mercredi 25 février 2009

Les Tiberi de plus en plus isolés



Le tribunal de Paris organisait hier une confrontation générale des onze prévenus dans l'affaire des faux électeurs du 5e arrondissement, qu'elle étudie jusqu'au 4 mars. Si la fraude n'est plus à prouver, compte tenu des éléments fournis durant le procès, le juge Jean-Paul Albert a eu bien du mal à obtenir des aveux de la plus fidèle lieutenant de Jean et Xavière Tiberi.


Première adjointe du 5e au moment des faits, Anne-Marie Affret, qui occupe toujours ce poste et défend le couple bec et ongles, a refusé de dévoiler le nom de ses donneurs d'ordres. « Il y a des responsabilités ?, lui demande le président. - Sûrement monsieur. - Dans cette salle ? - On est tous là de toute façon. - C'étaient des personnes au-dessus de vous ? - Forcément, oui. » Certes, elle recevait bien « des transmissions » de Xavière Tiberi sur différents sujets, mais « ce n'était pas un ordre ». « Jean Tiberi, c'était le cerveau, c'est évident, continue Anne-Marie Affret, évoquant les affaires courantes de la mairie. Les initiatives, c'est pas moi qui peux les prendre. » Jean Tiberi n'a, lui, « jamais, jamais, jamais » eu connaissance des problèmes de faux électeurs. « Je n'ai jamais fait un faux, jamais il n'y a eu de preuve. Et je m'en félicite », lance-t-il. Le juge, pourtant connu pour sa mesure jusqu'alors, lève les bras et les yeux au ciel. « C'est une manifestation spontanée alors ? Comment ça peut exister ? Comment ils arrivent ces faux électeurs ? » Pas de réponse.

Le chef du bureau des élections à l'époque, Olivier Favre, raconte ensuite les « radiations ciblées » dans le 5e. « On nous a dit de radier d'office les électeurs des lycées Henri-IV et Louis-le-Grand qui n'y habitaient plus, car ils ne votaient pas pour Jean Tiberi. Ces radiations étaient justifiées. Mais c'était une faute de s'arrêter uniquement à ces adresses. » Il évoquera aussi des séances de « photocopies de cartes électorales » tard le soir dans le bureau des élections. Selon le registre du gardien, Jean et Xavière Tiberi étaient de la partie. « 23 avril 1997, arrivée de Jean Tiberi à 22 h, départ de Jean et Xavière Tiberi à 23 h 12 », lit le juge. « Je ne sais pas pourquoi il écrit ça, je n'ai jamais mis les pieds dans ce bureau », répond Jean Tiberi. Anne-Marie Affret n'a pas la même capacité à nier. Face à une énième question du juge sur la responsabilité du couple, elle craque : « Je crois que je vais m'arrêter là, c'est trop, je ne sais plus où donner de la tête. J'espère que mon avocat me défendra bien », lâche-t-elle dans un soupir. Elle se retourne vers lui. Son défenseur a changé de place et s'assied désormais du côté de la partie civile, loin de la troupe des avocats du clan Tiberi. 

lundi 23 février 2009

La Guadeloupe expliquée à mes amis de métropole

Une grève contre la vie chère ?

Non. Pas vraiment.

Le collectif qui mène la grève est un ensemble de 49 associations syndicales, politiques, associations de consommateurs et associations culturelles. Elle a déposé (un mois avant le début de la grève générale, et personne n'a jugé bon de s'en préoccuper) un cahier de 146 revendications réparties sur 10 chapitres. Parmi ces chapitres, un (un seul !) concerne la vie chère.

Mais alors qu'est-ce que cette grève ?

Le collectif à l'initiative de cette grève s'appelle "LKP" : Lyannaj kont pwofitasyon (C'est du créole). Traduction "alliance contre le vol et les profits abusifs". C'est une mobilisation sans précédant. Le LKP parle de 100 000 personnes dans les rues (sur une population de 460 000, soit près du quart de la population). Au delà de la bataille des chiffres, une chose est sure : c'est historique. C'est la plus grande mobilisation de l'histoire de la Guadeloupe et chaque sortie du LKP crée un nouveau record. Depuis une semaine, la Martinique emboîte le pas, la réunion depuis deux jours, et la Guyane s'y prépare.

Qu'est-ce que la "pwofitasyon" ?

