lundi 22 octobre 2007

Histoire : Confusion et impensé dans l'histoire de l'immigration à l'Ecole

Histoire : Confusion et impensé dans l'histoire de l'immigration à l'Ecole

Longtemps absente des programmes, l'histoire de l'immigration fait son entrée à l'Ecole dans la confusion, souligne le rapport de Benoît Falaize, Olivier Absalon et Pascal Mériaux, réalisé dans le cadre de la recherche "Enjeux contemporains de l'enseignement en histoire-géographie" de l'INRP.

L'enquête révèle que cette histoire occupe peu de place dans les programmes à l'exception de la filière STG et de l'école primaire. "L’histoire de l’immigration en classe est peu enseignée du point de vue historique. Ce sont les matières comme la géographie, l’éducation civique ou les langues et les lettres qui prennent volontiers en charge cet enseignement, moins dans ses dimensions historiques que contemporaines. Cet enseignement apparaît diffus et peu structuré. Il est souvent le fait de projets pluridisciplinaires qui échappent à l’ordinaire de la classe". C'est dire que l'actualité et ses enjeux sont omniprésents.

Les pratiques pédagogiques font souvent appel à l'histoire familiale et vont parfois à rebours des objectifs attendus. "Les professeurs… dans une générosité bienveillante et spontanée, « enferment » les élèves dans une reconnaissance de groupe (« les élèves Maliens », « les Maghrébins »…) où un regard extérieur ne peut être posé pour aider ces élèves en adolescence, à l’inverse même d’une conception dialogique de la construction identitaire. Le rapport d’enquête que nous remettons constate qu’il y a un impensé de l’histoire migratoire en France véhiculé par l’école et par l’institution tout entière : un impensé qui concerne non pas les immigrés eux-mêmes mais la nation elle-même et qui fait de l’étranger un autre irréductible, et de l’immigré, ou de ses enfants, une figure équivoque de la question nationale".

Le groupe de travail

Le rapport (en pdf) : http://ecehg.inrp.fr/ECEHG/enjeux-de-memoire/histoire-de-l-immigration/reflexions-generales/enseigner-l-histoire-de-l-immigration/enseigner_histoire_immigration.pdf/view (194 p.)


editorial

A propos du "flop" Guy Môquet

Cela ne fait plus de doute : à quelques heures du 22 octobre, au moment où j'écris cet éditorial, il est clair que la volonté présidentielle de célébrer dans les lycées la mort de Guy Môquet ne sera pas respectée. Parti des professeurs d'histoire-géographie, le mouvement de contestation a gagné les autres disciplines. On peut le résumer dans cette remarque d'une enseignante de français "je me servirai de cette lettre le jour et à l'heure où j'en aurai besoin dans ma progression ". On ne sait même pas si le président de la République pourra assister à la moindre cérémonie au lycée Carnot (celui de G.Môquet) à Paris… Il ne reste plus qu'à s'interroger sur ce premier, mais retentissant, "flop" présidentiel.

Dès le début les objectifs de cette opération ont été brouillés par le spontanéisme présidentiel. S'il s'agit, comme le disent les instructions du 30 août, " de rappeler aux élèves des lycées l’engagement des jeunes gens et jeunes filles de toutes régions et de tous milieux qui firent le choix de la résistance", alors force est de constater que le président et ses conseillers auraient été bien inspirés de choisir un authentique résistant. Elles évoquent "la grandeur de notre pays" en y associant une citation du président qui justement la contredit. “Aimez la France car c’est votre pays et que vous n’en avez pas d’autre”, c'est un peu court comme argument pour honorer "la grandeur nationale" !

Les propos du porte-parole, puis de M. Guaino ont achevé d'ouvrir les yeux sur le projet présidentiel. Ainsi M. Guaino déclarant que "l'école, ce n'est pas un self-service", s'interrogeant sur les refus d'obéissance des enseignants ("Tout ça est très triste mais amène à s'interroger sur ce que doivent être au fond à la fois l'éthique et les devoirs d'un professeur dont la nation a payé des études, dont la nation paie le salaire et auquel la nation confie ses enfants") et proclamant que Guy Môquet est là pour refonder une identité nationale menacée par le cosmopolitisme ("aujourd’hui, avec l’immigration, la mondialisation, la désintégration du travail, il y a un problème identitaire") a réussi à faire tourner le dos à nombre d'enseignants qui envisageaient d'utiliser la journée pour un réel travail historique.

Car ce projet est-il conciliable avec l'éthique professorale ? Un demi-siècle après Vichy peut-on attendre des enseignants qu'ils professent un amour aveugle de la patrie ? La question a déjà été posée récemment avec la loi sur "les aspects positifs" de la colonisation. On connaît la réponse des enseignants. Peut-on demander aux enseignants qu'ils participent avec leurs élèves à une cérémonie purement formelle, sans mise en perspective historique, qui serve de faire-valoir aux élus du secteur ? Comment l'Elysée n'a-t-il pas lu dans les instructions officielles mêmes de l'Education nationale qui exigent que la mémoire s'efface devant l'histoire, que la réflexion critique des élève s'exerce, le raidissement de la maison Education devant une conception aussi périmée de l'Ecole et de l'autorité ?

L'affaire Guy Môquet révèle une double erreur de stratégie et de tactique. Ce que les Français retiendront sur le fond ce sont les conceptions périmées qui logent sous les dorures élyséennes. L'obéissance passive exigée des fonctionnaires, le culte de la patrie, l'immigration perçue comme un ferment de désintégration nationale : le fossé entre l'Elysée et les valeurs de la majorité de la société française est mis à nu. Les enseignants sont plus troublés par l'utilisation qui est faite de l'ADN, par la chasse souvent aveugle, parfois mortelle, qui est faite des sans papiers que par les angoisses de M. Guaino.

Mais la leçon principale est encore plus simple : son aveuglement idéologique a empêché l'Elysée de sortir dignement de cette petite crise. Sera-t-il capable de gérer des conflits sociaux plus sérieux ?

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