samedi 28 juillet 2007

Sale temps pour la démocratie au Cameroun






Par Clotaire Tegang Ledoux (Douala)



L’écrasante victoire au double scrutin législatif et municipal du 22 juillet 2007 du Rassemblement Démocratique pour le Peuple Camerounais (Rdpc), parti du Président Paul Biya au pouvoir depuis 1982, écorne davantage encore le pluralisme du paysage politique du Cameroun .




Cette « grande » victoire engage toutefois le parti au pouvoir à une obligation de résultats quant à la transformation effective du Cameroun. Aussi certains observateurs la considèrent-ils également comme une victoire plutôt « embarrassante »

Un premier constat : les populations ne se sont guère bousculées pour aller voter.

Pourquoi aller remplir son devoir civique, ont dû penser beaucoup de Camerounais, alors que les résultats semblaient en effet connus d’avance? Comme l’avaient claironné, ici et là, des membres du Rdpc, à l’instar du milliardaire Fotso Victor, président de la commission départementale de campagne du Rdpc dans le département du Koung-Khi.
Dans presque toutes les circonscriptions électorales, ces derniers ont en effet « crié la victoire avant la guerre ».

Les irrégularités ont été nombreuses, comme le souligne Pierre Titi Nwell, président de l’association catholique Service justice et paix : « les cartes électorales n’étaient pas toujours disponibles, le code électoral n’a pas permis à des Camerounais de s’exprimer par le vote… ». Et d’ajouter « Finalement pour la démocratie, ça ne va pas au Cameroun »

Mêmes sons de cloches chez les leaders de l’opposition, dont le Social Democratic Front (membre de l'Internationale Socialiste), qui dénoncent la désorganisation « organisée » des élections, la multiplicité des mécanismes de fraude avec bourrages des urnes mais aussi avec « l’achat des consciences, l’intimidation des populations dans cette barbarie électorale, la manipulation de l’électorat par la puissance financière »
Sans parler des « charters électoraux » frétés par le parti au pouvoir, et qui auraient permis, selon de nombreux observateurs, à des «électeurs ambulants» de voter plusieurs fois et aux quatre coins du pays.

On comprendra facilement pourquoi la population camerounaise n’est guère fière de ces résultats et se demande quand les élections seront-elles enfin « transparentes ». Seul un travail démocratique de longue haleine pourrait peut-être…

Jusqu'à ce jour, certaines localités n'ont pas encore délivré le verdict des urnes.

C'est le cas de l'arrondissement de Santa situé dans le nord-ouest du pays où les populations se sont pourtant attelées à voter et à sécuriser leur vote.
Il faut dire que Santa reste le fief du Sdf, premier parti d’opposition.

Mais aussi dans le troisième arrondissement de Douala où la victoire du Rdpc annoncée depuis le lendemain du scrutin par le Ministère est contestée par le Sdf.
28 procès verbaux auraient disparu!...
Le Sdf affirme que : « Ces 28 procès verbaux sont ceux que le Rdpc a dû falsifier et qu’ils refusent de montrer. Ils savent que si la commission les découvre ils seront disqualifiés. Si ces procès verbaux pouvaient rentrer, nous sommes certains que nous aurons la majorité relative. Selon nos procès verbaux dans notre quartier général, nous avons une majorité relative de 50 %. Et le Rdpc vient avec seulement 41 % ».



En l’état actuel, voici la nouvelle carte politique du Cameroun publiée par le Ministère de l'administration territoriale et de la décentralisation (MINATD), sous réserve du contentieux post-électoral qui, du reste, n'aura certainement pas d'incidence majeure sur la nouvelle configuration du paysage politique.
Selon le MINATD le taux de participation tournerait autour de 62%, avec de fortes disparités entre les zones urbaines et rurales.
3.108.116 électeurs sur 5.013.091 inscrits se sont effectivement rendus aux urnes dans les 21874 bureaux de vote pour élire les 28.102 candidats aux législatives et municipales.


Les premiers résultats créditent le Rdpc de plus de 155 sièges à l'assemblée (sur 180) et de plus de 300 communes.
Le Sdf, bien qu'en perte de vitesse, s'affirme toujours comme la première formation politique de l’opposition.

Ceci dans l'attente de la proclamation des résultats qui doivent être promulgués par la cour suprême dans un délai maximum de 20 jours à compter de la date de clôture du scrutin.

Et maintenant… le regard est tourné vers un avenir qu'on espère plus radieux.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci de ces informations à la fois précises et précieuses. Merci aussi pour avoir le courage de t'exposer et de prendre position. Oui, de la République à la démocratie, et quel que soit le pays, le chemin est rude et jamais achevé pour les êtres qui entendent rester debout...