Surtout, ne pas traduire par "profit" (c'est un faux amis). La "pwofitasyon", ici peut se traduire comme je viens de dire par "profits abusifs". Dans le langage courant, "pwofitasyon" désigne l'abus de pouvoir qu'un puissant exerce sur quelqu'un dont il sait déjà qu'il est pus faible que lui, pour le rendre encore plus subordonné. L'exemple type, est celui des enfants dans la cours de récréation d'une école primaire. Les "grands" de CM2 peuvent exercer dans la cours des "pwofitasyon" sur les "petits" de CP, qui n'auront que leur yeux pour pleurer. (N'est-ce pas mignon, notre cher et tendre enfance ?)

Les domaines de "pwofitasyon" sont multiples chez nous :

Le constat est le suivant. En Guadeloupe, les prix sont beaucoup plus élevés qu'en France et donc parmi les plus élevés d'Europe et du monde. On constate (pour les mêmes enseignes et les mêmes produits) des écarts de plus de 100% que l'éloignement (il faut bien payer le transport) n'explique pas (exemple : 84% sur les pâtes alimentaires). Selon tous les experts, après analyse de la chaîne, de la production au caddie du consommateur, en passant par le transport, le surcoût par rapport à l'hexagone ne devrait pas dépasser 10%. Les différences de prix constatées ressemblent donc fortement à.... du vol organisé.

Quelques exemples de "pwofitasyon" dénoncés par le LKP :

  • L'essence que payait les guadeloupeéns était l'une des plus chère au monde. Il y a une crise internationale qui a fait exploser le cours du pétrole, certes, mais cela n'explique absolument pas le cours des prix en Guadeloupe (dans les DOM de manière générale). Aujourd'hui qu'un début lumière commence à être fait sur la question, plus personne ne le conteste.
  • Le LKP a présenté à l'état son expertise des méthodes de fixation des prix, résultat : tout le monde est d'accord sur le constat qui consiste à dire que les prix sont anormaux (même ceux qui sont contre la grève générale comme forme choisie pour le dénoncer) . Le secrétaire d'état aux DOM, monsieur Yves Jego envisage même une action en justice de l'Etat contre la SARA (Société Anonyme de Raffinage Antillaise) dont l'actionnaire principal (70%) est TOTAL. Vous m'accorderez sans doute que ce ne sont pas des nécessiteux. Et Jego (lui même), a dit que si après enquête, il est démontré que la SARA a perçu des sommes indues (ce sera probablement le cas), cette somme devra être remise aux guadeloupéens sous la forme d'un fond pour la formation professionnelle.

N.B : La SARA est en situation de monopole en Guadeloupe, pas de concurrence. C'est elle qui distribue l'essence.

 Quant aux prix de la grande distribution... une des pistes est de créer "un panier de la ménagère" constitué d'environ 100 produits sur lesquels la grande distributions n'aurait plus le droit de dépasser les prix de l'hexagone de plus de 10%, avec la création d'un organe bi-mensuel de contrôle des prix pour éviter de nouvelles dérives.

N.B : Les géants de la distribution sont en situation de quasi monopole. Il s'agit principalement du groupe Hayot (Bernard Hayot est dans le top 120 des fortunes françaises). En plus ils détiennent l'importation et ont le monopole de la distribution sur plusieurs grandes marques. Pour accentuer le problème, les quelques concurrents existants sont des groupes amis (cousins, alliances...) puisque ce circuit est aux mains d'une ethno-classe compacte et réduite(**).

(**) voir reportage assez édifiant de canal + "Les derniers maîtres de la Martinique"

Autre détail intéressant. Parmi les revendications sur le coup de la vie, il y a la baisse des tarifs des prestations bancaires. Et que s'est-il passé ? Dès que les banques en Guadeloupe (pourtant les mêmes que dans l'hexagone) ont pris connaissance des revendications les concernant, avant même que cette question ait été négociée, les banques ont adopté une baisse de leurs tarifs !! Permettez moi de penser que ça signifie que les tarifs étaient effectivement abusifs.

Le reste des revendications ?

Elles traversent TOUS les domaines de la société. Vraiment tout. Les 9 autres chapitres : Education, Formation professionnelle, Emploi, Droits syndicaux et liberté syndicales, Services publics, Aménagement du territoire et infrastructures, Culture, et enfin "pwofitasyon" (il s'agit de réclamer des mesures pour contrôler désormais les prix). J'appelle ça un mouvement sociétal. Si certains persistent à parler de vie chère...je n'y peux rien. C'est un véritable cahier de Doléances. Il parcourt l'ensemble des domaines de la société.

