mardi 9 octobre 2007

La science asservie à la xénophobie

Quand un pays, ou du moins quelques-uns dans ce pays, asservissant la science à la xénophobie, songent à se protéger des étrangers à l'aide d'une barrière de gamètes, qu'en conclure ? Que ce pays chavire ? Qu'il est pris de délire, au risque de renier son histoire ? Ou tout cela à la fois ?

Son histoire, la nôtre, c'est celle d'un pays qui n'a cessé, depuis qu'il existe, d'accueillir des étrangers. Ce sont bien des "étrangers", n'est-ce pas, les Francs, venus d'outre-Rhin, qui lui ont donné son nom ? Et tous les autres, lentement attirés vers l'ouest du continent parce qu'ils étaient persécutés, pauvres, ou tout simplement à la recherche d'une vie meilleure ? Et les autres encore, ceux qui sont venus du sud, plus tard, pour les mêmes raisons ? Mille ans, au moins, que ce mouvement existe, et qu'il a progressivement constitué la France. Terre d'asile.

Regarder l'étranger comme une menace en puissance, c'est donc tout simplement répudier l'histoire de ce pays. C'est très exactement renier son identité, celle-là même dont la politique aujourd'hui proposée se réclame. L'identité nationale de la France, son génie propre, c'est précisément de l'accueil des "étrangers" qu'elle s'est lentement constituée.

Mais il y a plus. Pour les parents, pour les enfants, l'approche biologisante aujourd'hui proposée porte atteinte au lien qu'ils tissent jour après jour. Ce lien n'a rien à voir avec la génétique. Si la biologie y est certes présente, dans la majorité des cas, elle n'en est pas constitutive. Réduire la filiation, la famille, aux seuls liens du sang, c'est entreprendre une véritable régression conceptuelle, à laquelle notre droit comme notre culture se sont toujours refusés.

DROITS DE L'ENFANT

Ne sommes-nous pas un pays doté d'une législation sur l'adoption plénière qui va jusqu'à effacer la trace de la filiation biologique antérieure de l'enfant, lorsqu'elle est connue ? Un pays qui, contre vents et marées, maintient l'accouchement anonyme, au mépris de la Convention internationale sur les droits de l'enfant ? Dans les naissances sous X, justement, la filiation biologique est scrupuleusement effacée, de telle sorte que l'adoption plénière soit irrévocable et irrécusable.

En 1990, le Sénat et l'Assemblée nationale ont ratifié à l'unanimité la Convention internationale sur les droits de l'enfant. La France devenait ainsi, et elle s'en est honorée, le premier pays de l'Europe - des Douze, à l'époque -, à le faire. Ce texte, à présent ratifié par tous les pays du monde sauf deux - les Etats-Unis et la Somalie - est un traité de droit international qui s'impose naturellement à notre droit interne.

Or que dit cette Convention sur ce sujet ? On peut lire dans son article 10 très exactement ceci : "Toute demande faite par un enfant ou ses parents d'entrer dans un Etat-partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats-partie dans un esprit positif, avec humanité et diligence." "Humanité", les tests ADN qui seraient imposés aux seuls étrangers ? "Esprit positif", le règne du soupçon qu'une telle démarche symbolise et véhicule ?

Puisque la France se veut Etat de droit, qu'elle respecte les textes au regard desquels elle a contracté des obligations absolues. Retour au texte, donc. Retour à la diligence et à l'humanité dont ce traité est porteur. Retour à l'identité nationale, la vraie, celle qui a su faire leur place, toute leur place, à ces "étrangers" dont nous sommes les enfants, les frères, les soeurs, et les parents.

Claire Brisset, ancienne défenseure des enfants

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