle depuis le début de l'année, à travers les nombreux articles qu'y consacrent les médias, on finit par comprendre que, derrière la plongée des sondages, les journalistes ont un aliment solide. Celui-ci est apporté par les "remontées de terrain" que leur livrent leurs contacts politiques de retour de leur fief. Rendus plus sensibles aux signaux de l'opinion publique par la proximité des échéances municipales, les notables de droite reviennent avec un message catastrophé émanant de leur propre électorat. Au premier rang des mécontentements, l'abandon de l'objectif d'augmentation du pouvoir d'achat. Appuyé sur la réalité du porte-monnaie, confirmé par la terrible phrase des “caisses déjà vides”, ce constat paraît relever d'une analyse raisonnable. Plus surprenant est la récurrence, dans la série des récriminations, de la liaison du président avec Carla Bruni. Au-delà du conservatisme des papys et mamies, choqués d'un remariage si expéditif, comment expliquer objectivement le poids de cet argument répété dans les témoignages de terrain?

Contrairement à Salmon, je n'arrive pas à percevoir de story – de construction de l'événement par le récit – dans l'aventure Bruni. Sa réception me paraît impossible à comprendre, sauf par l'intermédiaire de la question du style, où elle intervient comme un ingrédient majeur. Une story est un scénario: composée d'un petit groupe d'éléments dont l'articulation est mémorisable, logique et reproductible, elle fournit un schéma causal dont le caractère élémentaire est un facteur essentiel de son pouvoir explicatif, indépendamment des variations de son expression. La perception d'un style s'élabore à partir d'un ensemble plus diffus d'images et d'impressions passagères, dont l'accumulation dans le temps installe progressivement la validité, sans véritable fil conducteur. Nul ne s'appuierait explicitement sur cette construction fragile pour légitimer un choix public, encore moins le rejet d'une politique.

Et pourtant, il ressort bien des réactions de l'électorat que cet agent pèse de façon déterminante. Durant la campagne présidentielle, les stories concoctées par Guaino, les éléments du programme et la gouaille du candidat avaient fabriqué un style gaullo-chevènementiste tout d'énergie et de coups de menton. Dès le lendemain de l'élection, les Français étaient trahis par un président qui avait promis de se retirer dans un monastère pour “habiter la fonction”, mais préférait cultiver son bronzage sur un yacht de milliardaire. Ceux qui avaient élu Astérix se retrouvaient avec Aldo Maccione. Or, le personnage de jet-setteur coureur de jupons qui a défrayé la chronique des six derniers mois avait été soigneusement caché pendant le premier semestre de l'année 2007. L'électorat lui aurait peut-être pardonné ce mensonge si les résultats avaient été au rendez-vous. Mais avec la chiraquisation de Sarkozy, c'est désormais la forme qui repasse au premier plan.

Non sans raisons. Le style, c'est l'homme, disait déjà Buffon. Barthes, soupçonnait qu'il n'était pas si facile de soustraire la manière de la matière. Mais c'est probablement Umberto Eco qui aura le mieux perçu, à propos du Comte de Monte-Cristo, la nature organique du lien entre fond et forme, la “valeur structurale” de l'intervention stylistique (De Superman au surhomme, Grasset, 1993). Tel est bien le cas avec Sarkozy, premier président de la République à incarner l'essor d'un style, le fameux "bling-bling" – expression jusque là réservée au monde du hip-hop, appelée grâce à lui à caractériser une dérive sociétale, sorte d'adaptation à l'univers des nouveaux riches du "tout est permis" de Netchaïev.

Le mariage avec Carla Bruni constitue l'apothéose de l'appropriation structurale du style chez Sarkozy. Plutôt que la manipulation de joujoux superficiels, montre Breitling ou lunettes Ray-Ban, épouser cette figure warholienne, ce rêve de camionneur, faire sienne cette incarnation de la jet-set traduit la volonté naïve et désespérée d'assimiler à sa propre vie, à sa propre chair, ce monde si désiré. Dans son gros bon sens provincial, la droite française ne s'y est pas trompée. Cet écart-là aura été l'écart de trop.

Cherche-t-on un autre symptôme des effets néfastes de cette emprise du style? Tapez "Sarkozy" sur Dailymotion: fidèle à son rôle de révélateur des tendances, la plate-forme rapporte dans ses filets l'enregistrement du sketch d'Anne Roumanoff chez Michel Drucker, le 20 janvier dernier, déjà visionné plus de trois millions de fois sur une vingtaine de copies. L'actrice joue le texte de Bernard Mabille, dont les jeux de mots poussifs et les vannes grossières (“lui, pour sortir son poireau, il a besoin d'une asperge”) ne sont pas plus drôles que d'habitude. Sauf que. Sauf que la rencontre de la vulgarité du chansonnier et de celle du style Sarkozy produit comme une déflagration. Un trou d'air, visible à la mine des invités, qui oscille entre stupéfaction et libération cathartique. Ce n'était pas l'humour distingué des Guignols qu'il fallait pour lester la caricature de son poids de vérité. Pour attraper le personnage, il fallait parler sa langue, celle du "descends un peu si t'es un homme" – le langage du bistrot et sa verdeur couillue.

Ce que suggère ce sketch est proprement dévastateur. Il nous dit qu'il reste quatre longues années à attendre, mais que Sarkozy a perdu. L'essentiel – ce qui fait que 53% de voix se sont portées sur lui en mai dernier: sa crédibilité. Retransmis par les sondages, ce jugement-là, au-delà de ses composantes politiques, n'est pas la conséquence d'une mauvaise histoire, mais le résultat d'un choix de style. Une leçon à méditer.

http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/02/24/647-le-gouvernement-du-lapsus-lecon-sur-le-style-2

Le gouvernement du lapsus. Leçon sur le style (2)

Par André Gunthert, dimanche 24 février 2008


Lionel Jospin est considéré comme le producteur le plus régulier de lapsus de la vie politique française. Mais, dans la longue agonie qui commence, Nicolas Sarkozy pourrait bien lui ravir la première place. L'épisode du "pauvre con" du salon de l'Agriculture nous apporte sur un plateau un cas d'école de la dégringolade de la communication sarkozienne.

Nul doute que l'inauguration rituelle de "la plus grande ferme de France" ait été perçue comme un calvaire par l'actuel chef de l'Etat – qui s'y était fait huer lors de son dernier passage, alors qu'il n'était encore que candidat. Chirac ayant fait de ce rendez-vous l'apothéose régulière de son mandat, Sarkozy était sûr que la comparaison allait lui être défavorable. Ca n'a pas manqué: dans les présentations de la mi-journée des JT, les commentateurs soulignaient le “pas de course” présidentiel et la brièveté de la visite.

