mardi 28 août 2007

TURQUIE • Un ex-islamiste, bientôt président



Le ministre des Affaires étrangères,
Abdullah Gül (voir photo avec son épouse) devrait être élu Président de la république. Son passé islamiste et la personnalité de sa femme, qui porte le voile, inquiétent l'opposition.




Le candidat du Premier ministre Erdohan divise la société turque. Gül, reconverti sincère ou imposteur ? La réponse de l'éditorialiste Murat Yetkin : " Si Gül tient ses promesses, en particulier celle sur le caractère séculaire de la démocratie turque, alors il ne devrait y avoir aucune tension".

Reste qu'hier, l'armée, garante de la laïcité, est à nouveau intervenue pour réaffirmer son devoir de protection à l'égard de la république turque. Les forces armées avaient déjà menacé d'intervenir au printemps. Abdullah Gül avait fait une première tentative pour accéder au poste suprême. Des manifestations géantes pour la défense de la laïcité avaient secoué le pays. Ce qui n'a pas empêché l'AKP de remporter les législatives anticipées du mois dernier.
L'AKP dément vouloir remettre en cause la laïcité et Abdullah Gül a promis à plusieurs reprises de défendre le principe de la séparation de l'Etat et de la religion

Photo du Premier ministre Erdohan et de sa femme

Hayrünnisa Gül ne lache pas le voile

Lasse des polémiques, Hayrünnisa Gül lança récemment excédée : «Mon voile recouvre ma tête, pas mon cerveau.» Très probable prochaine first lady de Turquie, Hayrünnisa Gül, 42 ans, épouse d’Abdullah Gül , sera la toute première dame à porter le turban au Palais présidentiel à Ankara. C’est devenu une affaire d’Etat dans un pays où le voile islamique est banni des administrations comme des universités. Il est également interdit aux femmes des officiers ; or le chef de l’Etat est aussi le chef suprême des armées.

Un des moyens de contourner la difficulté serait de «relooker» la première dame avec un foulard moins chargé de symbole que le «turban», comme les Turcs appellent le voile islamiste. «Je vais réaliser une petite révolution. Je m’inspire des photos de Romy Schneider, de Catherine Deneuve et de Sophia Loren avec des voiles», a lancé le styliste Atıl Kutoglu, installé à Vienne, qui se dit «kémaliste» mais affirme «respecter les choix vestimentaires de Mme Gül». Cela n’a pas suffi à rasséréner l’armée, soutenue par la principale formation de l’opposition parlementaire, le Parti républicain du peuple (CHP, 20,7 % des voix) et les partisans de la laïcité. Abdullah Gül rétorque que le voile porté par sa femme «est un choix personnel». Mais le chef d’état-major de l’armée, le général Yasar Büyükanit, rappelait au printemps, lors de la première candidature de Gül à la présidence, qu’il fallait «un président respectant les principes de la Constitution et la laïcité, pas seulement en parole».

Mère de trois enfants, Mme Gül, est devenue ainsi un des sujets favoris des caricaturistes. L’hebdomadaire satirique Leman , très populaire au sein de la jeunesse, la montre en «Playboy girl», pour se moquer du «turban moderne». Intellectuels et universitaires libéraux défendent publiquement «la liberté de choix» et soutiennent Mme Gül.

La femme du futur président n’en est pas moins une militante convaincue du foulard. Empêchée de s’inscrire en Lettres arabe à l’université d’Ankara pour son refus de présenter une photo d’identité tête nue, elle a intenté, en 2002, un procès contre la Turquie devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. Elle a retiré sa plainte en 2004 quand son époux est devenu ministre des Affaires étrangères. Les relations entre le futur président de la République et le camp laïc ainsi que les militaires s’annoncent déjà difficiles. Le CHP a déclaré qu’il boycottera l’ensemble des activités et des cérémonies de la présidence de la République.

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