jeudi 21 octobre 2010

lundi 18 octobre 2010

Nègre je suis, nègre je resterai*

L’arabe menteur, l’arabe voleur, le chinois travailleur mais sale, le juif cupide, la française sexuellement libre, le latino chaud lapin, la négresse panthère, la négresse lascive, le nègre danseur, le nègre rieur, le nègre footballeur, le nègre paresseux… strike ! En cherchant un peu, on pourrait en trouver d’autres, des idées à fournir à monsieur Jean-Paul Guerlain pour son petit précis de clichés racistes. C’est donc celui du nègre fainéant, bon à rien, qu’il aura choisi de nous servir, dans un silence sidérant, sur le plateau du 13 heures de France 2 vendredi dernier.

« J’ai travaillé comme un nègre, je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin… ». C’est la deuxième partie de la phrase, 13 mots, qui lui valent... quoi au juste ? On a bien cherché, on a bien attendu pendant tout le week-end, dans la bouche de tous ces responsables politiques, un début de condamnation, d’émoi, d’indignation. Seule Christine Lagarde a réagi. Pour les autres, on attend encore. En France, on peut donc prononcer des paroles racistes à une heure de grande écoute, sur un média national sans qu’aucune grande voix, politique, intellectuelle ou artistique ne s’en émeuve. Oh, les associations font leur job, qui menacent de porter plainte. Mais qui parle de racaille ? De scandale ? De honte ? D’obscénité ? De crachat ? Le crachat, que ce très distingué Monsieur Guerlain a jeté non seulement à la figure de tous les Noirs d’aujourd’hui, mais surtout, cher Monsieur Guerlain, sur la dépouille des millions de morts, à fond de cale, à fonds d’océan, déportés de leur terre natale vers le nouveau monde. Ces millions de personnes asservies, avilies, déshumanisées, pendant quatre siècles, réduites au rang de bras et de mains destinées aux champs de coton, aux champs de canne, à la morsure du fouet ou celle du molosse, tous ces esclaves, vendus comme une force de... travail ! Pas des hommes, non, ni des pères, ni des mères à qui l’on arrachait leurs enfants pour en faire d’autres bêtes de sommes, pas des humains, mais des outils, du matériel. Des marchandises.

Cher monsieur Guerlain, vous dont l’un des parfums suffisait, à lui seul, à rassurer l’enfant que j’étais quand sa mère s’absentait, vous dont le nom m’a accompagnée, de mère en fille, de sœur en sœur, aussi loin que remontent mes souvenirs et dont je ne pourrai plus, jamais, porter la moindre fragrance, moi négresse, je vous relis, je vous dédie ces quelques lignes, signées Aimé Césaire : « Vibre… vibre essence même de l’ombre, en aile en gosier, c’est à forces de périr, le mot nègre, sorti tout armé du hurlement d’une fleur vénéneuse, le mot nègre, tout pouacre de parasites… le mot nègre, tout plein de brigands qui rôdent, de mères qui crient, d’enfants qui pleurent, le mot nègre, un grésillement de chairs qui brûlent, âcre et de corne, le mot nègre, comme le soleil qui saigne de la griffe, sur le trottoir des nuages, le mot nègre, comme le dernier rire vêlé de l’innocence, entre les crocs du tigre, et comme le mot soleil est un claquement de balle, et comme le mot nuit, un taffetas qu’on déchire… le mot nègre, dru savez-vous, du tonnerre d’un été que s’arrogent des libertés incrédules ».

Aimé Césaire qui, à l’insulte, répondit aussi un jour : « Eh bien le nègre, il t’emmerde ! ».

mercredi 3 mars 2010

Dérapages et petites phrases en Ile-de-France

Nicolas Sarkozy a remis de l'ordre dans la campagne de l'UMP, hier, en appelant les candidatsà faire bloc derrière Valérie Pécresse. Pas de quoi inquiéter Jean-Paul Huchon, le président sortant.
Reportage
Cet après-midi-là, elle a sauté dans le « Petit gris », direction Melun et son école de la deuxième chance. Envie, consciente ou inconsciente, de fuir la ville, ses caniveaux, ses ragots, ses coups bas, une campagne électorale qui va de travers. Dans l'antique train de banlieue bondé et bringuebalant, Valérie Pécresse, la tête de liste UMP, s'égosille : « Les Franciliens méritent mieux que d'être transportés dans ce genre de bétaillères. »
La ministre à l'Enseignement supérieur s'est déjà rendue à l'évidence. Dans le wagon, tandis que les banlieusards s'abandonnent à une indifférence polie, les médias ont autre chose en tête : l'affaire Soumaré. Un vilain chewing-gum qui est en train de coller aux doigts de la droite francilienne. Quelques jours plus tôt, Francis Delattre, maire UMP de Franconville, a imprudemment qualifié Ali Soumaré, tête de liste du PS dans le Val d'Oise, de « délinquant multirécidiviste chevronné ».
« Incapable, endormi ! »
À quinze jours du scrutin, Valérie Pécresse se serait bien passée de ce dérapage. Les sondages ne sont pas bons. Pas bons du tout. À la gare de Melun, Yves Jégo, tête de liste en Seine-et-Marne, vient à la rescousse : « Les socialistes fuient le débat de fond, n'assument pas leur bilan. » Hier, l'équipe de Pécresse était convoquée par Nicolas Sarkozy, excédé par les couacs à répétition. Décidément, un combat difficile. « Mais ce sont les plus beaux ! », rétorque machinalement la ministre.
« Ils perdent les pédales, balancent n'importe quoi et cherchent le choc pour mobiliser la droite dure », analyse Philippe Kaltenbach, le maire PS de Clamart qui ne désespère plus de faire trébucher la droite dans les Hauts-de-Seine. « Vous vous rendez compte, le berceau du sarkosysme ! » Jean-Paul Huchon, le président socialiste sortant, joue sur du velours. « J'entends dire que je suis un incapable, un endormi, ironise-t-il. Mais quand je vois la manière dont les gens nous sourient... »
Ce midi-là, tout en rondeurs, écharpe fushia autour du cou, il arpente le parvis de la Défense. Plus de 150 000 Franciliens viennent y travailler chaque jour, souvent au prix d'un trajet qui relève du parcours du combattant. « Il faut rapprocher l'habitat de l'emploi », martèle Huchon. Pas loin de s'enflammer : « Si on gagne les Régions de manière nette, on peut inventer énormément de choses dont le PS, la gauche, feront des propositions crédibles pour 2012. »
Tout semble sourire au sortant. Même le frottement urticant annoncé avec les écologistes, enivrés par de bons résultats aux élections européennes, particulièrement en Île-de-France, est renvoyé en arrière-plan. À la station de métro Mairie de Saint-Ouen, ligne 13, « la plus saturée du réseau », Cécile Duflot, tête de liste d'Europe Écologie, s'irrite qu'on lui parle encore du ton de la campagne. Liasse de tracts à la main, la répartie tranchante, elle fonce sur les transports, « l'un des dossiers prioritaires pour les Franciliens » : « On veut aller plus vite et mieux et maintenant ! » Avec Huchon, s'entend !