mercredi 31 octobre 2007

TCHAD • L'Arche de Zoé dans l'œil du cyclone


La polémique enfle autour de l'arrestation au Tchad de responsables d'une ONG française, accusés d'avoir enlevé une centaine d'enfants en vue de les faire adopter en Europe. Le quotidien burkinabé Le Pays tente d'analyser l'affaire.


La gravité de l'affaire des 103 enfants tchado-soudanais qu'on aurait tenté d'enlever est à la mesure de l'absurdité de la situation qui prévaut au Darfour. Tels des voleurs pris la main dans le sac, des membres de l'association française l'Arche de Zoé ont été interceptés alors qu'ils s'apprêtaient à emmener une centaine d'enfants en France. Les condamnations sont unanimes, en attendant que la justice précise les circonstances dans lesquelles les faits sont survenus. Car il y a beaucoup de zones d'ombre autour de cette affaire, à commencer par l'importante logistique dont dispose l'Arche de Zoé et les autorisations obtenues par son avion pour atterrir au Tchad. Dans le flot de réactions, Alpha Oumar Konaré [ancien président du Mali, président de la Commission de l'Union africaine] est sans doute celui qui a le mieux planté le décor. Tout en condamnant l'acte de l'association française, il n'a pas pour autant occulté la responsabilité des Africains dans ce drame.

Dans un pays normal, pareille pagaille est difficilement imaginable. En outre, si des départs massifs d'enfants sont constatés, c'est en raison de la terreur que font régner les seigneurs de guerre dans la région. On le sait, les enfants sont les premières victimes des cruels affrontements dans ce Darfour où la haine de l'autre semble tenace. Pour preuve, des villages entiers sont rasés, comme s'il s'agissait d'effacer toute trace de certains peuples. Du reste, dans ce tohu-bohu général, il serait intéressant d'entendre les parents des enfants ou ce qu'il en reste. Sont-ils oui ou non favorables au départ en France de leurs enfants ? Leur réponse, si elle est sincère, permettra sans doute d'établir un peu mieux les responsabilités et de savoir s'il faut jeter l'opprobre sur l'Arche de Zoé.


Mahorou Kanazoe Le Pays (Burnika Fasso)


Comment l'Arche de Zoé démarchait sur l'Internet

Pour appeler les familles à accueillir, voire à adopter, un enfant du Darfour, l'Arche de Zoé démarchait sur le net, en jouant sur la corde de l'émotion.

«Aidez-nous à sauver ces enfants d'une mort certaine», «nous avons besoin de vous», «ensemble, essayons de sauver ces enfants»: pour démarcher les familles candidates à «l'accueil» d'enfants du Darfour, l'Arche de Zoé lançait depuis plusieurs mois appels et communiqués sur les forums consacrés à la famille ou à l'adoption, en France ou en Belgique. Les messages, rédigés le plus souvent par des «collaborateurs» de l'ONG, faisaient campagne sur le thème: «si vous ne faites rien, ces enfants vont mourir», et étaient parfois accompagnés d'appels au don et d'une vidéo poignante sur le conflit au Darfour. Des plans en noir et blanc montrant villages détruits et enfants affamés y apparaissent entrecoupés de messages compassionnels: «Donnons leur une chance de survivre», «ils ont besoin de nous»... Le tout sur une musique dans le même registre.


lundi 29 octobre 2007

Traité européen : c’est le peuple qui doit décider

Interview de Laurent Fabius

"Ce qui a été décidé par référendum ne peut être réexaminé que par référendum. Une autre procédure ne serait pas vraiment démocratique. Sur cette base, j’espère que ce sera l’occasion pour les socialistes de se rassembler."

Voterez-vous le projet de traité simplifié adopté à Lisbonne, qui se fixe pour objectif de désembourber l’Europe ?

Laurent Fabius. Le projet, avec ses 250 pages et ses 297 amendements, n’est pas plus « simplifié » que le précédent. En 2005, le peuple s’était prononcé par référendum.

Ce qui a été décidé par référendum ne peut être réexaminé que par référendum. Une autre procédure ne serait pas vraiment démocratique. Sur cette base, j’espère que ce sera l’occasion pour les socialistes de se rassembler.

