La petite entreprise de François Bayrou ne connaît pas la crise. Œil frisant, joue rose, torse bombé, son fondateur observe, la mine gourmande, une scène politique dont il est devenu, envers et contre tout, l'un des ténors. Il est vrai qu'il suscite, à nouveau, autant d'intérêt que d'irritation. Sorti d'outre-tombe, Dominique de Villepin se reconnaît avec lui des " valeurs communes ". Sorti de sa réserve, François Hollande vient de poser la question qui fâche, rue de Solférino : " Il est un concurrent. Peut-il devenir un partenaire ? " Sous couvert de clarification, c'est admettre qu'il a gagné ses galons d'antisarkozyste de choc.
Mieux, il agace, donc il inquiète. Hier complice, Daniel Cohn-Bendit moque, chez le président du MoDem, une obsession présidentielle qui frise la révélation mariale. Hier bien décidé à l'ignorer, l'Elysée commence à s'énerver, le traitant de " populiste " (Xavier Bertrand), de " Le Pen light " (Nicolas Sarkozy par la voix d'Alain Minc), enfin de " menteur " (Claude Guéant).
Il est vrai que la pose est avantageuse : pour le bon peuple, David aura toujours raison contre Goliath et le rebelle contre le pouvoir. Succès d'estime ? Peut-être. Mais qui a un précédent, dont François Bayrou n'ignore, à l'évidence, aucun détail : celui de François Mitterrand. En 1964, celui-ci avait lancé son Coup d'Etat permanent, virulent pamphlet antigaulliste. Bayrou s'apprête à faire de même, cette semaine, avec son Abus de pouvoir, brûlot contre un président qui " conduit
Le mimétisme ne s'arrête pas là. L'un conversait avec les arbres, l'autre parle avec les chevaux. Le premier fut un " prince de l'ambiguïté ", le second n'est pas en reste. Comme son devancier, il pose au paysan, joue de ses racines provinciales - Béarn à la boutonnière -, se pique de littérature, distribue les aphorismes avec la componction d'un oracle, affiche le même goût du romanesque et fait de la présidentielle " le combat de sa vie ". Bref, Bayrou a enfilé les bottes de Mitterrand. Reste à prouver qu'il ne s'est pas trompé de pointure.
Gérard Courtois, Le Monde, 21 avril 2009
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