Caricaturiste pour le quotidien La Liberté, Dilem est une des figures de la contestation algérienne. Révolté par la façon dont le régime accapare le pouvoir, il le dit sans mâcher ses mots.
Bouteflika en route pour un troisième mandat: qu'est-ce que cela vous inspire?
Je me sens souillé, humilié. Jamais je n'ai eu un tel sentiment d'impuissance, et pourtant, cela fait vingt ans que je me bats en publiant des caricatures. Bouteflika, en foulant au pied la Constitution algérienne, en balayant tous nos principes du revers de la main, a tué la dernière lueur d'espoir que nous avions.
L'Algérie est-elle en train de devenir une dictature ?
Mais elle n'a jamais cessé de l'être. Rien n'a changé depuis l'indépendance. C'est toujours la même clique, celle des généraux de 1962, qui dirige le pays. Ces mecs n'ont pas hésité à sacrifier trois générations d'Algériens pour garder le pouvoir!
Que bilan tirez-vous de deux mandats de Bouteflika?
Il n'a rien fait. Même notre économie reste ridicule, comparée à celle du Maroc ou de la Tunisie. Le pays vit sur une seule et unique ressource, le pétrole. Jamais le régime n'a cherché à tirer profit de notre travail ou à récompenser notre génie. Résultat : en dix ans de règne de Bouteflika, on n'a rien gagné, absolument rien. Lui croit qu'il restera dans les livres d'histoire comme l'un des héros de la révolution algérienne. La vérité, c'est qu'il n'est qu'un vulgaire dictateur.
Il a quand même ramené la paix dans le pays?
La paix ? Aujourd'hui, en Algérie, des gamins qui n'ont pas 15 ans se font sauter dans des attentats. Même aux pires moments de la violence terroriste, cela n'existait pas.
Justement, faut-il craindre un retour de l'islamisme radical?
Mais il est déjà en marche, je le vois tous les jours dans mon quartier d'Alger. Pour moi, le mètre étalon, c'est la longueur des barbes et la couleur des foulards des femmes. Eh bien, je peux vous dire que la situation aujourd'hui est pire que celle du début des années 1990, pendant la montée du FIS.
Comment faire sauter la chape de plomb qui pèse sur le pays?
Je ne vois pas. La seule solution est de fuir, comme le font déjà des dizaines d'Algériens chaque jour, au risque d'y laisser leur peau. S'ils sont nombreux à tenter de rejoindre la France, ce n'est pas pour le plaisir, c'est pour respirer un peu de cet air de liberté qu'on peut y trouver. D'ailleurs, la France a une responsabilité: tant que vous soutiendrez Bouteflika, vous subirez cette immigration sauvage.
La majorité des Algériens partagent-ils votre colère?
Oui, bien sûr. Mais cette colère est immédiatement réprimée par le régime. Alors, forcément, l'Algérien devient de plus en plus résigné. On en est venu à oublier le modèle algérien, bâti sur le courage, l'abnégation. On n'est plus rien, juste des sujets de Sa Majesté Bouteflika.
Mais vous continuez à vous battre...
Pourtant je n'ai plus beaucoup d'espoir. La seule solution, c'est de dire à Bouteflika et à la clique qui est au pouvoir: "Merde, les gars, arrêtez! Prenez l'argent si vous voulez mais, par pitié, partez et arrêtez de nous humilier..." Sont-ils seulement conscients de ce désespoir ? Je ne le crois pas. Moi, en tout cas, je n'ai plus envie de donner encore plusieurs années de ma vie à ce putain de régime! Je n'en ai plus la force.
Propos recueillis par Antoine MALO
mardi 18 novembre 2008
Dilem : "Bouteflika, un vulgaire dictateur!
mercredi 5 novembre 2008
Oui, un Noir !