Au final, voterez-vous oui ou non ?

Je ne vois pas comment on pourrait approuver un déni de démocratie. Chacun, socialiste tenant du oui ou du non, devrait être prêt à faire un effort pour tenir cette position.

Les tenants du non, comme vous, feraient eux aussi un « effort » ?

Ce serait logique. Je souhaite que nous adoptions la position la plus démocratique et susceptible de nous rassembler. C’est d’ailleurs ce qu’a préconisé le rapporteur du PS chargé de ces questions, Benoît Hamon.

Mais Nicolas Sarkozy, comme il l’avait dit lors de la campagne présidentielle, prévoit une ratification cette fois par le Parlement !

C’est le peuple qui doit décider. D’ailleurs, je pense qu’une majorité de Français souhaitent comme moi un référendum.

Ségolène Royal et Bertrand Delanoë appellent déjà à voter oui...

Nous disions tous, il y a quelques semaines, qu’il faudrait un nouveau référendum. Pour ma part, je ne l’ai pas oublié.

Souhaitez-vous que, comme en 2005, le PS consulte ses militants par référendum interne ?

On n’est pas obligé de se tendre à soi-même un piège. (Sourire.)

Comprenez-vous une grève dirigée contre la réforme des régimes spéciaux de retraite ?

Le mouvement a été très suivi, mais les gens sont partagés...

... Et vous-même, êtes-vous partagé ?

Je pense que les régimes spéciaux doivent évoluer, mais après une vraie négociation. De plus, leur remise en cause est vécue par beaucoup comme un ballon d’essai par rapport à la question plus générale des régimes de retraite. Le candidat Sarkozy a répété le slogan « Travailler plus pour gagner plus ». Avec les multiples taxations nouvelles, les augmentations de prix, les reculs de toutes sortes, on constate de plus en plus qu’il s’agit en réalité de « travailler plus pour gagner moins ». On ne peut pas être d’accord.

Mais le statu quo en matière de retraites est-il concevable ?

Il faut des évolutions, mais sur la base d’efforts partagés. Donc une discussion générale sur l’ensemble des retraites, et pas la stigmatisation d’une catégorie de salariés.

Pourquoi souhaitez-vous que le Conseil constitutionnel censure le texte sur les tests ADN, désormais très restrictif ?

Si le texte ne concerne vraiment qu’un tout petit nombre de personnes, à quoi sert-il ? Ce qui me paraît dangereux, c’est l’addition de deux idées qu’il contient, chacune dangereuse : l’idée que notre parcours dans la vie, et surtout le rapport parents-enfants, serait entièrement déterminé par la génétique ; et l’idée que l’étranger serait une sorte de délinquant potentiel, une menace. J’espère que le Conseil constitutionnel annulera cette mesure avec un argument principal : on ne peut pas traiter différemment un enfant adopté et un enfant qui ne l’est pas, ce qui serait le cas avec les tests ADN.

« Dans le scandale de l’UIMM, il faut désigner un juge »

Etes-vous hostile à l’idée de contrôler plus strictement les conditions du regroupement familial ?

Ce n’est pas parce qu’on récuse les tests ADN qu’on est pour une immigration massive et sans règles ! J’ai une autre approche sérieuse, responsable, autour de trois principes, que nous devons gérer dans le cadre européen : 1. l’impératif du codéveloppement ; 2. pour les immigrés en situation régulière, le droit à une vie comme les autres, donc au regroupement familial ; 3. le fait que la France ne peut accueillir « toute la misère du monde » et qu’il faut lutter contre les filières et trafics de clandestins. Trop souvent, l’immigration sert de filon électoral à la droite pour faire oublier son échec sur le plan économique et social. Je refuse cette dérive malsaine.

Faut-il aller jusqu’au bout de la présidentialisation du régime ?

Cessons de jouer avec les mots ! Il faut davantage de pouvoirs au Parlement, un meilleur contrôle des décisions du président, une écoute plus attentive du suffrage populaire. Le rapport du comité Balladur me paraît plutôt intéressant, mais qu’en restera-t-il ?

