mardi 29 avril 2008

La colère monte dans de nombreux pays d'Afrique

"Le continent africain est traversé par une bourrasque. L'accélération prévisible et attendue de la hausse des prix a entraîné de violents mouvements sociaux, qui ont même tourné à l'émeute", rapporte le quotidien d'Abidjan Fraternité Matin. "La Côte-d'ivoire n'a pas été épargnée par la tempête, elle a vécu quarante-huit heures de folie avec à la clé deux morts qu'on aurait pu éviter." De même au Cameroun, en février dernier, 40 personnes ont été tuées par les forces de l'ordre et, selon le quotidien Cameroon Tribune, "729 personnes ont été à ce jour condamnées à des amendes ou à des peines de prison allant de trois mois à six ans". Au Sénégal, "les premières émeutes de la faim du 31 mars ont été violemment réprimées ; on compte des dizaines d'arrestations dans le camp des marcheurs", note le quotidien de Dakar Wal Fadjri.

"Vie chère rime avec galère, mais surtout misère pour les couches sociales les plus fragilisées", souligne l'hebdomadaire burkinabé San Finna, qui décrit les marchés des quartiers populaires presque vides, "de plus en plus de personnes qui passent la journée sans manger, des enfants le ventre gonflé, chassés de l'école parce que les parents ne peuvent pas payer les frais de scolarité". Quant au riz ordinaire, "la qualité d'origine asiatique, de loin la plus consommée au Burkina Faso, est en voie de disparition sur le marché national à cause de la flambée des prix", précise le quotidien Le Pays. Incapable d'importer les denrées alimentaires de première nécessité, les autorités burkinabés vont maintenant faire face à la colère de la population ; un préavis de grève générale a été déposé dans tout le pays pour les 8 et 9 avril.

Fraternité Matin déplore l'impuissance des Etats africains devant la menace inflationniste, "qui reste suspendue sur les têtes comme une épée de Damoclès." Le chef de l'Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, qui a pris quelques mesures d'urgence pour calmer les esprits, a raison d'affirmer que "si la fièvre a baissé, la maladie n'est pas guérie".

Les ministres de l'Economie et des Finances des pays africains, réunis à Addis-Abeba les 28, 29 et 30 mars, n'ont pu que constater que "l'augmentation des prix mondiaux des produits alimentaires présente une menace significative pour la croissance, la paix et la sécurité en Afrique". Parmi les solutions proposées pour sortir de la crise, outre des allégements fiscaux et des droits de douane revus à la baisse, l'accent a été mis sur la capacité de l'Afrique à se nourrir elle-même.

BIYA A VIE

Par Clotaire Tegang Ledoux (Douala, Cameroun)

100 morts, 700 condamnations et une constitution sur mesure. Qui arrêtera le soldat Biya avant qu’il ne fasse sauter le Cameroun

Plus heureux que Biya tu meurs !

De fin février a avril, les événements se sont précipités pour arriver au but visé : faire du fils de Mvomeka (village de Biya) un président immortel. Avant qu’il ne fasse sauter le Cameroun ?

Le Cameroun a été secoué fin février par de graves troubles en marge d’un mouvement contre la cherté de la vie et un projet de révision constitutionnelle qui permettrait au président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, se représenter en 2011.
Des affrontements entre force de l’ordre et manifestant ont fait plus de 100morts selon une O.N.G.
N’empêche !!! Biya aujourd’hui a taillé sur mesure une constitution comme une veste prêt à porter, cousue par les meilleurs faiseurs de la « République » au nombre desquels Maurice Kamto, ci-devant ministre ou sous ministre de quelque chose au ministère de la justice.

Et les Camerounais dans toute histoire ?

Ils ont protesté. Ils ont manifeste leur mécontentement. Ils ont dénonce l’omniprésence de l’armée. Cette armée qui ne jure fidélité qu’au président Biya. Ils se sont exprimé dans les urnes. Leur volonté a été mise de côté, les élections étant truquées. Ils ont encore manifesté. Ils ont défié les jets d’eau, résisté aux charges des forces de l’ordre, aux gaz lacrymogènes. Ils ont défié matraques et coups de crosse. Ils ont publié des pamphlets,tout de suite interdits. Ils ont crée des partis politiques.

