Comme l'affirmait le cabinet du ministre des Affaires étrangères il y a plusieurs jours, la quasi-totalité des 103 enfants que l'association Arche de Zoé a tenté d'emmener en France le 25 octobre ne sont pas orphelins, ont affirmé des ONG. Ils disent avoir au moins un parent et venir de la "région frontalière entre le Tchad et le Soudan", selon un communiqué d'organisations humanitaires internationales publié jeudi 1er novembre.
Quelques uns des 103 enfants
"Les entretiens menés pendant plusieurs jours avec ces 21 filles et 82 garçons âgés de 1 à 10 ans (...) suggéreraient que 85 d'entre eux proviennent de villages de la région frontalière entre le Tchad et le Soudan, situés dans les zones de Adré et Tiné (localités frontalières)", affirment le Comité international de
D'autres entretiens
"Au cours des conversations que les travailleurs humanitaires ont eu avec eux, 91 des enfants se sont référés à un environnement familial constitué d'au moins une personne adulte qu'ils considèrent comme un parent", ajoutent les organisations. "Les entretiens se poursuivent avec les douze autres" enfants, précisent-elles.
L'association française Arche de Zoé, dont des responsables sont inculpés et écroués au Tchad, affirme que les enfants sont des "orphelins" du Darfour, région de l'ouest du Soudan frontalière du Tchad, en proie à une guerre civile.
Mais où est donc passé Bernard Kouchner? Depuis le début de l’affaire de l’Arche de Zoé, le ministre des Affaires étrangères, en tournée en Asie, n’est sorti qu’à deux reprises de son silence pour la qualifier de «triste aventure» et pour expliquer que l’action humanitaire devait respecter des «règles». Y a-t-il, dans ce silence peu habituel, une gêne, voire une volonté de faire oublier des déclarations passées, peu compatibles avec son statut actuel ?
Activistes. C’est ce que lui reproche Rony Brauman, ex-directeur de MSF, qui a dénoncé hier et avant-hier la «responsabilité morale» de Kouchner, mais aussi de BHL et d’Urgence Darfour dans le scandale en cours. L’Arche de Zoé n’aurait, selon lui, fait que mettre en œuvre les incantations de Kouchner à l’action et à l’ingérence – étatique certes – pour mettre fin au «génocide» et à «l’horreur» au nom d’une morale universelle.
Quelques jours avant de devenir ministre des Affaires étrangères, Kouchner soutenait la mouvance des activistes sur le Darfour, principalement regroupée dans trois ONG : Urgence Darfour, SOS Darfour et Sauver le Darfour. Sans être membre d’aucune d’entre elles, il a participé à des rassemblements, comme celui du 20 mars à
Au printemps donc, Kouchner militait aux côtés de Jacky Mamou, président d’Urgence Darfour et ex-dirigeant de Médecins du Monde, qui estimait que «se taire, c’est se rendre coupable de non-assistance à personnes massacrées» et qu’il n’était «plus temps de dénoncer mais d’agir». Quant à Bernard-Henri Lévy, il préconisait «d’armer les rebelles», comme en Bosnie.
Ingérence. Puis Kouchner est devenu ministre. Pendant ses premiers jours au Quai d’Orsay, il défend l’ingérence humanitaire, qu’il a théorisée avec Mario Bettati et testée en Irak en 1991 : il propose des «corridors humanitaires» destinés à sauver, depuis le Tchad, «les survivants des massacres» au Soudan. A sa grande colère, les humanitaires n’en veulent pas : ils sont déjà 13 000 au Darfour et craignent surtout le mélange des genres avec l’action militaire ainsi que les effets pervers d’une opération qui accélérerait paradoxalement le nettoyage ethnique souhaité par Khartoum.
Réfugiés. Puis, c’est l’état-major qui enterre son projet de mettre en œuvre une no fly zone au-dessus du Darfour depuis le Tchad. Finalement, Kouchner, qui partage avec Sarkozy l’horreur de la passivité, réussi à arracher au président tchadien Idriss Déby le principe d’une force européenne destinée à sécuriser les réfugiés du Darfour en proie à des attaques transfrontalières dans l’est du Tchad. Mi-octobre, Kouchner soulignait devant ses partenaires européens «la mission humanitaire» de l’Eufor au Tchad, suscitant un communiqué désapprobateur de l’ONG Oxfam sur le mélange des genres.
Mais pour préserver son principal acquis, Kouchner a dû modérer son langage. Il ne parle plus depuis son entrée en fonction de «génocide au Darfour». Ces deux derniers jours, Jacky Mamou dans Libération et BHL dans le Parisien, lui ont emboîté le pas, désireux de se démarquer du fiasco de l’Arche de Zoé.
Eric Breteau, le responsable de l’Arche de Zoé, ne se voit-il pas comme un héritier de Kouchner en 1994 au Rwanda, lorsque ce dernier tentait en vain d’arracher des orphelins tutsis aux génocidaires hutus ?
Au Tchad et au Darfour aujourd’hui, on est loin de ce cas de figure. Il n’y a pas de génocide et on trouve sur place suffisamment de structures humanitaires.
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