dimanche 30 septembre 2007

Sarkozy et l'instrumentalisation de l'histoire

TRIBUNE de Jérôme Lucchini

La "renaissance" voulue par la Sarkozie commence par des hold-up symboliques, la falsification compassionelle et l'instrumentalisation indécente de l'histoire...elle vise à l'impunité pour les riches et le monde sécuritaire pour les autres !
Si la France a bien l’antériorité dans les droits humains en proclamant ceux-ci universellement, elle n’est pas exemplaire dans son histoire dans leur respect : esclavage rétablis par l’empire, colonisation et guerres coloniales, massacres et tortures, lois raciales et collaboration d’état avec la Shoah,...autant d’occasion de se questionner sur la nécessité de défendre pied à pied le respect de l’autre par delà les dérives compassionnelles dont la Sarkozie se font porteuses pour ­­- non sans perversion- s’en attribuer le bénéfice d’image et de toute puissance.
Loin de la repentance stigmatisée par les promoteurs de la nouvelle renaissance en Sarkozie, loin des "mauvaises consciences" qui veulent par la loi établir la contrefaçon de l’histoire et promouvoir le bilan globalement positif de la colonisation, c’est au respect de ceux qui étrangers ou français de seconde zone ont pourtant défendu la France dans les deux guerres mondiales et la résistance à l’occupation nazie comme à la collaboration française.
Le président de la république et ses généreux amis s’attribue l’aura de Jaurès et de Blum non sans mettre sur le même plan l’invitation sur un yacht à la suite de son élection avec celle de Léon Blum, malade, spolié, de retour de Buchenwald. Rapprochements et confusions indécents qui découlent naturellement de ces fonctionnements compassionnels mais aussi d'une quête de légitimité morale de conceptions plus que discutables par la confusion.

M. Sarkozy cherche ainsi à s’attribuer aussi par l’émotion qu’elle suscite, les vertus symboliques d’engagement et de désintéressement de Guy Môquet en parlant au passage de ces compagnons (de la libération ?) qui s'appelaient de fait des camarades changeant la nature même de cet engagement en l’occurrence communiste donc internationaliste dans la mondialisation de la guerre. Puis, il réalise ainsi un transfert symbolique depuis la résistance vers l’entreprise en faisant sciemment et à contre sens du propos de Guy Môquet et de ces camarades, la promotion du don de sa vie à l'intérêt national dans la mondialisation...comme si leur rêve étaient de mourir pour être des héros et que leur engagement ne leur était pas dicté simplement par les faits voulus par intérêts en place contre leur désir de vivre.