Rappelons que ces revendications sont au nombre de 146 et que le LKP a défini parmi ces 146, 19 à négocier immédiatement, puis d'autres qui demandent des réponses plus purement politiques voire institutionnelles, qui devront être débattues à long et moyen terme.

Je peux, si vous le souhaitez, vous envoyer ce cahier de revendications.

Mais alors... Pourquoi ne parle-t-on que de ces foutu 200€ que le LKP demande ?

Parce que cela fait partie effectivement des revendications et comme tout le monde s'y attendait, c'est le point qui bloque les négociations. Le LKP ne démord pas. Le patronat ne démord pas. Les positions se radicalisent.

Commentaire personnel : Je trouve ça dommage qu'un si beau mouvement bloque sur un point que je considère comme étant secondaire en terme de portée sociétale sur le futur de la Guadeloupe.

N.B : Il s'agit d'une augmentation de 200€ des bas salaires

Les guadeloupéens sont asphyxiés et meurent de faim alors ?

Mais pas du tout !! C'est cette question qui m'a poussé à écrire ce mail. Un ami métropolitain m'a appelé aujourd'hui pour me demander si on tenait le coup. Au début j'ai commencé à répondre que malgré la durée du conflit, la mobilisation était toujours de mise. Il me coupe : "Non, je voulais dire...Arrivez vous à remplir le réfrigérateur" !!

La Guadeloupe est en grève générale depuis bientôt 4 semaines. Les hyper marchés et super marchés sont fermés. En revanche les petits commerces de proximités sont ouverts, mais les rayons des magasins sont de plus en plus vides...

MAIS : La Guadeloupe s'organise. L'UPG (Union des Producteurs Guadeloupéens) ainsi que les pêcheurs font parti du LKP. Les poissons ne sont pas en grève : les pécheurs continuent à pêcher et à vendre leur poisson. Les animaux ne sont pas en grève : les éleveurs continuent à s'en occuper et à vendre leur viande. La terre n'est pas en grève : les cultivateurs continuent à travailler leurs exploitations et vendent leur denrées. Notre réfrigérateur n'a jamais été aussi plein.

Les hyper marchés sont fermés, mais les marchés sont ouverts. Il y a mieux : des marchés populaires sont organisés devant les piquets de grève et un peu partout. Les producteurs y vendent leur denrées aux prix auxquels ils ont l'habitude de vendre aux super marchés. Conséquence : ils ne perdent pas leur récolte ni leur revenus, et le porte feuille du consommateur apprécie puisque les marges exorbitantes de la grande distribution ne sont plus là.

Nous mangeons à notre faim et -fait intéressant- nous n'avons jamais autant consommé local !!
Je n'ai pas de purée mousseline, je n'ai plus de pâtes Panzani... et alors ? J'ai des tubercules, des légumes, de la viande, du poisson, des fruits frais, des fruits secs, des fruits de mer... Et ça coûte moins cher que d'habitude.
En fait, je crois que je n'avais jamais mangé aussi équilibré de ma vie.

Si vous n'avez jamais entendu tout ça, est-ce que la presse nationale fait de la désinformation ?

Je n'irai pas jusqu'à dire qu'on vous ment. Disons que parmi tout ce que les envoyés spéciaux des média nationaux voient, ils choisissent 5%, et le choisissent d'une manière assez surprenante.

La première semaine, ils n'en parlaient pas. La deuxième semaine, ils n'ont montré que des images de touristes dont les vacances ont été gâchées par cette grève (je suis sincèrement désolé pour eux, mais c'est la vie). Ils ont montré des rayons de super marché vide et ont semblé vouloir dire que la rupture des stocks créait le plus grand désarroi... Ils ont fustigé une grève qui - dit-on - pénaliserait de manière irrémédiable l'économie Guadeloupéenne.

Puis Le secrétaire d'état aux DOM est arrivé en Guadeloupe. Il y a carrément déplacé son cabinet et son staff.

La presse ne pouvait plus se contenter des mini sujets bâclés. Ils ont commencé à en parler un peu plus. Aujourd'hui, l'information que vous recevez est de plus en plus conforme à ce qui se passe.

Les "vrais" reportages font leur apparition. France inter a fait une longue émission dessus, j'ai pu voir un long article sur Elie Domota, porte parole du LKP dans je journal Le Monde. Libération a publié un long texte d'Ernest Pépin (écrivain Guadeloupéen)... Ça commence à changer. Pourtant, je suis persuadé que ceux qui ont tout lu de ce mail ont appris beaucoup de choses.

