jeudi 8 janvier 2009

Egoprésident


Par Laurent Fabius

Je crois avoir été un des premiers, dès après son élection, à qualifier M.Sarkozy d’omniprésident. J’avais raison et j’avais tort.

Raison, parce que sa présidence se caractérise effectivement par une concentration des pouvoirs sans précédent. Un bon connaisseur a eu ce mot lapidaire et pertinent : « il décide de tout, tout seul, tout le temps ». Et il est vrai que le Premier Ministre et les ministres ont été transformés en collaborateurs ; que le Parlement, malgré la réforme constitutionnelle, est promis à devenir une chambre d’enregistrement ; que l’indépendance du judiciaire est placée sous menace quotidienne. Quant au pouvoir médiatique, en dépit de nombreux journalistes courageux, tout est fait, notamment ces jours-ci, pour le rendre docile.

Pour autant, le terme d’omniprésident n’épuise pas le fond du sujet. Car la vraie nature du sarkozysme ne consiste pas seulement dans cette monopolisation des pouvoirs, mais dans le fait que celle-ci a pour finalité elle-même. En politique intérieure comme extérieure, dans les affaires économiques comme sociales ou culturelles, le principal but de M.Sarkozy se révèle être…M.Sarkozy. Chaque chef de l’Etat, avec ses qualités et ses défauts, a consacré son mandat à une grande idée. De Gaulle, à « une certaine idée de la France ». Le président Pompidou, au développement industriel. Giscard, à la modernisation de la société. Mitterrand, à la construction européenne et Chirac au pacte républicain. La grande idée de M.Sarkozy parait être surtout lui-même. L’omniprésident est d’abord un égoprésident.

Cela ne signifie pas qu’on doive contester à l’intéressé l’énergie qu’il déploie. Ni que sa présidence ne puisse ici ou là rencontrer l’intérêt général. Mais son énergie est principalement consacrée à sa propre promotion. En ajoutant un codicille : les intérêts de ses proches ne sont jamais bien loin.

Si on a un doute, qu’on analyse donc sur un mois les décisions, les gestes, les mots de l’intéressé à travers cette grille de lecture de l’égoprésidence : tout s’éclaire.

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