Mais le pire restait à venir. A 19h33, le site du Parisien.fr mettait en ligne une séquence vidéo de l'arrivée du cortège. Dans le désordre de la cohue, un visiteur dont les opinions politiques sont visiblement à l'opposé, est poussé vers le chef de l'Etat en train de serrer les mains. “Ah non, touche-moi pas! Tu me salis!”, lance impulsivement le quidam. Les deux hommes sont alors à quelques centimètres l'un de l'autre. Sarkozy se détourne vivement en laissant échapper un: “Casse-toi! Casse-toi alors, pauvre con!”, avant de poursuivre son chemin.

Il y a deux semaines, le feuilleton de Michel Mompontet sur France 2, intitulé "Mon oeil", avait consacré une passionnante séquence au phénomène du bain de foule, montrant les difficultés du responsable politique pris au piège de ce tourbillon, luttant pour remonter le courant. Le titre de ce film, "Rushes", indiquait que ce qu'on y voit n'est pas conforme au spectacle officiel, et représente un à-côté qui est habituellement écarté du montage final.

Comment un professionnel de la communication politique a-t-il pu laisser passer un tel écart de langage, alors qu'il était pile sous l'oeil de la caméra? Le petit film de Mompontet fournit deux premières pistes. D'abord, on se rend compte que la confusion du phénomène, combinée au nombre des sources d'enregistrement, rend à peu près impossible de tenir compte de chaque objectif. Mais on se dit aussi qu'un tel écart, lorsqu'il se produit, appartient au matériel qui n'aurait jamais dû être montré.

Or, l'identité du diffuseur ne doit rien au hasard. Le site du Parisien.fr s'est doté récemment d'une interface de présentation vidéo, hébergée par Kewego. Avant-hier, c'étaient les accusations calomnieuses de Rama Yade, enregistrés lors d'une réunion électorale à Colombes, qui étaient complaisamment mises en avant par la rédaction web du quotidien comme "La vidéo polémique qui «buzze» sur Internet". Nul doute que le dérapage du chef de l'Etat, qui dépasse les 300.000 vues aujourd'hui à 12h et a été recopié à plusieurs dizaines d'exemplaires sur les services de partage de vidéos en ligne (voir illustration ci-dessus), constitue une belle occasion de promouvoir la plate-forme du quotidien.

Mais l'absence d'auto-censure, de la part de rédactions qu'on a connu plus frileuses, est aussi un témoignage de la dégradation accélérée de la représentation présidentielle. Après avoir été longtemps corseté par la prudence et le ménagement, le traitement du personnage présidentiel s'inscrit désormais dans une logique du débondage, parfaitement illustré par le sketch culte d'Anne Roumanoff.

Comme l'apostrophe du Guilvinec, l'injure du salon de l'Agriculture appartient, non à la communication officielle du régime, mais à ses a-côtés, à ce qui a échappé à son contrôle. “Pauvre con!” n'est donc pas un lapsus au sens classique que lui donne la psychanalyse (substituer un autre mot au terme attendu), mais ce qu'on pourrait dénommer un lapsus propagandae – un faux-pas de la communication politique.

Cet épisode apporte quelques précisions utiles à l'étude du "style Sarkozy". En premier lieu, on constate que les éléments qui sont identifiés comme porteurs du style, à l'opposé du storytelling, sont précisément constitués par ces échappées et ces chutes. Ce sont elles qui, mises bout à bout, fournissent leur matériau premier aux vidéos parodiques. Dans l'exemplaire "Parle à mon nain" de Torapamavoa, on retrouve ainsi la plupart de ces lapsus du pouvoir, qu'il a suffi d'aligner en ribambelle.

La fréquence des dérapages présidentiels suggèrent ce que l'injure confirme: Nicolas Sarkozy n'a aucune conscience de l'"effet Dailymotion". Ses efforts de contrôle portent sur la communication traditionnelle et sur l'influence des médias, par la séduction ou l'intimidation. Mais il ne contrôle pas son style, fut-ce devant une caméra, et n'a pas conscience des dégâts produits par les embardées de son comportement en termes d'image. D'où son incompréhension devant la dégringolade des sondages, et son impuissance à en inverser le sens.

Tel un nouveau petit Poucet, le chef de l'Etat continue à laisser derrière lui ces traces qui font l'aliment du buzz. Il y a une certaine ironie à voir aujourd'hui son ancien mentor, Edouard Balladur, recommander au président d'"infléchir son style". Le conseil est avisé. Mais il n'est pas pour autant facile à suivre.