Pour les plus courageux, j'ajoute encore quelques points importants. Je quitte la description pour rentrer dans l'analyse (mais vous pouvez vous arrêter là).

Xénophobie ? Racisme ? Les slogans ?

Non, non, et trois fois non ! Le slogan principal repris depuis le 20 janvier en coeur par les manifestants :

"La Gwadloup sé tan-nou, la Gwadloup sé pa ta yo. Yo péké fè sa yo vlé, adan péyi an-nou"

Traduction littérale : " La Guadeloupe est à nous, La Guadeloupe n'est pas à eux. Ils ne feront pas ce qu'ils veulent dans notre pays"

Traduction plus usuelle : "La Guadeloupe nous appartient, elle ne leur appartient pas. Nous ne les laisserons pas faire ce qu'ils veulent dans notre pays."

La question qui inquiète certains : Mais qui est ce nous et ce eux ?
Nous = noirs ?
Eux = blancs ? Si oui, lesquels ? Les blancs en général (métropolitains) ou les "béké", descendants des maitres d'esclaves et qui ont su conserver leur domination économique et d'influence grâce aux héritages de génération en génération depuis l'époque esclavagiste, jusqu'à présent (sans la diluer dans le reste de la population car le béké fait souvent attention à "conserver la race" (**)

(**) revoir reportage assez édifiant de canal + "Les derniers maîtres de la Martinique

 Selon moi, il ne s'agit pas de ça. Moi qui vit ce mouvement de l'intérieur, moi qui reprend ce refrain avec joie depuis 4 semaines, je n'ai jamais désigné le blanc par ce "eux" et tous les gens de mon entourage sans exception sont du même avis.

 

 


vendredi 20 février 2009

Les "limogés du président" et la notion de "responsabilité"

Analyse par Jean-Baptiste de Montvalon
Le Monde


 
Responsable (latin responsum, de respondere, se porter garant) : Qui doit répondre de ses actes ou de ceux des personnes dont il a la charge." Telle est la première définition donnée par le Larousse au terme si souvent employé par Nicolas Sarkozy lorsqu'il veut traduire sa conception de la gestion des affaires publiques.

Remarque liminaire : le "responsable" est une personne. Exit les dossiers, évaluations, revendications, argumentaires ; bref, tout ce qui fait la complexité de la politique, que le chef de l'Etat présente comme une succession d'affaires personnelles. Cette simplification à laquelle se livre M. Sarkozy devant l'opinion est une première source de malentendus.

Comment comprendre en effet que la situation ne s'arrange pas alors que des "responsables" ont été désignés et sanctionnés ? Le doute risque fort de s'accroître au fur et à mesure que s'allonge la liste des limogés du président. Passons sur les motifs et le bien-fondé - parfois contestable - des sanctions prononcées. Que l'on sache, les moyens d'action des nationalistes corses n'ont pas été enrayés par le départ de Dominique Rossi, ex-coordonnateur des forces de sécurité sur l'île. Et le manque de moyens des hôpitaux psychiatriques n'a pas disparu après la suspension du directeur de l'établissement de Saint-Egrève, dans l'Isère.

La méthode, qui consiste à jeter en pâture quelques noms pour calmer la fringale présumée de l'opinion, peut - au mieux - avoir un effet placebo à court terme. Mais le risque est grand de la surenchère et/ou de la déception. D'autant qu'en désignant - pour les sanctionner - des responsables à tour de bras, M. Sarkozy risque fort de saper l'autorité liée à sa propre fonction.

On sait la propension de "l'omniprésident" à vouloir incarner à lui seul l'exercice du pouvoir. Le premier ministre - et le gouvernement derrière lui - a quasiment disparu de la "scène" politique, où se tient une sorte de one-man-show permanent. Pour justifier que lui soit reconnu un rôle prépondérant, M. Sarkozy a précisément invoqué ce principe de responsabilité.

"Plus la volonté politique s'affirme, plus la responsabilité politique doit s'affirmer aussi. Il ne peut y avoir de pouvoir fort sans responsabilité forte", soulignait le président de la République dans son discours sur les institutions prononcé à Epinal, le 12 juillet 2007. "Je souhaite que le président gouverne (...). Mais je souhaite que, dès lors, il soit amené à rendre davantage de comptes", insistait-il.

