jeudi 16 août 2007

Le Cameroun face à ses résultats éléctoraux

Analyse des résultats par Clotaire Tegang Ledoux (Douala)


Siège de la Cour suprême,vendredi 10 août 2007, 11h.

La sonnerie annonçant l’entrée des membres de cette institution judiciaire qui siégera une fois de plus comme Conseil constitutionnel retentit. Le collège de hauts magistrats avec à leur tête Alexis Dipanda Mouelle, premier président de la Cour fait son entrée.
La cérémonie de proclamation officielle des résultats des élections législatives du 22 juillet dernier, commence comme prévue.


Une salle de la cour suprême dans laquelle ont pris place la plupart des corps constitués nationaux, avec à leur tête Ephraïm Inoni, le chef du Gouvernement.
La haute juridiction a ainsi révélé la vérité des urnes telle qu’elle s'est exprimée dans 80 des 85 circonscriptions électorales que compte le Cameroun. Dans cinq circonscriptions les élections sont à recommencer. Il s'agit du Haut-Nkam, du Mayo Tsanaga-Nord, du Moungo-Sud, du Nyong-et-Kellé et du Wouri-Est.
Devant la nation ici représentée, Alexis Dipanda Mouelle lit les noms des hommes et femmes qui siégeront au « Palais des Verres » durant les cinq prochaines années.

Cinq partis politiques seront représentés au parlement :
- le RDPC(rassemblement démocratique du peuple camerounais ) : 140 sièges
- Le SDF(social democratic front ) : 14 sièges
- le UNDP (Union nationale pour la démocratie et progrès) : 4 sièges
- le UDC (Union Democratique camerounaise) : 4 sièges
- le MP (mouvement progressiste ), nouveau mouvement politique : 1 siège
En attendant la reprise de élections dans les 5 circonscriptions en question, où 17 sièges restent à pourvoir, le conseil constitutionnel aura joué un rôle plutôt rassurant qui augure favorablement du futur processus démocratique dans lequel le Cameroun est irréversiblement engagé.
Ces résultats électoraux sont un formidable défi pour le gouvernement et le parti au pouvoir (RDPC). Il leur sera en effet difficilement pardonné, avec un tel plébiscite, d'échouer sur les deux chantiers majeurs du quinquennat, à savoir : asseoir la prospérité, et, parfaire la démocratie.

Cette victoire du RDPC, même si elle est entachée de beaucoup d'irrégularités et de nombreux dysfonctionnements (voir article du 28 juillet sur ce blog) est tout de même écrasante.
Une victoire qui donne a réfléchir, tant du coté du parti du pouvoir que des partis de l’opposition.


Clotaire Tegang Ledoux



Message à la nation - Paul Biya danse le tango


Analyse de Thierry Ndong, jeudi 16 Août 2007
Journal Le Messager (Douala)


Le président de la République - président national du Rdpc - est embarrassé par la victoire écrasante de son parti. Il annonce un gouvernement de large ouverture. Quelle sincérité prêtée à cette option ?

Paul Biya qui rit, Paul Biya qui pleure. Paul Biya qui avance, Paul Biya qui recule. Voilà l'un des enseignements de son adresse à la nation mardi dernier.

Le président de la République du Cameroun, grand vainqueur des élections (municipales et législatives) du 22 juillet 2007, a plutôt le triomphe modeste dans son dernier message à la nation. Mieux, il recule sur certains points fondateurs de son discours du 6 juillet 2007.

Ce jour-là en effet, Paul Biya invitait les électeurs à donner " à notre pays des majorités de progrès grâce auxquelles nous pourrons poursuivre notre combat contre la pauvreté et accéder à la modernité ".

Avant-hier, Paul Biya s'est montré implicitement embarrassé par la victoire écrasante de son parti : " ainsi que j'en avais exprimé l'espoir à la veille des élections, des majorités claires sont sorties des urnes, que ce soit à l'Assemblée nationale ou dans les conseils municipaux. Je veux y voir la volonté des Camerounais de donner au gouvernement les moyens de mener une politique vigoureuse de progrès économique et social et à la plupart des conseils municipaux la possibilité de gérer les affaires locales en dehors des querelles partisanes. "
Main tendue

Autant le président de la République met un bémol à la gagne de son parti, autant il tend la main aux perdants des élections : " Je souhaite à ce propos faire savoir aux partis qui n'ont pas obtenu les résultats escomptés qu'ils ne doivent pas pour autant se sentir exclus de la vie politique nationale. Ils y ont évidemment leur place et leur contribution peut être des plus utiles. J'ai toujours pensé - et je l'ai montré - que l'intérêt supérieur de notre pays exigeait le plus large rassemblement possible de tous ceux qui sont déterminés à mettre leur énergie et leur talent au service de notre combat contre le sous-développement et la pauvreté. "

L'idée d'un gouvernement de large ouverture prend ainsi corps. Augustin Frédéric Kodock, Dakolé Daïssala, Bello Bouba Maïgari peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Les autres peuvent espérer une place à la " mangeoire nationale ".


Paul Biya est sans ambiguïté sur la question : " L'idée que je me fais de la démocratie est de faire converger des forces venues d'horizons différents, mais qui s'accordent sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la primauté de l'intérêt national. Comment pourrait-il en être autrement dans un pays comme le Cameroun où l'identité se conjugue avec la diversité. "

Quelle sincérité ?

Les propos rassembleurs du président national du Rdpc ne sauraient être pris pour argent comptant. Après sa réélection, le 11 octobre 2004, Paul Biya avait dit aux Camerounais : " par votre voix, vous avez manifesté votre confiance en l'avenir. Cet avenir, nous allons, dans la paix et la stabilité, continuer à le construire ensemble. Car, pour réaliser les "grandes ambitions" que je nourris pour notre pays, j'ai besoin non seulement de votre soutien moral, mais aussi de votre engagement personnel. "

La suite est connue : le gouvernement du 08 décembre 2004 est certes marqué par une inflation de postes ministériels, mais le Rdpc concentre à lui seul la "majorité écrasante" des portefeuilles. Il "mange" pratiquement seul.
Il "mange" gloutonnement, laissant des miettes au Mdr, à l'Undp et l'Upc K.

Qu'en sera-t-il dans les prochains jours ? Quelle tendance de l'Upc sera appelée au gouvernement ? Paul Biya va-t-il vraiment ouvrir le gouvernement ? Va-t-il refaire le coup des années précédentes ? Qui vivra verra.

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