mercredi 20 février 2008

Le devoir de mémoire, nouvelle religion civile


Par Sébastien Ledoux (Enseignant et chercheur)
Nous voici donc arrivés au stade infantile du devoir de mémoire: comment peut-on refuser "ce cadeau de la mémoire" de milliers d’enfants morts dans la Shoah, s’offusque aujourd’hui Nicolas Sarkozy. Déjà, l’intention culpabilisante se fait jour. Le refus de satisfaire la demande de notre président ne peut qu’exprimer une belle et honteuse ingratitude. Depuis quelques décennies, l’instauration du devoir de mémoire, comme nouvelle "religion civile", est présentée par l’Etat comme un moyen d’éduquer les citoyens. Qu’il s’agisse des anciens déportés ou des anciens esclaves, leur souvenir aurait pour fonction de lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Le devoir de mémoire est également mis en avant par les pouvoirs publics pour favoriser un sentiment d’appartenance à la communauté nationale. La reconnaissance des mémoires plurielles permet en effet d’intégrer -du moins symboliquement- diverses communautés dans une histoire commune. Le travail de mémoire n'est pas étranger à l'école Les journées de commémoration et les multiples inaugurations de lieux de mémoire constituent autant de pratiques rituelles visant, pour l’Etat, à rassembler les individus du temps présent. Il faut préciser que cette politique de mémoire a d’abord et avant tout été suggérée par les diverses communautés, du moins leurs porte-parole qui n’ont cessé de demander la reconnaissance de leur mémoire dans l’espace public. Mais qu’en est-il de la nouvelle proposition du chef de l’Etat? Quelles fonctions peut-elle remplir? La reconnaissance de la mémoire de la Shoah dans la société française fait partie d’un processus historique depuis longtemps engagé. L’école s’est investie de manière très forte dans un travail de mémoire sur ce génocide. Des interrogations justifiées sont d’ailleurs apparues pour savoir de quelles manières le sujet devait être abordé dans les salles de classe. Le risque de transmettre un sanctuaire creux En en faisant un temps d’enseignement à part, centré exclusivement sur la souffrance des victimes, ne risque-t-on pas en effet de transmettre un sanctuaire vide de toute intelligibilité du passé? Concernant la fonction sociale d’une politique de mémoire, le souci de réparation symbolique de la part de l’Etat vis-à-vis de la communauté juive a abouti au discours du président Chirac en 1995. Il reste évidemment l’argument de la nécessaire lutte contre l’antisémitisme toujours d’actualité: il faudrait former les esprits dès le plus jeune âge pour éradiquer toute pensée et tout acte à l’encontre les juifs, au sein de notre France multiethnique. La relation de cause à effet entre enseignement de la mémoire de la Shoah et baisse de l’antisémitisme, a toujours été espérée et revendiquée par la communauté juive auprès des différents gouvernements depuis une trentaine d’années. Souscrivant à cette analyse les ministres successifs de l’Éducation nationale ont eux-mêmes fait du devoir de mémoire de la Shoah un instrument majeur de la lutte contre l’antisémitisme à l’école. L’efficacité de cet instrument demeure cependant -malheureusement- tout à fait hypothétique. La recherche à tout prix du"symbolique" Plutôt qu’une énième injonction visant à prescrire dans les moindres détails la transmission d’un savoir, laissons aux enseignants la liberté pédagogique qu’ils sont en droit d’assumer entièrement. La recherche à tout prix du "symbolique" ne peut tenir lieu de principe éducatif. L’acte du pédagogue se nourrit sans cesse d’un questionnement personnel sur l’objet qu’il doit transmettre. Gardons en mémoire que l’école de la République a formé des générations de citoyens sur la pertinence d’un tel positionnement.

mardi 19 février 2008

Patrick Bloche fustige les "accusations calomnieuses" de Jean-Marie Cavada sur le "vote juif" et "homosexuel"


Le candidat de l'UMP dans le XIIe arrondissement à Paris s'était défendu de ne pas avoir réagi à des propos sur les votes "juif" et "homosexuel" en accusant ses adversaires politiques d'avoir fait monté la polémique.

Patrick Bloche (Sipa)

Patrick Bloche, le directeur de campagne du socialiste Bertrand Delanoë, fustige, mardi 19 février, "les accusations calomnieuses et extrêmement graves" lancées, selon lui, par Jean-Marie-Cavada dans la polémique consécutive à des propos sur le "vote juif".
Ces propos ont été tenus en présence de Jean-Marie Cavada, candidat UMP dans le XIIe arrondissement de Paris, lors d'une réunion publique. Une vidéo diffusée sur internet le montre assistant, sans réagir, à cette réunion, où l'auteur d'un livre sur la gestion de la capitale a dénoncé les subventions municipales à des associations juives et homosexuelles.

"Manipulation"


Dans un entretien paru dans Métro, la tête de liste UMP affirme qu'il n'a "pas réagi, car (il n'a) pas entendu ce propos". Il accuse ses "adversaires politiques dans le XIIe arrondissement" de vouloir "capturer le martyrologue du peuple juif pour essayer d'en faire un argument électoral" et de se livrer à une "manipulation (...) extrêmement dangereuse dans la relance de l'antisémitisme".
Selon Patrick Bloche, "ce sont des insinuations inacceptables". "Nous ne pouvons ni tolérer cette rhétorique douteuse, ni laisser accuser de responsabilité dans le développement des sentiments antisémites ceux qui précisément en condamnent l'expression", ajoute le député de Paris.

"Parfaitement attentif"

Patrick Bloche observe d'autre part que "quiconque prend la peine de regarder la vidéo incriminée constate que M. Cavada est parfaitement attentif aux propos de M. (Yvan) Stefanovitch", l'auteur du livre, de sorte qu'"il ne peut pas prétendre ne pas les avoir entendus".
Le directeur de campagne de Bertrand Delanoë "demande à M. Cavada de s'expliquer, non seulement sur son silence stupéfiant devant les déclarations de M. Stefanovitch, mais sur les accusations calomnieuses et extrêmement graves qu'il a formulées contre ses adversaires politiques"


Antisémitisme et homophobie : une passivité complice


Lors d’une réunion publique dans le cadre de la campagne de Jean-Marie
Cavana, tenue le 13 février dans un café du 12ème arrondissement de
Paris, le journaliste et écrivain Yvan Stefanovitch a contesté les
subventions données par bertrand Delanoë en déclarant : « Moi j’ai
découvert que les associations qui reçoivent le plus de subventions, ce
sont les associations à coloration juive. (…) Alors il y a aussi les
subventions pour les homosexuels » Plus loin, après des questions de la
foule, il déclare « Et en plus ils nous font des embouteillages
fantastiques, ils bloquent la circulation parce que les voitures
viennent du 93, du 94 avec les petits enfants, avec des gros 4x4, ils
bloquent tout, et polluent et ces subventions pour moi ne sont pas
justifiées. »

Devant ces propos inacceptables, le MRAP dénonce la passivité de
Jean-Marie Cavada qui, par son silence, participe à la banalisation de
l’antisémitisme et de l’homophobie. Son attitude est d’autant plus grave
qu’elle émane d’un parlementaire européen.

Le MRAP étudie toutes les suites judiciaires appropriées à ce type de
propos.

Paris, le 19 février 2008.

--
Secrétariat de Direction
Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples
43 bd Magenta - 75010 Paris - http://www.mrap.fr
Histoire du MRAP (actualisé) : http://mrap.juridique.free.fr

lundi 18 février 2008

Royal et Bayrou dénoncent le spectacle permanent de Sarkozy

François Bayrou a une nouvelle fois fustigé, lundi 18 février, le style de la présidence de Nicolas Sarkozy, appelant le chef de l'Etat à "arrêter de faire du sensationnel et du spectacle". "Arrêtez de faire du sensationnel, arrêtez de faire du spectacle (...). Arrêtez d'essayer de provoquer perpétuellement des événements pour faire des titres", a déclaré le président du MoDem sur Europe 1, évoquant notamment la proposition controversée du président de "confier la mémoire" d'enfants tués dans la Shoah aux écoliers de CM2.