L’opposition a organisé de nombreux rassemblements pour protester contre le projet gouvernemental

Des organisations de défense de la presse ont dénoncé la suspension de plusieurs medias opposés à la révision constitutionnelle par le pouvoir et qui est passé comme une lettre à la poste

Pleurs et Applaudisseurs

Ils ne reste que des larmes pour pleurer maintenant. Biya a sa constitution et les pleureurs, ne manquent pas, à commencer par Joseph Banadzem président de groupe parlementaire du S.D.F "notre position est que le S.D.F reste opposé à la modification de la constitution de 1996, car ce document n’a jamais été appliqué. On ne peut donc pas réviser ce qui n’a pas été appliqué. Il y ‘a des clauses, notamment celle sur la mise en place des nouvelles institutions. La constitution de 1996 est le fruit d’un consensus parce qu’elle est intervenue à un moment ou notre pays traversait une crise"

Nous constatons malheureusement que le projet soumis à l’attention de l’Assemblée nationale fait la part belle à un individu ou à des individus. Ce qui a notre avis constitue un recul dans la pratique démocratique. L’autre disposition qui pose problème est cette immunité que l’on veut accorder au président de la république…

L'image très dégradée de la France en Afrique

Comme deux vieilles connaissances fatiguées l'une de l'autre, l'Afrique et la France ne se comprennent plus. Non seulement Paris perd pied sur le continent noir, mais son image se dégrade. Objet de débat depuis quelques années, cette réalité est désormais officiellement reconnue et préoccupe le sommet de l'Etat. Multiforme, le constat est dressé dans un ensemble de télégrammes rédigés à la demande du Quai d'Orsay à l'automne 2007 par 42 ambassadeurs en poste en Afrique, et dont Le Monde a pris connaissance. Pareil état des lieux tend à plaider en faveur de la "rupture" dans la politique de la France en Afrique promise par Nicolas Sarkozy. "Rupture" que des proches du président français semblent remettre en cause.

L'image de la France "oscille entre attirance et répulsion dans nos anciennes colonies, au gré du soutien politique ou des interventions, militaires notamment, dont ont fait l'objet ces pays", constate un télégramme de synthèse. "La France n'est plus la référence unique ni même primordiale en Afrique. Les Français ont du mal à l'admettre", ajoute un diplomate qui a participé à ce travail. A l'entendre, tout se passe comme si le temps s'était arrêté : les Africains "jugent la France à l'aune des travers du passé alors que Elf, c'est fini".

De leur côté, les Français ignorent que les Africains entrent dans la mondialisation "plus vite qu'on ne le croit" et sont désormais courtisés par tous les pays émergents (Chine, Inde, Brésil) et par les Etats-Unis. "Loin de la pensée misérabiliste, (...) les progrès accomplis par l'Afrique sont importants et largement sous-estimés par l'opinion et les observateurs", estime le document, élaboré pour tenter de remédier à l'effet désastreux produit par le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet 2007.

Le soutien apporté par Paris à des potentats africains est l'une des composantes de ce désamour. La présence de bases militaires "alimente le fantasme d'une France qui n'agit qu'au profit de gouvernements iniques et pour des causes opaques", alors que la situation dans les pays en question (Gabon, Cameroun, Tchad et Congo) est plutôt meilleure que dans d'anciennes colonies britanniques, estiment les responsables français, qui citent le Zimbabwe. "On nous reproche à la fois de trop intervenir et de lâcher l'Afrique. Quoi qu'on fasse, on a tort", résume l'un d'eux. La voracité prêtée à la France en matière d'exploitation des ressources naturelles pèse aussi. Là encore, l'idée selon laquelle Paris tire toutes les ficelles dans ses ex- colonies relève du leurre, assurent les diplomates, puisque les principaux intérêts français se situent en Afrique anglophone. Le Nigeria et l'Afrique du Sud concentrent la moitié des échanges français avec le continent. L'Afrique ne pèse d'ailleurs que pour 0,5 % dans le commerce extérieur de la France, contre 40 % en 1957.

