Or, le 27 octobre, plus de 4 000 personnes sont descendues dans la rue, ont bloqué des routes d'accès à la zone industrielle de Jebel Ali et ont jeté des pierres sur les voitures de police. Ils demandaient davantage de bus pour les amener sur leurs lieux de travail, des logements moins surpeuplés et des salaires leur permettant de vivre dignement. Car aujourd'hui, ils s'entassent tous les matins dans des véhicules plus adaptés au transport du bétail qu'à celui des hommes, sont confinés dans des campements en plein désert et gagnent l'équivalent de 100 dollars par mois. Les responsables politiques estiment que leur sort relève du secteur privé qui les a embauchés, que cette grève constitue une violation des conditions dûment établies dans des contrats de travail, et que tout cela relève de la loi de l'offre et de la demande sur le marché de la main-d'œuvre...
Ces arguments sont justes dans la forme, mais dangereux sur le fond. Cela veut dire que le gouvernement légitime l'exploitation, voire le trafic, d'êtres humains et plie devant des hommes d'affaires sans pitié ni conscience, dont le seul but est d'accumuler des dollars sur leurs comptes en banque. Le résultat de leur avidité sans scrupule est l'insécurité et l'instabilité. Et c'est l'Etat qui en paie le prix. C'est donc à lui d'intervenir et de promulguer des lois, d'établir un salaire minimum, d'améliorer les conditions de vie et de poursuivre les entrepreneurs coupables d'atteinte à la loi. Dans un pays considéré comme l'un des plus riches, et où le coût de la vie est l'un des plus élevés au monde, est-il pensable de payer un travailleur 100 dollars par mois seulement ?
Il s'agit d'une sorte de signal d'alarme pour les gouvernements du Golfe. Ils ne devraient plus ignorer ce sujet explosif, alors qu'ils croulent sous les dollars grâce à la hausse des prix du pétrole. Quand ces immigrés descendent dans la rue, cela veut dire que le volcan d'humiliation accumulée est entré en éruption et qu'une grande explosion se prépare. La main-d'œuvre bon marché en provenance d'Asie forme [au moins] les deux tiers de la population dans toutes
les monarchies du Golfe. Rien qu'aux Emirats Arabes Unis, ils sont au moins 700 000 travailleurs émigrés. La langue arabe est marginalisée, au profit de l'ourdou et de l'anglais. C'est un sujet sensible, mais nous nous sentons le devoir de mettre en garde contre le tsunami qui menace les dirigeants et l'identité arabe de la région.
Il n'y a qu'une alternative. Soit nous acceptons de nous transformer en pays multiculturels, multiethniques et multireligieux, à l'instar des Etats-Unis, du Canada, de l'Australie et de
Dans les autres pays du Golfe non plus, ces travailleurs ne peuvent pas faire venir leurs familles, faute de salaire suffisant, ce qui provoque désordres en tous genres, viols, homosexualité et maladies dangereuses pour la société. Récemment, le ministre américain du Travail est allé au Koweït pour dire que cela devait changer. C'est nouveau et cela risque d'être suivi bientôt par des pressions internationales visant à imposer des naturalisations massives. N'oublions pas que l'Inde est une grande puissance économique et militaire. Elle n'acceptera plus longtemps le sort fait à ses ressortissants. Dans le Golfe, on méprise et on se moque de ces travailleurs indiens, mais les voilà qui relèvent la tête. Car ils appartiennent à un pays qui fabrique des fusées transcontinentales et des ordinateurs dernier cri, alors que nous autres Arabes ne sommes toujours pas capables de produire nous-même nos keffiehs et djellabas.
Abdel Bari Atwan
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