"Mélange des genres"

"Le président de la République n'a pas à décider ce que nos enfants vont à l'école vivre comme sensibilité," a poursuivi François Bayrou, dénonçant un "mélange des genres".
Interrogé sur "l'appel à la vigilance républicaine" qu'il a signé avec d'autres personnalités et qui dénonce sans le citer le style de pouvoir du président de la République, il a souligné n'avoir "jamais" dit que "la République est en danger"."Mais si on ne voit pas aujourd'hui, je prends notamment l'exemple de la laïcité, qu'un certain nombre de piliers de la République sont ébranlés sciemment par le pouvoir et par Nicolas Sarkozy, alors on ne voit pas le même monde," a-t-il ajouté.

"Valeurs de la République mises en cause"

"Chaque fois qu'il y a le sentiment dans le pays chez des hommes et des femmes responsables ou d'expérience (...) que des valeurs essentielles de la République sont mises en cause, ou sont fragilisées, ou sont troublées, alors je considère que nous avons le devoir de nous exprimer et j'approuve et je souhaite qu'on puisse s'exprimer au-delà des frontières," a-t-il terminé.
Ségolène Royal, signataire du même appel, a quant à elle dénoncé lundi matin "les vieilles ficelles politiques qui consistent à victimiser celui que l'opposition pointe du doigt", après la levée de boucliers provoquée dans la majorité par l'"appel à la vigilance républicaine".

Aucune attaque personnelle

"Lorsque les principes du fonctionnement républicain sont fragilisés, il faut simplement le dire vite", a-t-elle expliqué sur France Inter. Ce texte est "parfaitement serein, calme. Il n'y a aucune attaque personnelle, le président de la République n'est jamais cité et je ne vois pas ce qu'il y a de répréhensible à dénoncer ou à mettre en garde les Français sur l'exercice d'un pouvoir personnel que tout le monde constate", a ajouté l'ex-candidate socialiste à la présidentielle. "C'est quand même inimaginable cette espèce de frénésie d'annonces tous azimuts non préparées", a-t-elle ajouté à propos de la manière de gouverner de Nicolas Sarkozy.

Les deux ex-candidats à l'élection présidentielle ont dénoncé la mise en scène de l'opération policière de lundi matin pour interpeller les auteurs de violences contre les forces de l'ordre, fin novembre. 33 personnes ont été arrêtées.

Réagissant à l'importante intervention des forces de l'ordre à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise) lancée lundi 18 février à l'aube, afin d'interpeller les auteurs de violences contre des policiers survenues fin novembre dans cette ville, Ségolène Royal et François Bayrou ont tous deux dénoncé la présence des médias sur les lieux. Il s'agit d'"une opération policière médiatisée", d'"un dysfonctionnement grave de la République", a déclaré Ségolène Royal. François Bayrou a jugé, lui, que l'opération policière mélangeait "la justice et la mise en scène".

Une manipulation, selon Royal


Il s'agit d'"une opération policière médiatisée", a dénoncé Ségolène Royal. "Ce qui m'étonne, c'est qu'il y a eu, semble-t-il, des caméras pour accompagner les forces de police. On connaît ça maintenant avant chaque échéance municipale, je crois que c'est un dysfonctionnement grave de la République", a déclaré l'ex-candidate socialiste à l'élection présidentielle sur France Inter.
"Quand des caméras accompagnent des opérations policières massives en période municipale, c'est une façon d'influencer l'opinion, de vouloir faire peur", a-t-elle ajouté. "Il ne faudrait pas que la campagne électorale des municipales donne lieu à des opérations policières médiatisées", a insisté la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes.
Selon elle, "le président de la République en revient au vieux réflexe de politique spectacle sécuritaire, parce que là où il échoue sur le plan économique et social, il veut faire croire qu'il continue à maîtriser les choses sur la question de la sécurité, ce qui n'est pas le cas".
"J'espère que les Français vont sanctionner par leur vote ce type de manipulation", a-t-elle conclu.

Ne pas mettre en scène, selon Bayrou


Pour sa part, François Bayrou a appelé lundi à "ne pas mélanger la justice et la mise en scène" à propos de l'opération de police à Villiers-le-Bel. "Il est nécessaire de respecter le droit, la loi et la justice, et des incidents comme ceux qui ont eu lieu (en novembre 2007) doivent avoir des suites", a toutefois reconnu le président du MoDem sur Europe 1.
"Il semble que la presse a été conviée, et là je suis nettement plus réservé. J'ai toujours considéré que la justice ne devait pas s'accompagner d'une mise en scène. La justice, c'est fait pour obtenir l'arrestation et moins pour faire de la communication", a-t-il poursuivi.

Elections municipales


Invité à dire s'il pensait que l'opération avait été planifiée en rapport avec la campagne électorale des municipales, il a répondu: "A votre avis?".
"On ne doit pas mélanger la justice et la mise en scène", a-t-il conclu.
Près d'un millier de membres des forces de l'ordre ont été mobilisés, lors d'une vaste opération policière lundi matin à Villiers-le-Bel destinée à interpeller les auteurs de violences contre des policiers survenues fin novembre dans cette ville. Trente-trois personnes ont été interpellées, selon la police.
La procureure de Pontoise Marie-Thérèse de Givry a assuré que "ni le parquet ni les services de police agissant dans le cadre d'une commission rogatoire du juge d'instruction (n'avaient) souhaité la médiatisation de cette opération".
"Que les choses soient claires, au contraire, notre crainte était que la présence de la presse n'alerte les objectifs précis qui avaient été déterminés", a-t-elle insisté

vendredi 15 février 2008

Mémoire des enfants de France exterminés par le nazisme

Lors du dîner annuel du CRIF le Président de la République a annoncé que chaque élève de CM2 « se voient confier la mémoire de 11000 enfants français victimes de la Shoah ».

Mouvement issu de la résistance au nazisme, le MRAP est favorable à toute initiative permettant de pérenniser le souvenir des crimes racistes et de veiller à leur disparition définitive. Si l’intention d’entretenir la mémoire est en la circonstance louable, voire
nécessaire, le MRAP s’interroge fortement sur l’opportunité et la forme de la démarche annoncée.