Agissant ainsi le président et ses conseillers savent qu'ils inhibent et enferment la gauche dans ses complexes. Indécence pour indécence : à ce train là les suicidés de Renault seront- ils bientôt les héros de l’esprit d’entreprise ? Quand on connaît l’histoire de la collaboration industrielle et financière en France et celle de Louis Renault en particulier...quelle ironie malsaine !Dans sa lettre aux éducateurs il parlent enfin de nouvelle renaissance se propulsant ainsi au rang de nouveau François premier et sans se souvenir ce que fut le coût social et humain du siècle de la Renaissance en matière de déplacement de population, de famines et de maladie pour les bras désoeuvrés stockés sans toit, ni loi dans les fossés des grandes agglomérations et l’instrumentalisation de ce désoeuvrement pour faire pression sur le coût du travail de ceux qui en avait un...sans dire ce que cette période de notre histoire fut cruelle pour la majorité pris en otage dans des bouleversement politiques et économiques à l'échelle de l'Europe.
De révision symbolique de l’histoire en instrumentalisation larmoyante on en arrive aujourd’hui à l’amendement Mariani que les sénateurs viennent de retoquer.Cet amendement ADN, qui remet en cause les lois éthiques et génétiques de 2004, le droit du sol au bénéfice du droit archaique du sang, soulevant l’inquiétude y compris des chrétiens de l’UMP et même des gaullistes comme Etienne Pinte :Accueillir est trop souvent synonyme de quotas, cet horrible mot qui nous vient de la communauté européenne et en particulier de la politique agricole commune avec ses quotas laitiers. Comment peut-on parler de quotas lorsque l’on s’adresse à des hommes, à des femmes, à des enfants ? Accueillir au cas par cas a même été contesté par un directeur de cabinet d’un ministre de l’Intérieur au prétexte que les préfets devaient appliquer la réglementation dans le domaine de l’immigration de la même manière que pour les coefficients d’occupation des sols, c’est-à-dire sans aucune nuance.
Ce sont les tenants du patriarcat, du machisme et du droit du sang qui en profitent pour nier la construction symbolique de la paternité, de la parentalité en les réduisant à un coup de rein, un ventre, de l'ADN ...un monde compulsif, sans désir, ou chacun est instrument et utilisateur, ou l'on vit ensemble sans autrui dans la perversion ordinaire de la consommation et des rapports de dominations comme unique fondement des rapports entre les sexes, entre les être humains.A cette captation perverse des mythologies françaises visant à positiver les honteuses dérives (quotas, discrimination, droit du sang et identité génétique ...) à positiver les honteuses dérives de notre pays et des ces élites parmi lesquelles celle de ses industriels aux heures sombres de Vichy, de la guerre d'Algérie et à présent de la quête du rétablissement d'un imaginaire délétère de l'identité nationale. A cette captation aux effets pervers visibles qu'opposer ?
Le refus dont parle Maurice Blanchot en 1958, le refus simple et lucide ! Avec l’annonce de la volonté de sortir du droit pénal le droit des entreprises cela sonne comme un revanche réactionnaire qui en faisant un hold-up sur les valeurs de ceux, souvent parias français et étrangers qui ont rétablis l’honneur hélas souvent perdu de la France tenterait de rendre honorable jusqu’à l’impunité, les barbaries économiques et sociales de la mondialisation sans règles et sans limites d'aujourd'hui qui comme celles d'hier agissent contre la démocratie !
Cette renaissance semble consanguine symboliquement avec celle des forces vitales fondé sur le glissement sans vergogne du biologique au social, la sélection naturelle devenue économique avec ces quotas, ses émigrants choisis...et ses moyens génétiques de profiler ses ayants droit.
Le gouvernement par l'émotion, soutenu par l'idéologie victimaire aux victimes choisie signe les larmes faciles comme le revers visible de l'appétit féroce du président-crocodile.
Cela n'est pas tout simplement compatible "génétiquement" avec les principes universels et identitaires de la France si souvent bafoués en son nom et par elle-même. Doit-on pour autant renoncer aux droits humains et entrer dans le communautarisme, les quotas, le droit du sang...
Doit-on in fine céder à l'entreprise de sape des fondements et des valeurs de la république immolés sur l'autel-marché de la religion du capitalisme sous sa forme aigue de libéral-stalinisme entre terrorisme économique terrorisme d'état et terrorisme tout court dans un monde de non-droit pour les entrepreneurs et lois sécuritaires pour encadrer ceux qui produisent les richesses pour eux.
Doit-on céder aux besoins de non-droit des multinationales contre la nécessité de la responsabilité pour fonder en république la démocratie ?
La gauche est face à un rendez vous avec ses complexes, de celui-ci comme de l'instrumentalisation efficace de ceux-ci par la droite peut naître une critique puissante et positive de la mondialisation, à nous de nous en saisir comme une chance de ne pas s'enfermer en " résistance" comme la Sarkozie le souhaite en situant les choses dans une confusion historique choisie à dessein pour passer pour tout puissant ( et très méchant) et ainsi inhiber par nos propres peurs notre action pourtant possible.
Le temps n'est pas encore à la résistance mais à changer les choses en profitant pleinement des libertés démocratiques qui sont encore nôtres !


J'arrive où je suis étranger


Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D'où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu'importe et qu'importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni ton doigt là sur ta tempe
Touche l'enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C'est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l'enfant qu'est-il devenu
Je me regarde et je m'étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps
C'est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C'est comme une eau froide qui monte
C'est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu'on corroie
C'est long d'être un homme une chose
C'est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
O mer amère ô mer profonde
Quelle est l'heure de tes marées
Combien faut-il d'années-secondes
A l'homme pour l'homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger

Louis Aragon

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