Ce faisant, M. Sarkozy pointait le problème essentiel des institutions de la Ve République. Instaurée en 1962, l'élection du président au suffrage universel lui a permis de prendre le pas sur le gouvernement, qui est pourtant seul "responsable" devant le Parlement. Accentué en ce début de quinquennat, ce hiatus se résume ainsi : le gouvernement est responsable, mais ne décide de rien. Le président décide de tout, mais n'est pas responsable.

Si la réforme des institutions adoptée le 21 juillet 2008 augmente à la marge les pouvoirs théoriques du Parlement, elle ne revient nullement sur l'irresponsabilité politique du président. Au demeurant, la seule piste évoquée par M. Sarkozy à Epinal, lorsqu'il se disait soucieux de "rendre davantage de comptes", était "la possibilité que (le président) puisse s'exprimer une fois par an devant le Parlement pour expliquer son action". Mais cet exercice de communication - auquel M. Sarkozy n'a pas eu recours pour l'instant - ne correspond nullement à la mise en jeu d'une quelconque responsabilité politique.

Celle-ci, comme le rappelait, à l'automne 2007, Bastien François, professeur de science politique à l'université Paris-I et cofondateur de la Convention pour la VIe République (C6R), "se mesure d'abord par rapport à l'état d'une relation qui se dénomme "confiance"". "Les gouvernants, précisait-il, doivent être en permanence en mesure de rendre des comptes sur l'usage qu'ils font ou ont fait de la confiance qui leur a été accordée." Mais, en France, nulle "question de confiance" (ou motion de censure) ne peut être déposée à l'encontre de notre président-arbitre, pourtant devenu un "président qui gouverne".

Pour défendre sa pratique du pouvoir, M. Sarkozy invoque son refus de l'hypocrisie. Lors de son entretien télévisé du 5 février, il a réaffirmé que ses prédécesseurs, du général de Gaulle à François Mitterrand, "décidaient", "y compris dans le détail". Sans doute. Tout au moins respectaient-ils les formes et les fonctions, comme celle de premier ministre. Ce qui avait pour effet de ménager à leur profit des "fusibles" fort utiles en période de crise.

Résumons : des responsables de peu sont sanctionnés par M. Sarkozy, qui entend lui-même être responsable de tout alors qu'il n'encourt aucun risque. Habitués à se voir livrer des "têtes" sur un plateau en toutes circonstances, les Français pourraient avoir envie que le président se prenne lui-même au mot. Il n'est pas sûr qu'il y songe. "L'histoire "responsable mais pas coupable", ce n'est pas mon genre", a certes déclaré le chef de l'Etat le 5 février. Mais il s'agissait du préfet de la Manche.

mercredi 18 février 2009

LES SOCIALISTES AUX CÔTÉS DES ULTRA-MARINS

Depuis plus d'un mois, un mouvement social d'une rare ampleur touche la Guadeloupe. Un mouvement qui s'étend progressivement à toutes les Antilles et à la Réunion. Alors que le gouvernement piétine pour satisfaire les garanties légitimes des dom-tom en matière de pouvoir d'achat, deux délégations socialistes se sont rendues le week-end dernier aux Antilles et à la Réunion pour rencontrer toutes les forces vives de ces territoires.

Intervention de Benoît HAMON, Porte-parole

Je suis accompagné des élus qui ont participé à la mission PS qui s’est rendue dans les départements d’outre-mer, le week-end dernier.

La question des salaires et du pouvoir d’achat qui se pose de manière hypertrophiée aux Antilles, menace maintenant de s’étendre sur tout le territoire métropolitain. Le Secrétariat national de ce matin a permis à travers ses échanges, de faire le point sur la situation. La Première secrétaire, Martine AUBRY recevra demain les élus socialistes des départements d’outre-mer avant leur rendez-vous avec le président de la République, pour établir une plateforme de revendications qui devrait être utile à l’Élysée, resté particulièrement inactif sur cette crise depuis le début. Nous ne pensons pas pour autant que la multiplication des revendications se traduise nécessairement par la multiplication des barrages. Il y a dans le pays un vrai problème de revendication de pouvoir d’achat et de salaires qui s’exprime. Il y a une mobilisation prévue le 19 mars. La redistribution des richesses et le financement défaillant des services publics font que les syndicats s’accordent tous pour remettre en cause la loi TEPA. Nous verrons comment le gouvernement répond à toutes ces préoccupations et s’il met tout en œuvre pour essayer de trouver un débouché positif à la crise.