Cependant le MRAP s'interroge, comme la plupart des éducateurs, et des pédopsychiatres sur les « parrainages individuels d’enfants juifs assassinés. »Des enfants de dix ans auront-ils les connaissances historiques et la maturité nécessaires pour comprendre que la déportation de 11 000 enfants par la police de l’État français de Pétain, puis leur assassinat dans les chambres à gaz, s'inscrit dans un système industriel de la mort planifiée ? Rien n'est moins sûr !
L'enseignement du génocide ne peut se concevoir sans un travail pédagogique qui permette de comprendre ce que fut la barbarie nazie afin d’éviter une démarche culpabilisante et mortifèreAprès la décision de faire lire la lettre du Guy Môquet dans les écoles ou les vestiaires de rugby, cette nouvelle mesure peut apparaître une fois encore comme une instrumentalisation de l’histoire et non comme le signe d’une volonté sérieuse, intégrant dans une réflexion collective, les différents partenaires de la communauté scolaire.

Le MRAP ressent en outre un profond malaise face à ce qui constitue un inacceptable « tri sélectif » des mémoires dans la mesure où les victimes Tsiganes de l’extermination nazie (Samudaripen) restent une fois encore ignorées du discours des plus hautes autorités de l’Etat.
Si 11 000 noms d'enfants juifs sont inscrits sur le mémorial de la Shoah, d'autres enfants non-juifs, les ont accompagnés dans l'horreur.
Toutes ces victimes et leurs parents étaient françaises, étrangères, apatrides, réfugiées, clandestines. Ni Vichy ni Hitler n’avaient cure de passeports ou de papiers.

Comment expliquer à des écoliers, que parmi les enfants terrorisés que l'on regroupait sur le même pallier d'un immeuble pour les envoyer vers la mort, il leur faudra se souvenir des seuls « enfants français victimes de la Shoah » ?

Comment accepter cette préférence nationale présidentielle, jusque dans le souvenir de l'indicible douleur des personnes assassinées par la barbarie ?

Le MRAP tient à rappeler l’existence d’outils essentiels pour la valorisation de lieux de mémoire tels Ysieux Il existe également sur les murs de chaque école où des enfants juifs furent raflés pour être exterminés une plaque le rappelant aux passants et, à l’intérieur de l’école, une liste de chacun des petits assassinés avec leur nom et leur âge. Ainsi, la mémoire de ce crime contre l’humanité auquel la France a participé se perpétue dignement.

Le MRAP rappelle que c’est la négation de la pleine humanité de l’autre qui est à l’origine de tous les crimes racistes, d’hier et d’aujourd’hui.

Il condamne toutes opérations de récupération politicienne, quelqu’en soient les auteurs, qui encourageraient la concurrence des mémoires.

Paris, le 15 février 2008

--
Secrétariat de Direction
Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples
43 bd Magenta - 75010 Paris - http://www.mrap.fr
Histoire du MRAP (actualisé) : http://mrap.juridique.free.fr

Opération de police dans un foyer de travailleurs du 13 ème arrondissement

LE CRAN DEMANDE DES EXPLICATIONS A MICHELE ALLIOT-MARIE ET BRICE HORTEFEUX


Environ 105 personnes soupçonnées de vivre en situation irrégulière et neuf autres accusées de les loger dans des conditions indécentes ont été arrêtées mardi 12 février dans un foyer de travailleurs du 13 ème arrondissement de Paris.


Les policiers agissaient sur commission rogatoire d'un juge d'instruction qui mène une enquête sur une filière d'immigration illégale présumée et sur l'hébergement de travailleurs étrangers " dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine ".


Sur le principe , la poursuite des logeurs qui hébergent des êtres humains dans des conditions indignes n'est pas critiquable.


Mais le CRAN s'inquiète de l'ampleur du dispositif mis en place, du nombre disproportionné des interpellations ainsi que des conditions du déroulement de cette opération .


Plusieurs portes auraient été défoncées au bélier, sans les sommations d'usage. Les papiers d'identité de tous les résidents ont été confisqués. Des accusations graves ont été portées contre les forces de l'ordre, qui sont aujourd'hui accusées par de nombreuses associations d'avoir détourné la commission rogatoire du juge à des fins de police administrative : pour augmenter leur quota d'expulsions d'étrangers en situation irrégulière.


Ce détournement de procédure, s'il est établi, constituerait un précédent très grave dans la politique d'immigration du gouvernement de Nicolas Sarkozy.


Nous demandons à Madame Michèle Alliot-Marie, Ministre de l'Intérieur, ainsi qu'à Brice Hortefeux Ministre de l'immigration, de s'expliquer sur cette opération.


Le CRAN suivra avec une attention toute particulière le sort réservé aux personnes en situation irrégulière, arrêtées lors de cette opération.


Le CRAN exige que les personnes interpellées soient traitées avec dignité et demande la mise en liberté immédiate de toutes celles et tous ceux à qui rien ne peut être reproché dans le cadre de la commission rogatoire, c'est-à-dire pratiquement toutes le personnes interpellées !

Contact :

Patrick Lozès Président du CRAN
Tél : 08 70 28 47 07

Enseignement de la Shoah en CM2 : la presse française s'interroge

Risque d'"électrochoc émotionnel" selon Libération, "proposition effarante" pour L'Humanité, "diktat que rien ne vient expliquer" estime l'Est républicain: la décision de Nicolas Sarkozy d'associer chaque enfant français à la mémoire d'un enfant victime de la Shoah fait vivement réagir les éditorialistes. Nombre d'entre eux font le parallèle avec "la malencontreuse expérience de la lecture obligée de la lettre de Guy Môquet".

Après l'annonce de la décision de Nicolas Sarkozy d'associer chaque élève de CM2 à la mémoire de la Shoah, la presse française a vivement réagi, de façon pour le moins circonspecte, y voyant au mieux "une intention louable" et au pire "une proposition effarante".
Dans Libération, Annette Lévy-Willard estime qu'"un président de la République, même démocratiquement élu, n'a pas vraiment légitimité à faire des cours d'histoire télécommandés". Faisant un parallèle avec "la malencontreuse expérience de la lecture obligée de la lettre de Guy Môquet", elle observe que "sans en débattre avec les historiens, les enseignants et surtout la communauté juive, (Nicolas Sarkozy) décide d'imposer maintenant, et à des enfants de 10 ans, ce principe contesté et simpliste d''électrochoc émotionnel'".

