La censure prend désormais l’apparence de deux gentils policiers du Net
Ils ont d’énormes yeux bleus sous leur képi, des épaulettes comme des petites ailes, et ils surfent à travers votre écran. On les voit aussi en moto ou en voiture pourchassant les «activités illégales» qui «polluent Internet». Ces personnages de style manga sont Jingjing et Chacha (Popo et Lilice), le couple de cyberpoliciers qui arpentent le Net chinois. Ils sont apparus au début de l’année sur les principaux portails et forums de discussion du sud du pays, et vont prendre leurs fonctions sur les sites basés à Pékin dès ce week-end. Puis dans tout le pays. La presse officielle annonce fièrement : «Internautes, la police virtuelle vous regarde. » Cette police peut aussi recueillir les délations du public. Les cyberpoliciers sont en effet interactifs et «ouverts à toute dénonciation» . En cliquant dessus, on accède à des liens permettant d’avertir la police en cas de contenu pornographique, d’appel à la sécession ou tout autre «trouble à l’ordre public».
Emanation visible de la cyberpolice chinoise en fonction depuis le début des années 2000, les deux personnages illustrent bien les inquiétudes des autorités face au développement du Web chinois. Avec près de 150 millions d’internautes, un bon million de sites, et plus de soixante millions de blogs locaux, il est devenu de plus en plus difficile pour le régime de tout contrôler. Par cette présence visible, il s’agit d’encourager l’autocensure.
Téléphone "purifié"
Une grande campagne de reprise en main d’Internet vise ainsi les blogs et les forums de discussion où sont publiées la plupart des «informations nuisibles», ainsi que les moteurs de recherche pouvant mener à un «contenu subversif». Les réseaux téléphoniques mobiles doivent aussi être «purifiés» de tout ce qui est considéré comme illégal. Des centaines de blogs et de sites ont été fermés ces trois dernières années pour leur contenu politique, et Reporters sans frontières dénombre cinquante personnes actuellement emprisonnées pour avoir «porté atteinte à la sécurité de l’Etat».
Yahoo contre-attaqueComme les hébergeurs chinois, les grandes compagnies occidentales qui gèrent des blogs ou espaces locaux se sont aussi pliées de bonne grâce aux demandes de la cyberpolice chinoise. Google, Yahoo et MSN ont déjà accepté de faire disparaître de leurs portails en chinois tout ce qui dérangeait le régime . Et la semaine dernière, plusieurs grands hébergeurs occidentaux opérant en Chine dont Yahoo et MSN ont signé un code de conduite visant à «protéger les intérêts de l’Etat chinois» et à ne pas diffuser de «messages illégaux» . Le cas des cyberdissidents Shi Tao et Wang Xiaoning a mis en évidence les méfaits de cette collaboration des hébergeurs occidentaux. Condamnés en 2003 et 2005 à de lourdes peines de prison - jusqu’à dix ans - pour avoir fait circuler sur Internet des écrits pro-démocratiques, ils avaient été arrêtés grâce aux informations fournies par Yahoo aux autorités chinoises. Depuis, un procès a été intenté par les familles des victimes à la société californienne devant une cour américaine. Mais aujourd’hui, Yahoo contre-attaque en arguant qu’il s’agit d’un cas politique, et qu’elle avait signé un accord l’obligeant à se plier aux lois chinoises. «En utilisant Yahoo, les plaignants doivent assumer le risque que nous divulguions le contenu de leurs e-mails aux autorités» , vient de déclarer un porte-parole de l’entreprise, ajoutant que le vrai scandale viendrait des «plaignants, qui savaient à quoi ils s’exposaient».
Les obstacles ne manquent pas à Pékin
Le 8 août 2008 débuteront en Chine les Jeux olympiques. Plusieurs délégations ont manifesté leur inquiétude face au risque que représente la pollution de l'air dans la capitale chinoise. Les autorités locales se veulent rassurantes, expliquant que de nombreuses mesures seront adoptées au cours des prochains moins pour offrir un air sain aux athlètes en compétition.
Nouvelle épreuve de haies aux Jeux olympiques
(dessin de Corrigan paru dans The Toronto Star de Toronto)
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