LES AMERICAINS nous devaient bien ça : après huit années de George W. Bush, l’élection à la présidence des Etats-Unis d’un homme intelligent et généreux. Mais ce qu’ils ne devaient à personne, c’est la désignation d’un Noir, ou mieux peut-être, d’un métis pour le poste suprême. En termes symboliques, c’est l’événement le plus important dans l’histoire des relations inter-ethniques depuis l’élection en 1861 d’un anti-esclavagiste, Abraham Lincoln, à la Maison Blanche. Depuis mardi, ils sont nombreux à travers le monde à avoir perdu le droit de faire la leçon aux Américains. Imaginez, pour voir, la nomination au poste de Premier ministre d’un Noir ou d’un Asiatique en France, d’un Tibétain en Chine, d’un catholique au Royaume-Uni, d’un Arabe en Israël, d’un juif en Libye, d’un chrétien en Arabie saoudite… D’un seul coup, les Américains ont retrouvé leur place à la tête de la civilisation : voilà le fait majeur.
Naturellement, dès le mois de janvier prochain, Barack Obama ne pourra que commencer à décevoir. Les espérances que soulève son élection sont si démesurées, si multiples et si contradictoires qu’il ne pourra les satisfaire toutes. C’est bien simple : le monde entier – et pas seulement les Etats-Unis – attend de lui la concorde, la paix et la prospérité. Rien que cela. Si je ne craignais pas de jouer les rabat-joie, je pourrais sans grand risque esquisser ici les articles désolés qui, succédant à l’Hosanna universel, vont s’écrire un peu partout dans le courant de l’année prochaine. C’est justement parce que je souhaite de tout cœur qu’il réussisse que je prêche ici le calme et la pondération. Je préfère être déçu en bien, comme disent nos amis suisses, qu’accablé en mal.
A l’échelle internationale, la principale contradiction que va devoir affronter Barack Obama est la suivante. Ses compatriotes espèrent de lui qu’il rétablisse l’hégémonie américaine, comme le firent en leur temps F.D. Roosevelt, Truman, Kennedy et Reagan, tandis que le reste du monde attend qu’il la partage. Le nouveau président va devoir expliquer aux Américains qu’ils ne sont plus les maîtres du monde, même s’ils en demeurent la première puissance. Les années de Bush II ont détruit l’œuvre de Bush I qui était allé rétablir l’ordre au Koweït et en Irak avec l’aval de la communauté internationale. Barack Obama va devoir reprendre les problèmes internationaux là où Bush le père, puis Bill Clinton les avaient laissés. C’est-à-dire renoncer à une gendarmerie du monde devenue impossible dans le quotidien au profit d’un leadership devenu nécessaire. Tout le monde sait que la confrontation Etats-Unis–Chine va dominer les prochaines décennies. Il est vraisemblable qu’une diplomatie de mouvement succède à l’immobilisme.
Dans ce contexte, l’Europe pourrait jouer un rôle essentiel, à la fois d’arbitre et d’intermédiaire. A condition qu’elle existe, ce qui est encore loin d’être le cas. Dans la crise que nous traversons, la solidité de l’euro, la sagesse de Jean-Claude Trichet et la hardiesse de Nicolas Sarkozy nous ont évité le pire. Mais les eurosceptiques veillent ; le déclin est leur royaume.
Il ne faut pas compter sur Barack Obama pour nous dispenser de faire l’Europe. Au contraire. Les présidents de gauche, partisans d’un fort leadership américain, à l’image de F.D. Roosevelt et de J.F. Kennedy, n’ont jamais été pour les Européens, et notamment pour les Français, des partenaires faciles. Avec la crise économique mondiale et le nouveau cours américain, une nouvelle époque commence. Nous ne pouvons plus nous contenter d’une quasi-Europe menant une quasi-politique avec de quasi-institutions. L’élection de Barack Obama nous place devant un choix contraignant : sortir de nous-mêmes ou sortir de l’Histoire.
Jacques Julliard
mardi 4 novembre 2008
Quelque chose d'Obama
Il y avait quelque chose d’Obama qui flottait dans l’air du temps américain, dans les conversations, à
Jean-Marcel Bouguereau