mercredi 29 octobre 2008

Des milliards pour les banques, des clopinettes pour l’emploi


Il était temps ! Après avoir accouru au chevet des banques et des entreprises aux premières heures de la crise financière, Nicolas Sarkozy a enfin daigné se pencher sur la situation de l’emploi et du pouvoir d’achat des Français. Mais encore une fois : beaucoup de bruit pour rien. Cette « mobilisation pour l’emploi » se résume à la création de 100 000 emplois aidés, après en avoir supprimé plus de 200 000, et à une nouvelle attaque du code du travail avec la mise en place du travail dominical.

« Nicolas Sarkozy a réalisé une performance en présentant un plan pour l’emploi en France sans utiliser une seule fois les mots salaire et pouvoir d’achat ! », notait François Hollande quelques minutes après l’intervention du Président à Rethel (Ardennes), le 28 octobre dernier. Une intervention que le Premier secrétaire a comparé « à celle d’un candidat en campagne qui semble chaque fois redécouvrir les problèmes ».

Un décalage complet lorsque Nicolas Sarkozy évoque la nécessité de créer 100 000 emplois aidés de plus après en avoir supprimé 200 000 ces dernières années. « Le gouvernement doit faire machine arrière jusqu’au bout en révisant sa politique d’allègement fiscal des heures supplémentaires », note Alain Vidalies, secrétaire national du PS aux entreprises. « C’est quand même compliqué de vouloir faire baisser le chômage quand une heure supplémentaire coûte moins cher qu’une heure embauchée », ajoute-t-il.

Avide de s’approprier des notions de gauche, Nicolas Sarkozy n’a pas hésité non plus à appeler à la création d’une « véritable sécurité sociale professionnelle » en évoquant les contrats de transition professionnelle qui assurent 80 % du revenu des salariés licenciés pour raison économique. « La belle affaire, commente Alain Vidalies. Ces contrats seront réservés aux bassins d’emploi en grave difficulté et ne s’appliqueront pas à l’immense majorité des salariés. Encore une fois, Nicolas Sarkozy fait de la chirurgie lourde pour sauvegarder l’économie et ne pratique que l’homéopathie dans sa lutte contre le chômage. »

Enfin, clou du spectacle, puisque c’est ainsi qu’il souhaitait se mettre en scène, en convoquant ironie et anecdotes, Nicolas Sarkozy a réitéré sa volonté de libéraliser le travail dominical. « Le dimanche n’est pas plus qu’un lundi », a précisé le Président, relayant la confidence que lui avait faite une vendeuse d’un grand magasin. « Encore faudrait-il que les salariés aient déjà assez pour consommer la semaine », a commenté François Hollande.

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« Sœur Emmanuelle : “Le doigt de Dieu nous suit partout” »

Le Canard enchaîné du 29 octobre Cela commence, en une, avec cette interview (presque) imaginaire de Sœur Emmanuelle , qui reçoit son interlocuteur, Frédéric Pagès, à son nouveau lieu de résidence : le paradis. Le journaliste évoque le passage du livre posthume où elle affirme son penchant pour la masturbation, et s’étonne que 71% des lecteurs du Figaro se prononcent en faveur de sa canonisation. Réponse de l’intéressée : « Depuis que les Français savent que j’ai touché du doigt les vrais problèmes, il me veulent "santa subito"... sainte immédiatement ! ».