Souhaitez-vous toute la vérité sur les caisses noires de l’UIMM alors que certains syndicats et même des députés en auraient, dit-on, profité ?

C’est le monde à l’envers ! C’est bien le scandale UIMM. Pourquoi le présenter comme l’affaire des syndicats ou des politiques ? Il faut qu’un juge soit désigné et fasse la lumière rapidement.

Quel doit être le profil du futur premier secrétaire du PS ?

Le PS a bien des défis à relever. Oui ou non, devons-nous revendiquer nos valeurs socialistes ? Je réponds clairement oui. Oui ou non, devons-nous adapter un certain nombre de nos propositions ? Je réponds oui et j’ajoute que notre règle, ce doit être ce que j’appellerai « l’économie sociale et écologique de marché ». Devons-nous adopter une stratégie qui nous isolerait à gauche ou, comme je le crois, nous fixer comme objectif le rassemblement le plus large autour de nous ? Vastes enjeux. C’est cela notre tâche, et non pas de nous disputer en 2008 pour savoir qui sera notre candidat en 2012, 2017 ou 2022 !

D’ici au congrès PS de 2008, que comptez-vous faire ?

Je travaillerai activement à des propositions pour répondre aux préoccupations de fond (emploi, pouvoir d’achat, vieillissement, vivre ensemble, pollutions, mondialisation financière...). Je vais aussi alerter et mobiliser contre les mesures injustes, par exemple la scandaleuse taxe sur les malades. Et poser au pouvoir des questions concrètes, en souhaitant des réponses précises. Oui ou non, le gouvernement s’engage-t-il dans les cinq ans qui viennent à ce qu’il n’y ait pas d’augmentation de la TVA ? Même question pour la CSG et la CRDS. Si l’on refuse de me répondre ou si, comme c’est le cas jusqu’ici, l’on répond à côté, cela voudra dire qu’après les municipales les Français auront à payer une addition encore plus douloureuse et injuste qu’aujourd’hui.

Ce texte est disponible sur www.laurent-fabius.net

samedi 27 octobre 2007

Sarkozy, malmené et hué chez les cheminots, s’emmêle les pinceaux


Nicolas Sarkozy a rendu, vendredi 26 octobre au matin, une visite surprise à des cheminots de Saint-Denis, pour leur expliquer la réforme des régimes spéciaux de retraites.

A un jeune employé qui lui disait que les cheminots feraient "plier" ce gouvernement comme d'autres par le passé par des grèves et des manifestations, le président de la République a répondu: "La rue, elle fera pas plier parce que nous sommes dans une démocratie. Le droit de grève, c'est un droit qui est reconnu, mais je vais vous dire quelque chose: le chantage à la rue, ça ne marchera pas".

"Le choix de la rue dans une démocratie, ça n'est pas un bon choix. Ca montera une partie de la France contre les cheminots", a-t-il ajouté. "Je ne céderai pas sur le passage des 37,5 années à 40 ans de cotisation. En revanche, je m'engage à ce que personne ne perde de sa retraite en cotisant plus", a déclaré le chef de l'Etat à ses interlocuteurs. "
"C'est pas marrant à dire, mais il n'y a pas un pays au monde qui fait différemment, vous pouvez me chanter ce que vous voulez", a-t-il dit. "Vous devriez quand même être plutôt heureux que, pour une fois, il y ait un chef de l'Etat qui s'occupe de vous. Ca me semble quand même plus positif que de dire: c'est la rue qui va parler".

Nicolas Sarkozy s'était rendu tôt vendredi dans ce centre de maintenance de la SNCF de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour une visite destinée à dialoguer avec les cheminots opposés à la réforme de leur régime spécial de retraites. Sur place, il a longuement dialogué avec les employés. "Vous nous proposez de travailler plus pour gagner moins", lui a ainsi reproché Cyril Renaud, délégué CGT.
La visite s'est déroulée en présence de la présidente de la SNCF Anne-Marie Idrac.
Le ministre du Travail Xavier Bertrand achève ce vendredi une nouvelle série de consultations entamées mercredi avec les syndicats sur la réforme des régimes spéciaux de retraite. Parallèlement, les directions de la RATP et de la SNCF tentent d'éviter un nouveau conflit et une grève illimitée à la mi-novembre, en proposant de rencontrer des organisations syndicales des deux entreprises en début de semaine prochaine.
"Cela fait 25 ans qu'un président n'est pas venu à la SNCF", a souligné Nicolas Sarkozy, ajoutant: "Je n'ai pas peur, je ne viens pas en cachette", alors que les syndicalistes lui reprochaient la présence de médias.

