vendredi 6 juillet 2007

Ce que révèlent les discours de politique générale

Les discours de politique générale sont un exercice obligé pour les Premiers ministres sous la Ve République. Suivis par un vote de confiance de la majorité, ils traduisent les orientations idéologiques du gouvernement.

Analyse de Jean-Marcel Bichat, délégué national PS à l’Histoire.

Quand la déclaration de politique générale fut-elle pratiquée pour la première fois sous la Ve République ?

En janvier 1959, le discours de Michel Debré souligne le bienfondé des nouvelles institutions et fait de la présence et de l’autorité du général de Gaulle les conditions préliminaires de toute action politique. Georges Pompidou se soumet au vote sur une déclaration de politique générale, en août puis en décembre 1962, après les élections législatives.

En revanche, il n’y aura de vote solennel sur une déclaration de politique générale ni au lendemain de l’élection présidentielle de 1965, ni même à l’issue des législatives de 1967 avec Pompidou. Pas plus qu’au terme des législatives de juin 1968 avec Maurice Couve de Murville.Ce dernier se félicitera pourtant de l’ampleur de sa majorité, véritable « Chambre introuvable » pour reprendre l’expression de Louis XVIII, en 1815, surpris de trouver une Chambre réactionnaire, cléricale et ultraroyaliste.

Pourtant, l’article 49-1 de la Constitution(1) fait de cet exercice une obligation. Quand Georges Pompidou ou Maurice Couve de Murville négligent de solliciter la confiance de l’Assemblée,n’est-ce pas vouloir manifeste qu’ils ne tiendraient leur légitimité que du seul président de la République ?

À partir de 1962, le vote de confiance sur le programme du gouvernement devient facultatif et le principe de la responsabilité du Premier ministre devant le président est consacré, en marge du texte constitutionnel, par l’usage. C’est incontestablement une lecture présidentialiste de la Constitution. Elle se confirme en mai 1972, avec la démission de Jacques Chaban-Delmas, quelques jours seulement après qu’il a obtenu la confiance de l’Assemblée.

Il faut attendre les élections de mars 1973 pour voir un Premier ministre s’astreindre de nouveau à une déclaration de politique générale…

Auparavant, Jacques Chaban-Delmas avait contesté la lecture présidentialiste de la Constitution et voulu réhabiliter le Parlement. Mais son projet de « Nouvelle société » déplait au président. Son successeur, Pierre Messmer, débute son discours en soulignant le rôle prédominant du chef de l’État et ne se soumet au vote de l’Assemblée qu’en avril 1973, au lendemain des législatives.

L’interprétation gaulliste de la Constitution place Jacques Chirac dans une situation délicate en 1986 :son intervention à l’Assemblée suit la lecture d’un message de François Mitterrand qui livre aux députés sa propre analyse des institutions et de la répartition des compétences entre le président et son Premier ministre : « La Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution. »

En 1981, en insistant sur les questions liées à l’économie et à l’emploi, Pierre Mauroy introduit une nouveauté dans l’exercice de ce discours, qui influencera ses successeurs…

À cette occasion, Pierre Mauroy présente également les grandes réformes structurelles de la gauche et s’applique, en avril 1983 à défendre son bilan. Il introduit aussi une dimension militante, absente jusqu’ici. En juillet 1984, le discours de Laurent Fabius renforce l’engagement personnel du Premier ministre.
En 1988, le « nouvel espoir » de Michel Rocard nous fait entrer dans l’ère de la communication politique consensuelle. En juin 2005, on est donc en droit d’attendre de Dominique de Villepin un discours flamboyant. Toutefois, il consacre l’essentiel de son propos à la question de l’emploi, s’en tenant à un catalogue de mesures. De plus en plus consensuel, le discours de politique générale devient ainsi un discours édulcoré.

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