Christian PAUL, président du laboratoire des idées

Nous sommes allés aux Antilles et à la Réunion pour témoigner sur la gravité de la crise sociale qui touche les départements d’outremer. La situation est d’autant plus tendue que la crise n’est pas apparue ces derniers jours. Cette crise doit beaucoup au désengagement de l’Etat et de ses missions de régulation. Le silence présidentiel et la valse hésitation sur la gestion de la crise n’ont rien arrangé. Nous dénonçons donc l’inertie de l’État et sa forte responsabilité sur l’enlisement de la crise qui atteint maintenant son paroxysme.
Nous adressons donc un message de solidarité à ces populations en difficulté car la demande sociale qui s’exprime est fondée. Les prix explosent et les domiens ne sont plus en mesure de faire face, étant donné leurs revenus insuffisants.

Nous avons interpellé le gouvernement pour que l’État sorte de son isolement et retourne à la table des négociations. Les associations, les partenaires sociaux et même le patronat sont prêts à y revenir. Il faut donc que l’État reprenne sa place. C’est pourquoi le Parti  socialiste invite le président de la République à sortir de son silence. L’État a déserté son rôle de négociateur d’où le sentiment d’abandon perceptible. La demande des 200 euros d’augmentation est juste au regard des situations exceptionnelles et spécifiques de l’outre-mer et des écarts de prix et de revenus moyens. L’élaboration de la plateforme de revendication permettra d’ajuster cette demande. Car la négociation doit reprendre là où elle s’est interrompue, sur la revendication de 200 euros sur les salaires plus faibles et sur une juste répartition de l’effort demandé à la fois par les entreprises qui exercent un monopole, et  par l’État. Yves JEGO avait commencé à engager la discussion en ce sens avant qu’elle ne soit prise en otage par la négociation prévue entre les partenaires sociaux et l’Élysée, le 18 février. La crise menace maintenant de s’étendre sur tout le territoire. La situation exceptionnelle d’outre-mer nécessite une négociation spécifique car la situation est complexe et encore plus préoccupante. Elle nécessite un effort exceptionnel de la part de l’État. Il ne faudrait pas que l’État cède à la tentation de diaboliser les mouvements sociaux qui s’expriment car cela ne correspond en rien à ce que nous avons vu sur place. Des dérapages sont possibles parce que l’État a laissé pourrir le conflit.

Intervention d’Arnaud MONTEBOURG, Secrétaire national chargé de la rénovation

Il est toujours intéressant d’observer et utile d’être présent là où les conflits sont en gestation. A l’île de la Réunion, les problèmes de la vie chère sont décuplés par rapport à ce que nous connaissons en métropole et il y a une absence des pouvoirs publics. Il y a déjà une crise des carburants au mois de novembre qui n’a pas été soldée, et aujourd’hui les difficultés sont palpables. Un collectif contre la vie chère est en place et nous sentons la popularité de ses actions. Déjà des actions ont été menées dans les supermarchés pour alerter sur les difficultés rencontrées par les populations de l’île à vivre correctement. Nous appelons au dialogue et à l’ouverture sans tarder de négociations. Au gouvernement de les mener à bien. Si M. JEGO est venu avec 15 jours de retard avec les conséquences dramatiques que nous connaissons aux Antilles, il vaudrait mieux qu’il ait 15 jours d’avance à la Réunion pour éviter le même scénario. Les revendications posées sur la table pour le 5 mars sont des revendications légitimes. Le gouvernement a trop longtemps laisser pourrir la situation.

mardi 17 février 2009

M. Sarkozy veut briser le consensus Francais sur l’OTAN, c’est une erreur grave

Communiqué de Laurent Fabius, ancien Premier Ministre

Depuis 1966 et la décision historique du Général de Gaulle, un consensus s’était établi sur la position de notre pays à l’égard de l’OTAN : allié des Etats-Unis mais pas aligné. Cette position, qui fait de nous des partenaires loyaux mais indépendants, correspond à nos intérêts et contribue à l’audience internationale de la France.

L’intention de M. Sarkozy de rompre prochainement avec cette attitude constante depuis plus de 40 ans, au prétexte d’obtenir des commandements d’ailleurs mineurs, constitue une triple faute : nous aligner dorénavant sur les Etats-Unis, exclure toute évolution vers une réelle défense européenne, affaiblir la position internationale de la France : ce serait un recul considérable qui briserait le consensus national alors que la mission d’un chef de l’Etat est au contraire de le renforcer.