Parlant de "provocation", Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste, a jugé que "c'est une curieuse conception du dialogue social que de dire aux salariés de la SNCF que l'on mène une négociation mais que rien ne changera dans le projet du gouvernement".
Pour le PCF, qui accuse de M. Sarkozy de dénier aux Français le droit de manifester, "les cheminots ne sont pas dupes d'une réforme qui, sous couvert d'un prétendu sauvetage de la retraite par répartition, vise à les faire 'travailler plus pour gagner moins"'.

Nicolas Sarkozy a surtout montré quelques lacunes dans le dossier de la réforme des régimes spéciaux de retraite, pourtant phare de son programme quand il a lancé " 40 ans [d’annuités] s’appliqueront à tout le monde, en revanche, les bonifications, les décotes, moi je pense que tout ceci ne peut s’appliquer que pour ceux qui ne sont pas déjà rentrés à la SNCF". Une rumeur monte dans la foule, un syndicaliste de FO s’étonne : ", mais ça c’est nouveau !".
C’est même énorme.
Le principe de la décote (1) fait partie des trois piliers intangibles du document d’orientation qui a été remis aux syndicats le 10 octobre, au même titre que la durée de cotisation à 40 ans pour la retraite à taux plein et l’indexation des pensions sur les prix. En affirmant que les décotes ne s’appliqueront qu’aux nouveaux entrants et ne toucheront pas les cheminots en poste, Sarkozy lâche donc une annonce explosive.
Les médias présents, Reuters, AFP, France 3 reprennent la phrase. Le souci, c’est qu’au même moment, chez le ministre du Travail Xavier Bertrand, qui concluait une série de rencontres avec les syndicats, les organisations de salariés se voient proposer un tout autre discours. Au point de sortir en déplorant des négociations bloquées.
A la SNCF, le discours est un peu embarrassé : «Je pense que c’est une boulette», glisse un cadre, la direction de l’entreprise préférant pudiquement s’abstenir de toute réaction officielle. Les syndicats, eux, s’en donnent à cœur joie. L’Unsa : «Si le Président le dit, c’est forcément lui qui a raison. Nous n’imaginons pas un instant qu’il ne connaisse pas le dossier.» Prenant Sarkozy au pied de la lettre, Eric Falempin, secrétaire national de FO, se délectait lui d’une grande victoire : «On vient de gagner sur un des trois points les plus importants.»
Même discours de façade de la CGT : «J’ai pris acte», assure Didier Le Reste, secrétaire de la fédération des cheminots, qui lâche : «Quand même, tout cela n’est pas très sérieux. A force d’agitation chronique, à force de vouloir parler sur tout, il en balance pas mal des bourdes. Il s’est déplacé avec une compagnie de CRS, une nuée de caméras, pour un exercice de communication qui relève de la provocation, sur des sujets qui sont quand même sérieux et qui méritent autre chose que ça…»
Dans la soirée, l’entourage de Xavier Bertrand a répondu à Libération que le ministère confirmait" les éléments du document d’orientation du 10 octobre". C’est dit élégamment, pour démentir le Président...

jeudi 25 octobre 2007

UNION MÉDITERRANÉENNE • Sarkozy se heurte au scepticisme poli des Marocains

Le dernier discours de la visite officielle du président français au Maroc était consacré au projet d'Union méditerranéenne, censé effacer les ratés des conférences euro-méditerranéennes, lancées en novembre 1995 à Barcelone. Dans la presse marocaine et espagnole, on s'interroge sur la crédibilité d'un tel projet.

Le président français a annoncé, le mardi 23 octobre, à Tanger, sa volonté de réunir en juin 2008 en France tous les chefs d'Etat et de gouvernement du bassin méditerranéen afin de fixer - sur le principe d'une "égalité stricte" - les bases de cette union.