Les Africains francophones ont "l'impression d'être délaissés, voire de ne pas être payés en retour par une France en repli (immigration, visas, réduction de l'aide, traitement des anciens combattants)", assènent encore les télégrammes, pointant "le risque réel que les jeunes générations se détournent de la France". L'ennui est que la France n'a plus les moyens de ses ambitions. Son immense réseau de coopérants a presque disparu et elle ne maîtrise qu'un tiers du volume de son aide, le reste se partageant entre la réduction de la dette et l'aide distribuée via l'Union européenne. En conséquence, les réalisations françaises sont mal identifiées et moins visibles que les immenses stades ou palais des congrès construits par les Chinois. Certaines ambassades vont jusqu'à plaider pour une dé-communautarisation des budgets.

Le dépit africain se nourrit aussi du rejet d'une France "donneuse de leçons", insistent les diplomates, qui constatent aujourd'hui les "dégâts durables" produits par l'affaire de L'Arche de Zoé.

Un fossé s'est ainsi creusé entre Français et Africains. Les premiers voient les seconds comme "des gens pauvres parce que corrompus, à qui la France doit dire ce qu'ils doivent faire". En miroir, domine en Afrique la vision d'"une France frileuse, doutant de ses intérêts, méfiante à l'égard de la jeunesse africaine". Ce décalage se double d'une identification nouvelle facilitée par Internet, le portable et le satellite : "Quand les banlieues françaises flambent, la jeunesse d'Afrique se sent maltraitée."

Confrontée à cet inquiétant tableau, la France dispose d'atouts, notamment de sa langue, qui fait l'objet d'une "terrible demande", et d'une "connaissance irremplaçable du terrain". Paris doit "avouer ses intérêts en Afrique", liés aux enjeux du développement, de la sécurité et de l'économie, et négocier avec "des partenaires à part entière". "Nous devons cesser de traiter les pays francophones comme "nos Africains"", résume un diplomate.

La modestie et la sobriété nouvelles du discours prononcé par le président Sarkozy au Cap (Afrique du Sud), le 28 février, résulte directement du constat dressé par les diplomates. Là où, à Dakar, M. Sarkozy avait multiplié les mises en garde péremptoires, il a affirmé au Cap que "les Africains en ont assez de recevoir des leçons de morale" et annoncé la révision des accords de défense avec les Etats africains. Ce nouveau discours a été largement inspiré par la cellule diplomatique de l'Elysée et le Quai d'Orsay, alors que celui de Dakar était né de la plume d'Henri Guaino, conseiller spécial de M. Sarkozy.

Mais la querelle d'influence à propos du bien-fondé d'un aggiornamento de la politique française en Afrique n'est pas close pour autant. Le remplacement de Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la coopération, coupable d'avoir mis en cause la gouvernance du Gabon et du Congo, pays "amis de la France", avait déjà reflété un retour aux vieux réflexes. Le choix de Libreville (Gabon), le 10 avril, comme première destination africaine par son successeur, Alain Joyandet, le confirme. Le chef de cette délégation venue clore en grande pompe la fâcherie franco-gabonaise dans le bureau du président Bongo n'était autre que Claude Guéant. Le secrétaire général de l'Elysée a ainsi confirmé sa préférence pour une gestion nettement plus classique des affaires africaines.


Philippe Bernard

vendredi 18 avril 2008

La schizophrénie présidentielle du PS,

par Jean-Michel Normand
LE MONDE | 15.04.08 | 13h57 • Mis à jour le 15.04.08 | 13h57

La prochaine élection présidentielle aura lieu en principe dans quatre ans. L'échéance est encore lointaine, mais elle empoisonne déjà la vie interne du Parti socialiste et constitue, pour l'instant, la principale toile de fond du congrès de novembre, alors que la désignation d'un candidat n'aura lieu que fin 2010 ou début 2011. Cette véritable obsession présidentielle pèse sur le choix du premier secrétaire qui sera appelé à succéder à François Hollande. Pour certains, il faut s'en remettre à une personnalité "présidentiable" capable d'imprimer "un leadership fort". En clair, Ségolène Royal ou Bertrand Delanoë.

D'autres préfèrent choisir un dirigeant qui s'engagerait solennellement - lui faudra-t-il jurer sur l'honneur, la main sur le buste de Jean Jaurès ? - à ne pas concourir à l'Elysée. Le débat n'est pas seulement doctrinal, puisqu'au moins deux candidats - Pierre Moscovici et Julien Dray - se sont déjà officiellement mis sur les rangs, tandis que Claude Bartolone, lieutenant de Laurent Fabius, a fait valoir qu'il avait le "profil" pour occuper le poste. Sans parler de tous ceux qui, selon une expression actuellement très en vogue au PS, affirment "ne rien exclure". Jusqu'à présent, le casting socialiste a largement éclipsé les débats consacrés à la rénovation du parti, c'est-à-dire la vision qu'il doit avoir de la société française.

