dimanche 21 octobre 2007

Lecture controversée de la lettre de Guy Môquet lundi dans les lycées

A la demande de Nicolas Sarkozy, la lettre du jeune résistant communiste Guy Môquet à sa famille sera lue lundi dans tous les lycées de France, ou presque. Soutenus par la gauche, notamment le PC, certains enseignants et proviseurs de l'Education nationale refusent de se plier à l'exercice, dénonçant une "instrumentalisation du devoir de mémoire" au profit du politique.

Nicolas Sarkozy a cité à plusieurs reprises lors de sa campagne présidentielle la lettre adressée à sa mère par le résistant communiste de 17 ans avant d'être fusillé le 22 octobre 1941 par les Allemands. Le 16 mai dernier, lors d'une cérémonie d'hommage aux résistants fusillés en août 1944 à la Grande cascade du Bois de Boulogne, il avait annoncé sa première décision de chef de l'Etat de demander que cette lettre soit lue "en début d'année à tous les lycéens de France". Il ne fait cependant jamais mention de l'appartenance du jeune résistant au parti communiste.

Ainsi le ministre de l'Education nationale Xavier Darcos précise dans le bulletin officiel du 30 août 2007, que, "dans les classes, la lecture de la dernière lettre que Guy Môquet adressa à sa famille le 22 octobre 1941 s'insérera au sein d'une réflexion sur l'engagement des jeunes qui firent le choix de la résistance et sur les valeurs de fraternité, de justice et de liberté", avec une brochure de l'Education nationale à l'appui.

Mais le SNES (syndicat national des enseignants de second degré, majoritaire) appelle à ne pas lire cette lettre pour refuser "l'instrumentalisation du devoir de mémoire" et "cautionner l'entreprise commémorative du 22 octobre, décidée par le seul chef de l'exécutif".

"Nous ne 'boycottons' ni la mémoire de Guy Môquet ni celle de la Résistance", mais "notre travail d'enseignant n'a rien à voir avec une démarche qui vise à susciter l'émotion sans distance critique, sans replacer un témoignage, aussi poignant soit-il, dans son contexte historique", souligne le SNES. "Or, la lettre de Guy Môquet (...) ne dit rien de son engagement, elle n'évoque que son amour de la patrie, de ses parents, de sa famille et son sens du devoir".

C'est l'un des principaux reproches adressés par le comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire (CVUH). "Lue hors programme, et quel que soit le niveau de classe, cette lettre sera déconnectée de son contexte d'élaboration, et servira de véhicule à des valeurs données comme universelles, à des valeurs absolutisées", déplore Laurence de Cock-Pierrepont, historienne et professeur d'histoire au lycée Joliot-Curie de Nanterre et à l'IUFM de Versailles.

Plus modéré, le SGEN-CFDT qui déplore "l'articulation entre usage politique, devoir de mémoire et 'crédibilité' pédagogique", se déclare "pas fondé à donner des consignes impératives sur ce sujet qui relève de la confiance accordée aux enseignants". "Il revient aux équipes éducatives d'assumer des choix si possible collectifs et de revendiquer l'autonomie pédagogique pour décider d'appliquer la stratégie qu'elles souhaitent mettre en oeuvre".

A l'origine de cette idée, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, a qualifié vendredi de "très triste" le refus de certains professeurs de lycée de lire la lettre de Guy Môquet, mettant en cause "l'éthique de ces professeurs-là". "Je trouve qu'ils prennent en otage un moment d'émotion collective (...) pour des raisons dont on a bien compris qu'elles n'avaient absolument rien à voir ni avec le contenu de la lettre, ni avec leurs devoirs de professeur ou leurs scrupules d'historien", a-t-il ajouté, fustigeant "une attitude purement politicienne, une prise en otage corporatiste, idéologique".

Le ministre de l'Education Xavier Darcos a assuré vendredi qu'il ne "fliquera" pas les professeurs de lycée qui refuseront lundi de lire la lettre de Guy Môquet. "J'ai dit aux professeurs qu'ils devaient le faire à leur manière, que si vraiment ça heurtait à ce point leur conscience d'exalter la Résistance, qu'ils ne le fassent pas", a-t-il déclaré . Lundi, le porte-parole de l'Elysée David Martinon avait précisé que les professeurs récalcitrants ne seraient pas sanctionnés.

Du côté politique, le PC prévoit un rassemblement au métro Guy Môquet dans le XVIIe arrondissement de Paris (angle rue Marcadet et Saint-Ouen), où interviendra Marie George Buffet. Le porte-parole du Parti communiste Olivier Dartigolles avait affirmé dimanche que la secrétaire nationale avait été sollicitée par Nicolas Sarkozy pour une "lecture commune" de la lettre le 22 octobre. La numéro un communiste a décliné l'invitation.

Le PS quant à lui a également mis en garde contre une "instrumentalisation de l'Histoire", appelant les enseignants à "restituer le contexte historique" et à rappeler l'"engagement" du jeune résistant communiste.

1 commentaire:

marie a dit…

Les professeurs auront la liberté de lire ou de faire lire d'autres textes, de rajouter des commentaires de façon à ce qu'elle serve de support à une pédagogie un peu plus globale mais elle reste obligatoire, toute cette polémique était une polémique vaine