"Les recettes de la téléréalité"

L'Humanité, sous la plume de Maurice Ulrich, s'indigne de cette proposition "proprement effarante": "On n'invite pas impunément des milliers d'enfants à vivre avec des fantômes (...) C'est faire entrer dans l'âme la culpabilité et la mort".
Cette proposition, qui "apparaît pour l'instant assez mal ficelée" selon Francis Lachat dans Le Courrier picard, est "une répétition de la lettre de Guy Môquet, alors qu'éduquer ne saurait être affaire d'émotion, comme l'ont rappelé enseignants et psychologues", note Jean-Marcel Bouguereau dans La République des Pyrénées.
Même son de cloche au Progrès, où Francis Brochet explique que c'est "comme si l'on plaquait sur la Shoah les recettes de la téléréalité, où l'on surjoue chaque sentiment, dans l'excès et l'exhibition, de peur d'ennuyer". "Attention: il est des sujets trop sensibles pour qu'on en fasse trop", met-il en garde.
"C'est en aidant la jeunesse à maîtriser ses sentiments et en enrichissant sa connaissance de l'histoire, et de l'actualité, que l'on participe à la construction de la citoyenneté. Pas en faisant parrainer à ces gosses un enfant mort", écrit Daniel Ruiz dans La Montagne.

"Surcharge
affective"

Michel Vagner (L'Est républicain) est moins acerbe: "Même si l'intention du président (...) est louable, les instituteurs n'avaient pas besoin de ce rappel, ni de ce diktat que rien ne vient expliquer. Ils savent comment aborder le génocide, en classe, collectivement, sans y mettre de surcharge affective."
Bernard Revel, de L'Indépendant du Midi, est plus compréhensif: "Mettre des noms à la place de chiffres abstraits aide à mieux comprendre". Avant de préciser aussitôt que "la démarche doit être soutenue par tout un ensemble pédagogique".
L'éditorialiste de la République du Centre, Jacques Camus, est le plus critique: "Nicolas Sarkozy devient inquiétant". Son initiative "semble relever de ces soudaines lubies élyséennes plus spectaculaires que réellement réfléchies", observe-t-il.
Plus modéré, Patrice Chabanet (Le Journal de la Haute-Marne) juge que "l'idée de Nicolas Sarkozy sur le devoir de mémoire n'est pas critiquable sur le fond mais reste discutable sur la forme". "On peut légitimement se demander si des enfants de 10-11 ans ont les outils de la connaissance nécessaires pour prendre la mesure du génocide", s'interroge-t-il.

jeudi 14 février 2008

Jean Tibéri en correctionnelle

Le maire du Ve arrondissement de Paris, Jean Tiberi, son épouse Xavière et neuf de leurs proches ont été renvoyés en correctionnelle pour fraude électorale, à moins d'un mois du premier tour des élections municipales, apprend-on de source judiciaire.

Après onze ans de procédure, les juges d'instruction Baudoin Thouvenot et Jean-Louis Périès ont rendu leur ordonnance mercredi, sans attendre, comme c'est l'usage, les réquisitions du parquet. Le procès devrait se tenir fin 2008 ou début 2009.

Les services du procureur Jean-Claude Marin avaient terminé depuis plusieurs semaines le règlement du dossier mais le magistrat ne souhaitait pas verser le réquisitoire définitif au dossier avant les élections, dit-on de source judiciaire.

Il invoquait une "tradition républicaine" qui voudrait qu'on ne prenne pas de décision de justice en période électorale pour ne pas influer sur le vote.

Cette affaire a été ouverte en 1997, sur plainte de la socialiste Lyne Cohen-Solal et des Verts. Les investigations sont terminées depuis près de trois ans.

Candidat à sa réélection dans son arrondissement, soutenu par l'UMP, Jean Tiberi, 73 ans, député UMP réélu en 2007, a été maire de la capitale de 1995 à 2001.

Il est poursuivi depuis mars 2005 pour "manoeuvres frauduleuses de nature à altérer la sincérité du scrutin", donc fraude électorale, aux élections législatives de 1997.

Il nie les faits. L'enquête a montré qu'au moment de ce scrutin 7.228 personnes étaient inscrites frauduleusement sur les listes du Ve arrondissement et que 3.315 d'entre elles avaient voté lorsque Jean Tiberi avait été élu député avec 2.725 voix d'avance sur Lyne Cohen-Solal.

PLACES EN CRECHE, LOGEMENTS SOCIAUX

Le Conseil constitutionnel avait refusé d'annuler son élection de 1997 comme député en estimant que l'ampleur des votes litigieux constatés à l'époque ne permettait pas de dire que le résultat aurait changé si le scrutin avait été régulier.

Ces "faux électeurs", inscrits sur les listes alors qu'ils ne résidaient pas dans l'arrondissement, auraient accepté de coopérer en échange de places en crèche ou de logements sociaux. Une douzaine d'autres personnes sont mises en examen dans cette affaire, dont Xavière Tiberi.

La gauche dénonce la fraude électorale à Paris depuis une vingtaine d'années. Les instructions menées sur la période où Jacques Chirac était maire ont battu des records de lenteur.

Un premier dossier concernant des faux électeurs du IIIe arrondissement et les élections de 1989 et 1995 a été jugé en décembre 2006, avec dix condamnations à des peines de prison avec sursis et des amendes dont celle de Philippe Dominati, sénateur UMP de la capitale, et Guy Legris, ancien patron de la fédération RPR de Paris.

Dans le Ve arrondissement, les enquêteurs ont recueilli des dépositions selon lesquelles Xavière Tiberi et Anne-Marie Affret, élue locale, auraient participé à l'organisation d'un circuit permettant de remettre en mains propres aux "faux" électeurs leur carte électorale.

Concernant Jean Tiberi, les éléments directs sont plus ténus, mais le dossier comporte une déposition de Raymond Nentien, ex-secrétaire général de la mairie du Ve, affirmant que Jean Tiberi lui avait ordonné de continuer les inscriptions litigieuses sur les listes électorales en 1996.

Selon un sondage TNS-Sofres publié la semaine dernière, Jean Tiberi, inamovible élu UMP de la capitale depuis près de 40 ans, serait battu par 52% contre 48% par Lyne Cohen-Solal, qui se présente à nouveau contre lui.

Thierry Lévêque

mardi 12 février 2008

Sarkozy perd la main

Une large majorité d'éditorialistes de la presse française admet, mardi 12 février, que dans plusieurs domaines, dont l'élection municipale dans son ex-fief de Neuilly, Nicolas Sarkozy est en train de perdre la main.