Paradoxalement, les adeptes de la "déprésidentialisation" du PS contribuent à alimenter l'idée fixe que constitue la perspective du printemps 2012. Strauss-kahniens, fabiusiens, emmanuellistes, partisans d'Arnaud Montebourg et représentants de la gauche du PS, mais aussi François Hollande lui-même, s'accordent à considérer qu'il faut éviter un "choc Royal-Delanoë". Selon le député strauss-kahnien de Paris Jean-Christophe Cambadélis, un tel affrontement au sommet se traduirait à coup sûr par "une querelle de petites phrases où les deux diront à peu près la même chose, ne se distingueront que sur des accents, et la question de la rénovation ne sera absolument pas posée".

"Nous avons un problème avec le Parti socialiste, c'est la maladie des écuries présidentielles", renchérit Arnaud Montebourg. Selon eux, un congrès de "rénovation" serait tué dans l'oeuf par un congrès de "désignation", car une guerre des chefs prématurée serait mortifère, comme le suggère le fâcheux précédent du congrès de Rennes, en 1990. On pourra objecter que le PS ne s'est installé au pouvoir que lorsqu'il disposait à sa tête d'un leader présidentiable - François Mitterrand puis Lionel Jospin -, ce qui ne l'empêchait pas de devoir composer avec des opposants actifs. Et que l'on voit mal pourquoi le fait de choisir d'emblée un dirigeant disposant d'une stature de chef d'Etat devrait paralyser le PS au point de lui interdire de se doter d'une ligne politique clairement affirmée.

De son côté, le camp des "présidentiables", qui se plaint d'être victime d'un faux débat, use de circonvolutions pour afficher la volonté de son champion de devenir premier secrétaire. M. Delanoë active ses réseaux tout en se réfugiant derrière des formules subliminales, alors que Mme Royal se retranche derrière un "questionnaire participatif" pour lancer ce qui apparaît comme une campagne interne en bonne et due forme.

Sans doute ne faut-il pas sous-estimer la dimension tactique de ces prises de position, qui émanent, dans un cas, de responsables devenus - provisoirement, espèrent-ils - orphelins d'un présidentiable installé en pole position pour 2012 - Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius - et, dans l'autre, d'animateurs d'écuries constituées (Ségolène Royal) ou en voie de l'être (Bertrand Delanoë). De même, faut-il aussi pointer le fait que ces querelles, parfois byzantines, trouveraient moins d'espace pour se développer si les débats au sein du PS s'organisaient sur des clivages liés à de réelles divergences, par exemple sur les questions économiques et sociales, voire environnementales.

PRIMAIRES "À L'ITALIENNE"

Il n'en reste pas moins que si le PS "ne pense qu'à ça", c'est parce qu'il semble avoir un réel problème avec la prééminence de l'élection présidentielle dans le système politique français. Alors qu'il a décidé, depuis 1995 et à l'initiative de Lionel Jospin, de faire élire son premier secrétaire par l'ensemble des adhérents, le PS ne s'est, de facto, toujours pas conformé à la réalité selon laquelle la présidentielle est la mère de toutes les élections.

A ce propos, Gérard Grunberg, directeur de recherches au CNRS et à Sciences Po, n'hésite pas à évoquer la "schizophrénie" du Parti socialiste. Bien que l'élection du président de la République au suffrage universel lui ait permis d'imposer son hégémonie au sein de la gauche et d'accéder au pouvoir, le PS ne s'est pas forgé sous l'ère Mitterrand une véritable pensée institutionnelle. L'instauration en 2001, à l'initiative de Lionel Jospin, alors premier ministre, du quinquennat et de l'inversion du calendrier aura tenu de l'acte manqué. Cette accentuation de la présidentialisation du régime, introduite sans qu'un débat interne n'ait eu lieu, a installé le PS dans une ambiguïté à l'égard du jeu institutionnel.