Nombreux sont les Français de toutes opinions qui ne l’acceptent pas. C’est pourquoi un débat national est indispensable sur ce sujet, dont je demande qu’il soit conclu par un vote.

M. Sarkozy est Président de la République, il n’est pas propriétaire du destin de notre pays. Il ne lui appartient pas, par préjugé idéologique, de rompre avec les intérêts supérieurs de la France.

jeudi 5 février 2009

Immigration en France : Eric Besson lance un appel à la délation


Bienvenue dans le monde de la délation. Un tire de séjour de 10 ans pour les clandestins qui dénoncent leurs passeurs, voici la nouvelle proposition d’Eric Besson. Pour expliquer son dispositif, le ministre français de l’Immigration a annoncé, mercredi, sur Europe 1 que son objectif « premier » était de « démanteler les filières ». Pas de doute, Eric Besson est le digne héritier de Brice Hortefeux…

A partir de demain, les étrangers entrés illégalement en France pourront se voir délivrer un titre de séjour... s'ils dénoncent leur passeur. Ce matin, Eric Besson, le ministre de l'Immigration a annoncé sur Europe 1 qu'il allait signer, ce jeudi, une circulaire par laquelle «nous allons donner aux préfets la possibilité d'accorder des titres de séjour provisoire aux clandestins victimes de filières clandestines qui décideraient de les dénoncer».«Mettez-vous à la place de ces immigrés illégaux, explique le ministre, ils sont aujourd'hui dans un statut qui ne leur permet pas de dénoncer leurs tristes conditions puisque, justement, ils n'ont aucune titre de séjour. Ils peuvent avoir peur d'aller voir la police ou la gendarmerie». «Avec le système que nous allons mettre en place, ajoute Besson, ils savent que s'ils dénoncent ceux qui les ont mis dans cette situation, ils peuvent obtenir instantanément un titre de séjour provisoire et coopérer avec la police». Une bonne idée? L'association France terre d'asile en doute (voir son communiqué). Stéphane Maugendre, le président du Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti) aussi. Interview.

Pourquoi contestez-vous cette mesure?

La délation, par principe, est toujours sujette à caution. Sur un plan moral, c'est moralement condamnable. Et je pense que c'est aussi assez irréalisable. Un passeur c'est quoi? Ça va de celui qui fait inscrire sur son passeport comme son fiston quelqu'un qui ne l'est pas, au membre de la famille qui fait passer la frontière clandestinement à un cousin, à des trafiquants internationaux avec une organisation extrêmement perfectionnée comprenant la traversée de plusieurs pays jusqu'à l'arrivée en France dans un hôtel, la fourniture de faux papiers, le boulot, etc. Et tout ça est parcellisé, sécurisé. Les gens ne se connaissent pas les uns les autres. Le seul intérêt serait que l'étranger dénonce tout le réseau, mais comme il ne connaît que le petit passeur en bout de chaîne, quel intérêt? Et puis il risque d'y avoir des dérives, des mesures de rétorsion sur la famille restée au pays, des réglements de compte intra-familiaux. Le type qui dénonce va mettre en péril sa vie et celle de ses proches.

Pour l'étranger, quel est le poids juridique d'une circulaire?

C'est juste une instruction. En clair, la personne ayant dénoncé son passeur et qui se verrait refuser un titre de séjour par la préfecture serait démunie. Une circulaire n'a pas force de loi. Si elle porte l'affaire devant le tribunal administratif, c'est ce que lui dira le juge. Il faut arrêter de gouverner avec des circulaires. Sarkozy l'a utilisé pour la régularisation des parents sans-papiers d'enfants scolarisés, Hortefeux pour la régularisation des salariés. Qu'au moins Besson fasse une loi disant: s'il y a dénonciation, il y aura un titre de séjour.

Besson dit que «son objectif premier était de démanteler les filières», est-ce que cette mesure peut au moins avoir cet intérêt?

Les filières sont d'autant plus puissantes, gagnent d'autant plus d'argent que c'est difficile d'obtenir un visa. Plus les procédures sont longues, plus les gens entrent clandestinement en France. Besson arrive à son ministère, il faut bien qu'il annonce quelque chose. Mais cette mesure ne résoudra rien, c'est juste de l'affichage.