"Quand on est l'auteur, le metteur en scène, le régisseur, le producteur, l'éclairagiste et le seul acteur de la pièce, il est logique qu'on reçoive tous les lauriers. Ou tous les sifflets"
, note Laurent Joffrin dans Libération. "C'est le sort que le public réserve désormais à l'omniprésident qui nous gouverne: celui d'omnibouc émissaire", remarque-t-il.
"C'est la règle du boomerang : plus on le lance loin et fort, plus il revient vite et violemment. Nicolas Sarkozy en fait aujourd'hui l'expérience à ses dépens. Pour reprendre la main le président de la République va devoir mieux hiérarchiser et expliquer son action et ses contraintes. A ce stade, cela ressemble à un contre-emploi", affirme pour sa part Le Monde.

"La majorité se met à grogner"

Pour L'Humanité, "ce qui ne passe plus, c'est tout à la fois l'arrogance du pouvoir, les méthodes de cour anachroniques, le mépris des paroles données, l'irresponsabilité des engagements non tenus, la violence des politiques frappant les plus faibles, l'indifférence du pouvoir devant leurs conséquences, l'impudence des choix enrichissant toujours les plus riches", explique Pierre Laurent.
"Dans tous les domaines, le chef de l'Etat perd la main", constate Philippe Waucampt dans Le Républicain Lorrain. "Son plan banlieues est couturé de rustines (...) Le fief de Neuilly est saisi de convulsions. La majorité parlementaire, après avoir douté, se met à grogner", ajoute l'éditorialiste, qui souligne également que "la fortune étant réversible, les habits présidentiels, une fois retournés, pourraient prendre l'allure d'une veste électorale."

Neuilly, nouvelle épine dans le pied

"Le style déçoit, le charme n'opère plus. Face à l'adversité, Nicolas Sarkozy devrait assumer", assène Rémi Godeau dans l'Est Républicain. "Jamais les Français n'ont infligé aussi vite un tel avertissement, par voie de sondage, à un président qui n'a même pas accompli sa première année de mandat", écrit, de son côté, Jean-Michel Helvig dans La République des Pyrénées.
A propos de la confusion qui règne concernant l'élection municipale à Neuilly, Philippe Reinhard note dans L'Eclair des Pyrénées que "l'incident de Neuilly n'est certes pas décisif. Mais il contribue encore un peu plus à alourdir une atmosphère défavorable au chef de l'Etat".
Hervé Favre dresse le même constat dans La Voix du Nord estimant que Nicolas Sarkozy "porte (...) une grosse part de responsabilité en ayant choisi le mauvais candidat et en ayant pensé que ses ex-administrés se laisseraient imposer le choix du prince."

lundi 11 février 2008

David Martinon retire sa candidature à Neuilly-sur-Seine

David Martinon, porte-parole de l'Elysée et tête de liste UMP aux municipales à Neuilly (Hauts-de-Seine), a annoncé en fin de matinée son retrait de la course électorale, après avoir été lâché par ses principaux colistiers, dont Jean Sarkozy, fils du chef de l'Etat. Il a également présenté à Nicolas Sarkozy sa démission du poste de porte-parole de l'Elysée. Mais le chef de l’Etat l'a refusée.

«J'ai présenté ma démission de mes fonctions de porte-parole de l'Elysée au président de la République, qui l'a refusée,» a déclaré David Martinon aux journalistes depuis la permanence UMP de Neuilly-sur-Seine. «Les conditions ne sont plus réunies pour que je mène la campagne des municipales». «J'en tire toutes les conséquences et je me retire», a-t-il simplement expliqué. «Merci à tous ceux, et ils sont nombreux, qui m'ont accompagné, qui m'ont aidé et qui se sont investis comme moi sans compter», a-t-il salué, avant de lancer : «Je ne vous oublierai jamais»

Dominique Paillé, secrétaire général adjoint de l'UMP, avait déjà annoncé ce matin que le dénouement était «imminent» à Neuilly-sur-Seine. Le conseiller politique de l'Elysée a assuré sur Canal + que le chef de l'Etat n'était pas intervenu «directement» dans cette affaire. «Notre objectif à l'UMP, c'est que la situation soit assainie et clarifiée très rapidement, ce qui d'ailleurs sera le cas. Je pense qu'il y a un dénouement imminent», a affirmé Dominique Paillé.
Expliquant que «c'est une affaire de crise interne à l'UMP locale», il a précisé que «c'est à nous à la résoudre». Avant de reconnaître que le chef de l'Etat «n'est pas indifférent au sort de son fils et de Neuilly» et qu'«il n'est pas non plus indifférent au sort de David Martinon».

«Il y a deux hypothèses, avait souligné Dominique Paillé. Ou David Martinon continue, ou David Martinon s'arrête. Dans cette hypothèse d'arrêt de David Martinon, il y aura nécessité de trouver une nouvelle tête de liste». Interrogé sur l'éventualité que Jean Sarkozy devienne tête de liste, le secrétaire général adjoint de l'UMP a estimé que «Jean Sarkozy est un garçon bourré de talent. Il a d'énormes qualités (...), c'est une hypothèse qu'il ne faudrait pas écarter dans le cas où David Martinon ne serait plus candidat», a-t-il dit. Quant à un éventuel maintien du porte-parole de l’Elysée à ce poste, moins enthousiaste, il a répondu, laissant déjà présager du retrait de David Martinon : «Je ne suis pas à sa place» mais «il mesure, je pense, les difficultés qui l'attendent dans cette hypothèse».

lundi 4 février 2008

Mobilisation pour "sauver Gandrange"


Nicolas Sarkozy se rendra lundi matin dans l'usine Arcelor-Mittal de Gandrange (Moselle), a annoncé jeudi Edouard Martin, délégué CFDT au comité de groupe européen d'Arcelor-Mittal.

"Il va venir lundi la visiter sur place pour qu'il voit de lui-même l'état de cette usine", a-t-il ajouté à l'issue d'une rencontre à l'Elysée entre le chef de l'Etat et les syndicats CFDT, CGT et CGC du groupe sidérurgique.

A l'Elysée, on précise que la venue du président reste toutefois conditionnée à des contraintes d'emploi du temps liées à son déplacement lundi en Roumanie, où il est attendu à la mi-journée.

Le géant mondial de l'acier a annoncé le 16 janvier que 595 emplois sur 1.108 seraient supprimés sur le site de Gandrange (Moselle) d'ici à 2009, avec promesse de reclassements à la clé.

Lundi, M. Sarkozy avait reçu le PDG du groupe, Lakshmi Mittal, qui avait promis de donner aux syndicats jusqu'en avril 2008 pour lui soumettre des alternatives à la fermeture.