"Le projet est-il si chimérique ?" se demande le quotidien marocain La Nouvelle Tribune. Nicolas Sarkozy voudrait que l'Union méditerranéenne soit un espace commun de développement, de sécurité, d'échange et de dialogue des cultures. Le projet soulève un "scepticisme poli sur les rivages du Maghreb, déchiré par ses rivalités", explique le quotidien. "Il demeure pour l'heure une coquille vide, un concept abstrait, même si l'objectif est qu'il prenne forme au second semestre de 2008."

D'autant que les observateurs voient dans ce projet d'union un simple "alibi" sur lequel pourrait s'appuyer le président français pour contrer l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Le quotidien marocain L'Economiste évoque ainsi "l'idée de base" du "partenariat privilégié", concept qui rappelle la contre-offre faite par Sarkozy pour évacuer l'intégration de la Turquie par l'UE.

Pour Aujourd'hui le Maroc, le fait "que Nicolas Sarkozy ait choisi Tanger pour dévoiler le socle de sa politique méditerranéenne en dit long sur la capacité amplificatrice du message méditerranéen prêté au Maroc". Selon le journaliste Mustapha Tossa, moins sévère que ses confrères, le concept d'Union méditerranéenne "a besoin, pour augmenter son indice de crédibilité, d'un grand travail de pédagogie et d'explication. Et l'on s'attend à ce que Nicolas Sarkozy investisse autant de vitalité et d'énergie que celles qu'il avait mises à contribution pour sortir l'Union européenne de son impasse en arrachant au forceps un consensus sur le traité simplifié."

Pour El País, Nicolas Sarkozy, en dépit de ses efforts pour "se démarquer du défaitisme promarocain de son prédécesseur", ne se démarque pas vraiment de la politique menée par Jacques Chirac. "La principale originalité du plan de Sarkozy réside dans sa méthodologie." "Il se serait en fait inspiré des débuts de la Communauté économique européenne (CEE), annonciatrice de l'Union européenne actuelle. Pour ce faire, il a exprimé le souhait de lancer cinq institutions : une banque d'investissement méditerranéenne, une agence de l'énergie nucléaire, une université méditerranéenne avec des programmes d'échanges inspirés d'Erasmus afin de favoriser les interactions culturelles, une agence de l'environnement et une autre dédiée à l'audiovisuel." Le président français a en outre "passé de la pommade aux Marocains en louant dans un autre discours 'l'exemplarité' du royaume alaouite dans le monde musulman et sa 'vigueur démocratique'".

Mouna El Mokhtari

mercredi 24 octobre 2007

Agir en homme d’Etat pour être considéré comme un homme d’Etat

C’est le conseil que le New York Times adresse à Nicolas Sarkozy, au terme d’un éditorial particulièrement sévère où le quotidien américain n’hésite pas à faire un rapprochement entre une « loi abjecte » — le projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, et notamment la mise en place de test ADN — et certaines lois de la France de Vichy.

Texte en version originale et sa traduction en français

Pseudoscientific Bigotry in France

October 21, 2007

Immigration issues bring out the worst instincts in politicians who should know better. Congress showed that earlier this year. Now it is the turn of France’s Parliament. It is moving toward final approval of an ugly new law that would introduce DNA testing as a potential basis for excluding prospective immigrants hoping to reunify with family members already living in France.

DNA testing can be a useful tool in establishing criminal guilt or innocence. But it has no rightful place in immigration law. Modern French families, like modern American families, are constituted on many bases besides bloodlines and genetics. This is something most French politicians and voters should be aware of.

They should also be aware of the cautionary lessons of modern French history. Under the Nazi occupiers and their Vichy collaborators, pseudoscientific notions of pure descent were introduced into French law with tragic consequences.

The DNA provision, proposed by a member of Parliament close to President Nicolas Sarkozy, has been angrily denounced by the center-left opposition, principled members of the center-right majority and a member of Mr. Sarkozy’s cabinet. As a result, the legislation has been hedged with some cautionary language, but not enough. Meanwhile, Mr. Sarkozy, who could have intervened to stop this bill at any point, and still can, has not, and is not very likely to.