Selon M. Grunberg, perdure chez les socialistes la représentation mentale d'un parti parlementaire et non pas présidentiel, c'est-à-dire capable de repenser son rapport à l'opinion publique. Or, estime-t-il, "plus le processus de désignation du candidat sera largement ouvert, plus l'adéquation entre ce candidat et son électorat sera grande, et plus la mobilisation de ses électeurs sera forte". Dans ces conditions, l'organisation de primaires "à l'italienne", ouvertes aux sympathisants de gauche, pourrait constituer une solution susceptible de sortir par le haut de la "schizophrénie" ambiante. Cette option, qui semble faire l'objet d'un consensus, consisterait à organiser au sein de l'électorat de gauche une compétition entre le champion désigné par le PS et d'autres compétiteurs non socialistes afin de choisir un candidat unique dès le premier tour de la présidentielle. Ce qui imposerait de convaincre communistes et Verts de concourir, vraisemblablement pour l'honneur.

De telles primaires accentueraient la présidentialisation du Parti socialiste, qui, assure Gérard Grunberg, a intérêt à sauter le pas. "Ce parti doit oser paraître ce qu'il est, c'est-à-dire assumer le fait qu'il est un grand parti présidentiel, et donc rompre avec les ambiguïtés institutionnelles du modèle d'Epinay", écrit le politologue en conclusion d'un article paru dans le n° 120 de la revue Commentaire. On ne saurait être plus clair.

mardi 15 avril 2008

Berlusconi III

Le leader de la droite italienne, qui n'a pas lésiné sur les promesses durant la campagne électorale, va devoir s'atteler aux dossiers d'Alitalia et des ordures à Naples. Bien qu'il ait proclamé lundi soir sa victoire, le dépouillement se poursuivait toujours tôt ce mardi.

Le conservateur Silvio Berlusconi a obtenu, lundi 15 avril, un troisième mandat de président du Conseil italien avec une majorité plus forte que prévu. Il a aussitôt averti qu'il ne serait pas facile de régler les problèmes économiques et annoncé que les Italiens devaient s'attendre à des "mois difficiles".
Le dépouillement se poursuivait toujours aux premières heures de mardi, mais le ministère de l'Intérieur a publié des résultats partiels, portant sur la très grande majorité des bureaux de vote et laissant apparaître que le centre-droit de Berlusconi recueille autour de 47% des suffrages.
Le centre-gauche, quant à lui, obtient autour de 38%, aussi son chef de file, Walter Veltroni, a-t-il reconnu dès lundi soir sa défaite.
"J'ai appelé le dirigeant du Peuple de la liberté, Silvio Berlusconi, afin de reconnaître sa victoire et lui souhaiter bonne chance dans ses fonctions", a dit l'ancien maire de Rome.
Des projections fondées sur des résultats préliminaires annoncent au Peuple de la liberté (PDL) - nouvelle alliance de centre droit du "Cavaliere" - une victoire sans ambiguïté à la Chambre des députés et au Sénat.

Une victoire indiscutable dans les deux chambres

On s'attendait à ce que Berlusconi, magnat de l'audiovisuel âgé de 71 ans, l'emporte aisément à la chambre basse. Mais une victoire indiscutable au Sénat est de nature à renforcer sa capacité à mettre en oeuvre les réformes structurelles jugées indispensables pour écarter la menace d'une récession.
D'après les projections, Berlusconi disposerait d'une majorité de 99 sièges à la Chambre des députés qui en compte 630, et d'une majorité pouvant aller jusqu'à 30 sièges au Sénat, qui regroupe 315 membres élus et sept sénateurs à vie.
Par contraste, le gouvernement sortant de Romani Prodi ne disposait depuis 2006 que d'une majorité de deux sièges au Sénat, où il avait été mis en minorité en janvier après 20 mois d'exercice du pouvoir.
Berlusconi visait 20 sièges de majorité à la chambre haute et son porte-parole Paolo Bonaiuti a pu du fait de la nette victoire évoquer un "revirement clair et décisif après le désastreux gouvernement Prodi".