La peut-être future sainte promet « plusieurs adaptations (de sa vie) au cinéma : Sœur Emmanuelle II, Sœur Emmanuelle III. » Mais que va penser le pape de tout cela, s’interroge Le Canard ? « Ne me parlez pas de lui ! s’emporte Sœur Emmanuelle. Quand je pense que Ratzinger va béatifier Pie XII, un type qui n’a rien branlé contre Hitler pour tenter de sauver les Juifs ! (...) Eh bien moi je dis qu’il vaut mieux avoir la main sous la soutane que le bras tendu. »



lundi 27 octobre 2008

Un sommet des ministres européens de l’Immigration... à Vichy

 Un sommet des ministres européens de l’Immigration... à Vichy


article de la rubrique histoire et colonies > Sarkozy et l’histoire 

Bien entendu les habitants de Vichy ne sont pas responsables de l’installation du gouvernement de Pétain, mais il est difficile de ne pas voir une nouvelle provocation de Brice Hortefeux dans le fait de réunir les ministres européens de l’Immigration sur le lieu même d’un régime qui s’est illustré par sa politique discriminatoire à l’égard des étrangers.

Le choix de Vichy n’aurait sans doute pas été contesté si le thème retenu — “ l’intégration ” — n’avait pas évoqué un des aspects les plus condamnables de ce régime.

On comprend le souhait des Vichyssois de dissocier l’image de leur ville du souvenir du régime de Pétain. Mais il y a deux manières bien différentes de “ réhabiliter la ville ” : montrer qu’il n’y avait pas que des notables pétainistes, mais également des résistants courageux dont il faut retracer et honorer le combat, ou bien demander que l’on cesse de parler des crimes du régime de l’Etat français. Les termes qu’il utilise pour dire son « ras-le-bol » laisse penser que Brice Hortefeux a choisi la seconde option et qu’il considère le régime de Vichy comme un “ détail ” dont on n’aurait que trop parlé.


Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement durable, a prononcé un discours à Bruxelles le 10 septembre 2008 [1] consacré à « la gestion des flux migratoires et la mise en place d’un Pacte européen sur l’immigration et l’asile ».

« Conscient de l’importance du sujet de l’intégration, il a déclaré qu’il organisera, les 3 et 4 novembre prochains à Vichy, la troisième conférence ministérielle sur ce sujet, après celles de Gröningue en 2004 et de Postdam en 2007. »

« On va mettre fin à l’opprobre sur cette ville, a-t-il déclaré au Figaro. Ce sera la première réunion internationale depuis soixante ans à Vichy, l’ancienne capitale de la France de Pétain. »

Le 19 septembre 2008, à Vichy, en clôture du congrès des cadres de l’ANAEM [2], Brice Hortefeux est revenu sur le sujet, dénonçant « le crétinisme » de certaines associations qui voient là une provocation au passé. « Il faut arrêter avec ces bêtises, arrêter de faire payer à Vichy tous les péchés du monde. » Et il concluait : « Je ne ferai pas de politiquement correct. Je revendique à mort le choix de Vichy » [3].

jeudi 2 octobre 2008

La Cimade et le défense des droits des étrangers dans les centres de rétention

Gilbert Meynier Lyon, le 21 septembre 2008

Membre de la Cimade Lyon

Je me permets de vous alerter sur une grave mesure que vient de prendre le gouvernement par décret du 20 août 2008 concernant la défense du droit des étrangers en Centres de Rétention administrative (CRA) : ce décret vise, ni plus ni moins, à expulser de ces centres l’association œcuménique d’entre-aide à ancrages protestants qu’est la Cimade – elle assure depuis début 1985 un « accompagnement social », qui a rapidement évolué vers la défense juridique des retenus. La convention qui la charge de cette mission, renouvelée jusqu’alors régulièrement, arrive à échéance fin 2008.

Rappel : la Cimade a été créée en 1939 à l’initiative de mouvements de jeunesse protestants, au départ pour secourir les évacués d’Alsace-Lorraine pendant la drôle de guerre. Son champ d’activité s’est étendu à l’aide aux réfugiés – espagnols, allemands… – en France et aux Juifs pourchassés par le régime de Vichy. Elle a réussi à être présente dans ses camps, comme elle le sera plus tard dans les camps de la guerre de reconquête coloniale à contretemps de 1954-1962, période pendant laquelle elle a plus largement assisté et soutenu les Algériens victimes de cette guerre et luttant pour leur libération.