"On lui a expliqué dans le détail quel était le projet de l'intersyndicale", a expliqué M. Martin. "Il nous a dit qu'il y croyait et que l'Etat se portait garant, (prêt) à faire tout ce qui était son possible pour maintenir l'activité de cette usine, y compris en mettant de l'argent pour la formation", a-t-il ajouté, saluant "une bonne réunion".

"Il nous a garanti que nous aurons le temps pour présenter une alternative et un contre-projet industriel", a confirmé Alain Gatti, secrétaire général de la CFDT Lorraine.

Lors de cette rencontre, M. Sarkozy a assuré aux syndicats qu'il "appuierait toutes les solutions dont la viabilité économique est établie", selon les propos rapportés par l'Elysée. Il s'est félicité "qu'un accord de méthode ait pu être négocié entre la direction et les organisations syndicales pour qu'il y ait le temps nécessaire à une analyse de toutes les issues possibles".

Sauver l'emploi menacé dans l'acier en Moselle: un enjeu qui dépasse un drame économique local

Aurélie Filippetti, députée PS de Moselle

L’annonce par ArcelorMittal, le n°1 mondial de l’acier, de la suppression de 600 emplois sur le site de Gandrange en Moselle est d’abord un drame économique et social dans une région qui fut déjà durement frappée par les restructurations successives de la sidérurgie française. C’est ensuite une nouvelle illustration de l’hégémonie de lectures financières simplistes sur les logiques industrielles : deux ans de pertes dans un établissement auparavant rentable provoquent une seule réponse : on ferme ! C’est la raison pour laquelle les syndicats et les élus, unanimement convaincus de la viabilité du site de Gandrange, ont demandé le gel du plan, le temps d’élaborer un contre-projet puis de le négocier avec la direction du groupe.

Au-delà, c’est l’ensemble de l’industrie de notre pays qui doit être défendue par une véritable politique industrielle. Les difficultés de Gandrange sont connues : un choix technologique initial aventureux (le four électrique), l’absence d’investissement depuis huit ans, une formation insuffisante des nouveaux recrutés suite au départ d’un tiers des salariés à l’occasion des lois Fillon, la dérive des coûts d’approvisionnement électrique transférés aux nouveaux opérateurs suite à la déréglementation. On retrouve là un résumé de tous les défis que doit affronter aujourd’hui l’industrie française : une innovation maîtrisée et vraiment utile, un positionnement concurrentiel sur des produits complexes à forte valeur ajoutée, des investissements et des efforts de formation continus pour tirer parti des savoir-faire, des technologies et de l’expérience accumulés, une gestion intelligente des départs massifs à la retraite prévus ces dix prochaines années. Une approche industrielle exige du temps, une vision de long terme, un dialogue social de qualité source de motivation des salariés. Il est donc particulièrement important de s’appuyer sur les syndicats qui, on le voit à Gandrange, ont une connaissance fine des métiers, des outils, des produits, soutenue par une véritable fierté de leur travail. Leur rôle est décisif pour faire valoir des alternatives viables aux stricts arguments financiers de rentabilité immédiate.

Il ne faut pas se voiler la face. L’industrie française est l’une des plus ouvertes d’Europe : 50% du capital du CAC 40 et 40% de ses entreprises sont la propriété d’investisseurs d’autres pays. Elle subit donc de plein fouet la concurrence entre sites à l’intérieur même des grands groupes mondialisés (Sony, ArcelorMittal, Salomon en sont des exemples récents). Cela n‘ira qu’en s’intensifiant. On voit concrètement à Gandrange cette menace sur un marché pourtant aussi porteur que l’acier aujourd’hui, avec une demande qui explose, des prix au plus haut, des carnets de commande remplis, des profits impressionnants dans ce secteur qu’on pensait obsolète (6 milliards € pour ArcelorMittal en 2006). Alors l’urgence impose un sursaut politique. On ne peut plus se contenter de slogans fatigués à force d’avoir été brandis sans mesure concrète, ni de rencontres habilement médiatisées avec les plus grands patrons de ce monde. Nous demandons une réelle vision politique de l’industrie, articulant des mesures concrètes de soutien et d’amélioration de sa compétitivité et mobilisant Etat, régions, Europe.

Certains diront : « qu’importe l’industrie ! elle ne représente plus que 15% des emplois et du PIB dans notre pays. L’avenir est au tourisme, aux services, à l’immatériel ». Ma conviction est différente. Je remarque d’abord que tous les grands sujets débattus aujourd’hui : énergie, environnement, santé, numérique… ont une dimension industrielle évidente. Les décisions prises peuvent fragiliser notre économie en la rendant plus dépendante, ou bien ouvrir de nouvelles perspectives et un nouveau sentier de croissance et d’emplois. Il est important ensuite de souligner l’ensemble des activités qui gravitent autour de l’industrie (services externalisés, publicité, recherche, intérim), son rôle stratégique dans l’indépendance d’un pays qui ambitionne de peser sur la scène mondiale, sa position centrale dans notre système d’innovation et d’expérimentation de nouvelles normes, enfin son poids dans notre commerce extérieur. Plus profondément, il s’agit d’un enjeu politique allant au-delà des activités économiques en jeu. Je suis convaincue que les choix d’un pays sur l’industrie traduisent notre modèle économique et social : ils déterminent les métiers du futur, notre relation au monde extérieur, les richesses que nous valorisons, et plus encore, l’existence ou non d’une vision économique collective, dont l’industrie a été historiquement l’emblème.

Gandrange: Nicolas Sarkozy ne veut pas des députés socialistes!

Communiqué d Aurélie Filippetti et Michel Liebgott, députés PS de Moselle

Les députés PS de Moselle Aurélie FILIPPETTI et Michel LIEBGOTT indignés d’être personae non gratae lors de la visite du Président de la République, ce lundi à l’usine Arcelor Mittal à Gandrange, à cheval sur leur deux circonscriptions.

"Depuis le début du conflit, nous nous battons aux côtés des salariés rencontrant tour à tour les syndicats et la direction dans le but d’obtenir le gel de la décision de fermeture et de soutenir le projet alternatif des syndicats afin de préserver les emplois dans une lorraine qui n’a déjà que trop souffert de l’aveuglement et du manque de politique industrielle novatrice. »

"La décision sectaire d’écarter les élus de cette visite revèle de manière flagrante le mépris du Président de la République envers le Parlement et les parlementaires tout comme elle illustre, à l’évidence, que la politique d’ouverture de Nicolas Sarkozy n’est en fait qu’un affichage purement médiatique. »