Priorités : ordures à Naples et Alitalia

Berlusconi, qui a dirigé le pays durant sept mois en 1994 et de nouveau entre 2001 et 2006, n'a pas lésiné sur les promesses durant la campagne électorale, s'engageant à réduire la dette publique, à diminuer les impôts et à libéraliser le secteur hautement régulé des services.
Le "Cavaliere" a déclaré dès lundi que son gouvernement traiterait rapidement le dossier de la vente d'Alitalia et la crise des ordures à Naples. S'exprimant sur la télévision publique, il a ajouté que le gouvernement servirait un mandat plein de cinq ans et ajouté que l'Italie se préparait "à des mois difficiles".
"Je suis ému par le résultat issu de l'élection et par la confiance que tant de citoyens ont placé en moi", a-t-il dit.
"Je m'attaquerai immédiatement au problème des ordures et à Alitalia", a-t-il ajouté. Il n'a pas été plus explicite mais Berlusconi n'a pas fait mystère de son hostilité à l'éventualité de voir Alitalia reprise par Air France-KLM.
Des dizaines de milliers de tonnes d'ordures s'amoncellent dans les rues de la troisième ville d'Italie et dans ses environs après que les décharges officielles eurent été déclarées pleines.

Pas avant le 9 mai

Outre
le PDL de Berlusconi, l'autre grand gagnant du scrutin est le parti séparatiste de la Ligue du Nord, qui a pratiquement doublé son score en deux ans : il passe de 4,6% aux législatives de 2006 à plus de 8% au dernier scrutin.
Le nouveau parlement va se réunir pour la première fois le 29 avril. Il lui faudra sans doute plusieurs jours pour élire les présidents des deux chambres et ceux des différentes commissions.
Berlusconi ne devrait pas être officiellement président du Conseil avant le début mai. Ce sera probablement le 9 mai : après avoir présenté la liste de son gouvernement au chef de l'Etat, Giorgio Napolitano, il sera investi dans ses fonctions. D'ici là, le président du Conseil sortant Romano Prodi, du centre-gauche, gèrera les affaires courantes.

dimanche 6 avril 2008

Blocages d'établissement pour cause de 11200 suppressions de postes dans l'éducation nationale

Une petite centaine de personnes est regroupée lundi 31 mars à 7h15, devant le lycée collège
Voltaire à Paris. Entre les portes et eux, un amas de poubelles et de barrières. Une chose est
sûre : aujourd’hui encore, personne ne pourra rentrer dans l’établissement. Depuis une quinzaine de jours, enseignants, parents et élèves sont unis dans la protestation contre les suppressions de postes.
Sur l’ensemble de la capitale, environ 80 départs à la retraite ne seront pas remplacés. Un nombre qui peut paraître dérisoire à l’échelle de la ville, mais certains établissements sont voués à souffrir plus que d’autres.
Ici, à Voltaire,une petite dizaine de postes sont sur la sellette: 8 postes d’enseignants, et deux postes de conseiller principal d’éducation.
Unique lycée général de l’arrondissement, Voltaire accueille chaque jour plus de 1800 élèves.
Au beau milieu de ce quartier populaire, l’établissement est un bel exemple de mixité, et connaît d’ailleurs, depuis quelques années, une hausse de ses résultats, notamment au baccalauréat. Pourtant, comme le raconte Nadine, une mère de famille qui tenait à être là ce matin, « tout reste à faire ». « Le lycée commence seulement à relever un peu la barre, les professeurs sont motivés, et c’est maintenant qu’on veut nous supprimer des postes chez les enseignants et chez les pions ! C’est parfaitement irresponsable. Nous ne lâcherons rien. » Comme la plupart des bloqueurs, Nadine n’est ni encartée,ni syndiquée : le mouvement est spontané.

Non loin de là, Bertrand Louët, professeur de français, explique sa situation. D’abord, les suppressions de postes contraindront les enseignants à réaliser des heures supplémentaires.
Ce qui reviendra à « travailler plus pour gagner plus » en « piquant », comme il dit, les
emplois de ses collègues. D’autre part, du fait de son ancienneté, il n’est pas directement
concerné par les suppressions, mais il sait que les conséquences sur ses cours seront désastreuses et immédiates : « Il est impossible de travailler avec 40 élèves par classe, surtout dans ce type d’établissements où la mixité demande un plus grand travail au cas par cas. » Pour ces différentes raisons, il vient tous les jours à 7 h 15 pour « bloquer » avant de se réunir avec ses collègues en assemblée générale.

11 200 postes supprimés dans l’Éducation nationale à la rentrée prochaine. Cela signifie concrètement moins d’encadrement et plus d’élèves par classe. Aussi, un peu partout en France, enseignants, parents d’élèves et lycéens se mobilisent contre ces suppressions de postes en bloquant.