Though himself the son of a Hungarian immigrant, Mr. Sarkozy has made his political name with harsh criticism of more recent immigrants, especially North African Arabs. His pandering on this issue helped win him votes that used to go to far-right extremists like the perennial presidential candidate Jean-Marie Le Pen.

Immigrant bashing is an effective vote-getter. Unfortunately, it leads to bad laws, bad policies and needless human suffering for the individuals and families it targets and exploits. Mr. Sarkozy wants to be seen as a statesman. He should act like one.

Bigoterie pseudo-scientifique en France

Editorial du New York Times du 21 octobre 2007

Les questions d’immigration font ressortir les pires instincts des hommes politiques qui devraient se montrer plus avisés. Le Congrès américain l’a prouvé au début de l’année. Maintenant c’est au tour du Parlement français. Il s’apprête à adopter une nouvelle loi abjecte qui introduit les tests ADN comme fondement possible du rejet d’une demande de regroupement familial.

Les tests ADN peuvent être utiles pour établir la culpabilité ou l’innocence dans une affaire criminelle. Mais ils n’ont rien à faire dans une loi sur l’immigration. De nos jours, les familles françaises, comme les familles américaines, se constituent sur des bases qui ne se limitent pas à la filiation biologique. C’est un fait dont la plupart des politiciens et des électeurs français devraient être conscients.

La France aurait dû retenir les leçons de son histoire récente. C’est sous l’occupation nazi et le régime de Vichy que la notion pseudo-scientifique de pureté de la race a été introduite dans le droit français avec les conséquences tragiques que l’on sait.

Le recours à l’ADN, proposé par un député proche du Président Nicolas Sarkozy, a été vivement dénoncé par l’opposition de centre-gauche, par des membres de la majorité de centre-droit qui ont encore des principes, ainsi que par un membre du cabinet de M. Sarkozy. Cela s’est traduit par une certaine prudence — mais insuffisante — dans la rédaction de cette innovation législative. M. Sarkozy aurait pu intervenir à tout moment pour arrêter le processus législatif, il le peut encore, il ne l’a pas fait et il ne le fera sans doute pas.

C’est en fustigeant la dernière génération d’immigrés, en particulier ceux qui sont originaires d’Afrique du Nord, que M. Sarkozy, lui-même fils d’un immigré hongrois, s’est fait un nom en politique. Ce racolage lui a permis de récupérer les voix qui se portaient habituellement à l’extrême droite, sur Jean-Marie Le Pen, éternel candidat à l’élection présidentielle.

Casser de l’immigré est un moyen efficace de gagner des suffrages. Malheureusement, cela conduit à de mauvaises lois, à une mauvaise politique et à des souffrances inutiles pour les personnes et leurs familles visées par cette instrumentalisation.

M. Sarkozy veut être considéré comme un homme d’Etat.

Qu’il agisse en homme d’Etat !

mardi 23 octobre 2007

La loi sur la « maîtrise de l’immigration »


Communiqué du MRAP

Sous le régime de Vichy, était considéré comme Juif celui qui avait des grands-parents juifs ; c’était la première fois en France que la biologie dictait le droit.

Sous la République de Sarkozy, la représentation populaire va voter une loi qui non seulement criminalise le droit de vivre en famille, mais qui fera aussi dépendre le regroupement familial des immigrés d’un examen biologique, le test ADN : ce sera la deuxième fois qu’en France la biologie dictera le droit à des fins de discrimination raciste. C’est pourquoi, ce jour restera comme un jour de honte.

Le docteur Watson, prix Nobel pour avoir découvert l’ADN vient de déclarer à propos des Africains que les test démontrent que leur intelligence n’est pas la même que celle des blancs. Cette déclaration faite quelques jours avant le vote de la loi prend valeur de symbole.

Le Mrap ne peut que réitérer sa condamnation de telles pratiques et
joindre l’expression de son inquiétude devant de telles dérives à celle de centaines de personnalités politiques, scientifiques, associatives et religieuses.