La signification du sigle Cimade est Comité inter mouvements d’aide aux évacués. Aujourd’hui la Cimade se dénomme « Service œcuménique d’entre-aide » ; elle a pour devise « Ici et là-bas solidaires ». Elle travaille en partenariat avec plusieurs associations, notamment en Afrique, qui œuvrent la solidarité sociale, à l’éducation et à la défense des droits de l’Homme. L’évolution historique des vagues migratoires a fait qu’elle s’est de plus en plus vouée en France à l’aide aux étrangers en situation irrégulière.

Jusqu’à présent, eu égard à son expérience de près de 70 ans dans la défense des rejetés, de ceux qui ne sont défendus par personne, la Cimade avait été la seule association à répondre à la demande, faite au départ par le ministre Pierre Joxe : il s’agissait en clair, depuis la mise en place en 1984 des CRA, de faire contrepoids, au nom de la société civile, à l’administration par des fonctionnaires de police de ces centres fermés.

Un nouvel appel d’offre public vient d’être lancé en vue du renouvellement de cette convention. Or, le ministère Hortefeux a rajouté dans l’appel d’offres des exigences qui visent clairement la Cimade. Ce sont en particulier :

- la division sur le territoire français du marché de la rétention en 8 lots, fragmentant la capacité d’avoir une vision d’ensemble sur la rétention, et mettant fin de ce fait à toute possibilité d’élaborer le rapport annuel de la Cimade sur les CRA, qui fait autorité, tant en France que dans le reste de l’Europe et dans le monde.

- l’engagement de « respecter une confidentialité », empêchant désormais, lui aussi, toute action de témoignage sur les CRA telle que la publication annuelle de ce rapport.

- la réduction du rôle des intervenants dans les CRA à une fonction d’ « information sur les droits », droits – notamment en matière de recours juridiques – que les étrangers retenus ne pourront désormais exercer que par leurs propres moyens : il s’agit bien de faire disparaître l’aide juridique assurée jusqu’à présent par la Cimade.

- l’interdiction faite à deux associations de souscrire conjointement à l’offre publique : ainsi, le Secours catholique et la Cimade, qui parlent d’une même voix et agissent de concert, ne pourront pas postuler ensemble.

A travers la Cimade, ainsi éliminée, et perdant du même coup une grande partie de ses ressources budgétaires, le gouvernement attente à l’action de vigilance citoyenne de la société civile, indispensable à l’exercice de la démocratie : personne ne peut nier la disponibilité, la compétence et le dévouement sans limites de ses équipiers sur le terrain. Peu d’associations, sinon aucune, ne peuvent prétendre aujourd’hui à une telle qualité d’expertise, d’écoute et de réconfort en matière d’aide aux étrangers : ainsi, ce n’est pas pour rien que des membres du Secours catholique sont engagés sur ce terrain sous la bannière de la Cimade.

L’objectif clair du gouvernement est de faire évoluer les CRA en centres fermés destinés à accueillir tous les migrants dès leur arrivée sur le territoire français : il sera dès lors impossible de formuler toute demande de régularisation en dehors de ces centres. Et, en cas de refus, l’expulsion n’en sera que plus facilement exécutée.

Nous tenons à vous informer de ces mesures pour le moins inquiétantes : en signifiant à tous ces humains désorientés, qui ont cru trouver dans l’émigration la solution à leur situation désespérée dans leurs pays d’origine, qu’ils seront désormais livrés à eux-mêmes pour leur défense, elles portent atteinte aux droits fondamentaux des migrants. Au surplus, elles portent en germe une aggravation supplémentaire des tensions sociales et intercommunautaires.

Nous vous demandons d’intervenir avec tous les moyens dont vous disposez, et de la manière appropriée qui vous semblera la plus efficace, pour empêcher leur application. Et, pour aider la Cimade en ces temps difficiles, toute aide financière serait la bienvenue. [1]