jeudi 11 septembre 2008

Fichier Edvige : Sarkozy embarassé

Confronté au mécontentement suscité par le fichier Edvige, y compris dans sa majorité et jusqu'au gouvernement, Nicolas Sarkozy tente de "désamorcer" une polémique.

Mercredi lors du Conseil des ministres, le chef de l'Etat a appelé ses ministres "au sang froid" et "la cohérence gouvernementale", tout en jugeant "nécessaire" l'existence de ce fichier.

La secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme, Rama Yade, avait fait part de ses "doutes". Avant elle, le ministre de la Défense, Hervé Morin (Nouveau Centre), avait dénoncé "un curieux mélange des genres".

M. Morin s'était fait remettre en place par le Premier ministre François Fillon tandis que sa collègue de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, ironisait sur le fait qu'il n'ait "pas trouvé" son numéro de téléphone pour lui "demander ce qu'il en était".

Une cacophonie gouvernementale aggravée par les critiques d'élus de droite ou de la présidente du Medef, Laurence Parisot. Le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP), a ainsi estimé mercredi qu'Edvige était "une affaire mal conduite" par le gouvernement, "qui n'a pas bien communiqué".

Sans attendre une décision - pas avant la fin de l'année - du Conseil d'Etat, devant lequel plusieurs recours en annulation ont été déposés, le chef de l'Etat a pris les choses en main.

Dès son retour de Russie et Géorgie, et une fois le sommet Union européenne-Ukraine bouclé, il a convoqué une réunion à l'Elysée et fait savoir que si sa "priorité" demeurait "la lutte contre la délinquance", il n'en était pas moins "le garant" des libertés publiques.

Il a demandé à Mme Alliot-Marie "d'ouvrir rapidement une concertation" sur ce fichier, qui devra être "suivie de décisions pour protéger les libertés". "Il faut désamorcer la crise" car "il ne faut pas que le président perde le crédit accumulé cet été et qui s'est traduit par une hausse dans les sondages", a assurée l'un de ses proches.

Les renseignements qui font le plus polémique, l'orientation sexuelle et la santé des personnes, pourraient être "évacués" du fichier, ainsi que le fichage des personnalités". Le Conseil de l'ordre national des médecins a rappelé qu'il n'était "pas possible d'enregistrer, sans l'accord formel de la personne concernée, des informations sur son état de santé".

La ministre de l'Intérieur, qui a admis avoir "sous-estimé le fantasme qui pouvait tourner autour de ce fichier", s'est déclarée mardi prête à inscrire, y compris "dans une loi", "toutes les garanties" nécessaires aux libertés publiques pour la mise en oeuvre du fichier. Elle a également proposé un "droit à l'oubli" pour les mineurs.

Malgré ces assurances, l'opposition ne désarme pas, tandis que la pétition anti-Edvige ouverte le 10 juillet sur internet continue de rassembler des signatures. Le collectif "Non à Edvige" à d'ailleurs réitéré sa demande de retrait du décret créant le fichier.

Le président du MoDem, François Bayrou, tout comme l'ancienne ministre socialiste du Travail, Martine Aubry, et les Verts, continuent à demander "le retrait" pur et simple du fichier. Le Front national a estimé que cette affaire illustrait "le désordre permanent au sommet du pouvoir".

Les syndicats se sont pour leur part félicités d'un "premier recul du gouvernement".

"C'est une première victoire" mais "les mots ne suffisent pas" et M. Sarkozy doit donner des "garanties", a affirmé le président de la LDH Jean-Pierre Dubois. La FSU (syndicat enseignant) a averti qu'elle resterait "vigilante".

Demande de retrait de Martine Aubry


Venue soutenir dans l'entre-deux tours, le candidat socialiste, David Lebon, à l'élection législative partielle dans cette circonscription d'Eure-et-Loir, Mme Aubry a souligné avoir été "l'une des premières personnes à signer les pétitions qui circulent contre ce projet".

"Que ce projet soit adopté par décret ou par la loi, je continue de penser qu'il est dangereux et indigne d'une démocratie comme la nôtre", a-t-elle ajouté. "On voit déjà quelles pourront être les dérives liées à son utilisation, mais pas son utilité", a insisté Mme Aubry, en réaction aux derniers propos du ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie.

Mme Alliot-Marie s'était dite prête mardi sur RTL à inscrire, "dans une loi", "toutes les garanties" nécessaires aux libertés publiques pour la mise en oeuvre du fichier Edvige.

Delphine Batho, secrétaire nationale du PS, a salué mardi "une première victoire" après que la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie s'est dite prête à inscrire, "dans une loi", "toutes les garanties" nécessaires aux libertés publiques pour la mise en oeuvre du fichier Edvige "La mobilisation citoyenne contre le fichier Edvige a été utile et elle a payé", a déclaré la députée des Deux-Sèvres dans un communiqué.

Selon elle, "le gouvernement a reculé et rejoint désormais la proposition du Parti socialiste d'organiser un débat parlementaire débouchant sur l'adoption d'une loi sur les fichiers de renseignements. C'est une première victoire".

La responsable socialiste estime aussi que "ce revirement" est "un désaveu pour François Fillon qui pensait étouffer le débat qui s'est ouvert jusqu'au sein du gouvernement par des rappels à l'ordre".

"Bien sûr, dans son expression ce soir, le gouvernement cherche à sauver les apparences et ne veut pas complètement perdre la face. Il doit donc très rapidement préciser sa position car il ne peut pas y avoir de loi sans retrait du décret sur le fichier Edvige. Le gouvernement devra également détailler le calendrier du débat parlementaire à venir", poursuit Mme Batho.

Au Parlement, le PS proposera "que la nouvelle loi mette fin au fichage des citoyens engagés dans la vie syndicale, associative et politique qui ne constituent en rien une menace pour la sécurité de notre pays", conclut le communiqué.

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