vendredi 29 juin 2007

Léon Blum et l’exercice du pouvoir


Du congrès de Tours à la fin de sa vie, le leader de la SFIO est demeuré un partisan du régime parlementaire. Cependant, pour l’ancien président du Conseil, si la responsabilité du pouvoir est une nécessité liée au suffrage universel, l’action du Parti socialiste ne saurait être limitée à cet objectif.

Dans une conférence prononcée en mai 1947, devant les élèves de l’École normale supérieure, Léon Blum rappelle la distinction établie dans les années 1920 entre exercice, conquête et occupation du pouvoir. Il voit dans l’exercice du pouvoir par le Parti socialiste une conséquence directe de l’acceptation du suffrage universel. Il abandonne à cette occasion deux dogmes du marxisme. L’État n’est pas l’expression de la classe dominante. Il est transformé par la pratique du suffrage universel, et la démocratie permet le développement des organisations politiques de gauche. Il n’y a pas de croissance inévitable des antagonismes de classe. Ce qui est peut-être la dernière pensée de Blum se résume dans ces phrases qu’il prononce alors : « Dès que le groupe parlementaire du Parti devient une majorité, il est condamné à exercer le pouvoir. Que cela soit difficile ou non, l’obligation pour lui est la même, et il ne pourra l’éluder qu’en répudiant la notion d’action politique.

Soutien sans participation

Dans les années 20, il apparaît toutefois que Blum, leader incontesté de la SFIO, l’a tenue volontairement à l’écart du pouvoir. Il s’élève clairement contre la participation à un gouvernement radical. Et se dit partisan du soutien, sans participation, au moment du Cartel des gauches, en 1924. « J’ai joué, déclare-t-il lors du procès de Riom, un rôle un peu singulier dans la vie publique, en ce sens que je n’ai jamais recherché le pouvoir, que j’ai même mis à m’en écarter autant d’application et de soin que d’autres pouvaient mettre à s’en rapprocher et que j’en ai détourné mon parti aussi longtemps que cela m’a paru possible. »

Pour les socialistes, cette période apparaît comme une période de reconstruction, après la scission de Tours, en 1920. La tension est toujours palpable entre la direction du Parti et le groupe parlementaire. L’heure est à la concurrence avec le nouveau Parti communiste.L’important alors est que les socialistes n’apparaissent pas infidèles à l’idéologie traditionnelle de la gauche, dont le marxisme. En 1929, c’est en le justifiant ainsi que Léon Blum refuse l’abolition du dogme de la dictature du prolétariat. Les années 20 revêtent aussi une spécificité par l’importance des questions internationales dans la vie politique française. La recherche d’une réconciliation entre la France et l’Allemagne en est une dominante. Léon Blum privilégie donc une entente avec les radicaux face à une Union nationale revancharde.

Pas de légalisme excessif

Du congrès de Tours à la fin de sa vie,Blum demeure un partisan du régime parlementaire. À Tours, il défend l’action des socialistes élus à la Chambre des députés. En 1934, la position est la même face à la réforme Tardieu. Contre De Gaulle enfin, Léon Blum réagit. Suite au discours de Bayeux (16 juin 1946) dans lequel le général expose ses idées constitutionnelles, il dénonce la menace d’instauration d’une monarchie non héréditaire, que contiennent ces projets. Si l’exercice du pouvoir apparaît comme une nécessité du fait de la défense du régime parlementaire et de la pratique du suffrage universel, l’action des socialistes n’est pourtant pas enfermée dans l’action parlementaire.

Le 6 février 1934, alors que les factieux marchent vers le Palais-Bourbon, Blum prononce à la tribune de la Chambre des députés un vibrant discours appelant à combattre le fascisme, y compris dans la rue et par des actions illégales. Cet exemple fort confirme que le leader de la gauche n’est pas embarrassé par un légalisme excessif. En juin 36, face aux occupations d’usines, il refuse d’accéder aux demandes de la droite et du patronat, qui souhaitent un renfort de l’armée pour faire respecter le droit de propriété. En mai 1947, il revient sur ce que devrait être l’exercice du pouvoir par les socialistes : « Il faut donner l’impression, le sentiment, que les intérêts collectifs de la Nation sont aussi bien placés dans les mains du Parti socialiste que dans n’importe quelles autres mains. En même temps, il faut donner au pays tout entier, et tout spécialement à la classe ouvrière, le sentiment qu’il se produit un événement à part, le sentiment que les choses vont se passer autrement que si n’importe quel autre parti exerçait le pouvoir. Il faut accélérer le rythme de l’évolution. »

Jean-Marcel Bichat, d’après une communication de Robert Verdier, Colloques de la commission Histoire et mémoire du parti, 1996

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