Il rappelle, avec Robert Badinter, que « les lois de bioéthique de 1994 et 2004, écartent les usages de la génétique à des fins autres que médicales et de recherche scientifique". Le refus d’entendre ces voix est un signe manifeste de mépris envers elles.

A vouloir satisfaire les revendications de l’extrême droite en matière de politique migratoire, le gouvernement et sa majorité inaugurent des méthodes qui nient l’égalité de tous devant la loi et mettent en danger la démocratie et les droits de l’homme.


Paris, le 23 octobre 2007

Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples
43 bd Magenta - 75010 Paris

lundi 22 octobre 2007

Histoire : Confusion et impensé dans l'histoire de l'immigration à l'Ecole

Histoire : Confusion et impensé dans l'histoire de l'immigration à l'Ecole

Longtemps absente des programmes, l'histoire de l'immigration fait son entrée à l'Ecole dans la confusion, souligne le rapport de Benoît Falaize, Olivier Absalon et Pascal Mériaux, réalisé dans le cadre de la recherche "Enjeux contemporains de l'enseignement en histoire-géographie" de l'INRP.

L'enquête révèle que cette histoire occupe peu de place dans les programmes à l'exception de la filière STG et de l'école primaire. "L’histoire de l’immigration en classe est peu enseignée du point de vue historique. Ce sont les matières comme la géographie, l’éducation civique ou les langues et les lettres qui prennent volontiers en charge cet enseignement, moins dans ses dimensions historiques que contemporaines. Cet enseignement apparaît diffus et peu structuré. Il est souvent le fait de projets pluridisciplinaires qui échappent à l’ordinaire de la classe". C'est dire que l'actualité et ses enjeux sont omniprésents.

Les pratiques pédagogiques font souvent appel à l'histoire familiale et vont parfois à rebours des objectifs attendus. "Les professeurs… dans une générosité bienveillante et spontanée, « enferment » les élèves dans une reconnaissance de groupe (« les élèves Maliens », « les Maghrébins »…) où un regard extérieur ne peut être posé pour aider ces élèves en adolescence, à l’inverse même d’une conception dialogique de la construction identitaire. Le rapport d’enquête que nous remettons constate qu’il y a un impensé de l’histoire migratoire en France véhiculé par l’école et par l’institution tout entière : un impensé qui concerne non pas les immigrés eux-mêmes mais la nation elle-même et qui fait de l’étranger un autre irréductible, et de l’immigré, ou de ses enfants, une figure équivoque de la question nationale".

Le groupe de travail

Le rapport (en pdf) : http://ecehg.inrp.fr/ECEHG/enjeux-de-memoire/histoire-de-l-immigration/reflexions-generales/enseigner-l-histoire-de-l-immigration/enseigner_histoire_immigration.pdf/view (194 p.)


editorial

A propos du "flop" Guy Môquet

Cela ne fait plus de doute : à quelques heures du 22 octobre, au moment où j'écris cet éditorial, il est clair que la volonté présidentielle de célébrer dans les lycées la mort de Guy Môquet ne sera pas respectée. Parti des professeurs d'histoire-géographie, le mouvement de contestation a gagné les autres disciplines. On peut le résumer dans cette remarque d'une enseignante de français "je me servirai de cette lettre le jour et à l'heure où j'en aurai besoin dans ma progression ". On ne sait même pas si le président de la République pourra assister à la moindre cérémonie au lycée Carnot (celui de G.Môquet) à Paris… Il ne reste plus qu'à s'interroger sur ce premier, mais retentissant, "flop" présidentiel.

Dès le début les objectifs de cette opération ont été brouillés par le spontanéisme présidentiel. S'il s'agit, comme le disent les instructions du 30 août, " de rappeler aux élèves des lycées l’engagement des jeunes gens et jeunes filles de toutes régions et de tous milieux qui firent le choix de la résistance", alors force est de constater que le président et ses conseillers auraient été bien inspirés de choisir un authentique résistant. Elles évoquent "la grandeur de notre pays" en y associant une citation du président qui justement la contredit. “Aimez la France car c’est votre pays et que vous n’en avez pas d’autre”, c'est un peu court comme argument pour honorer "la grandeur nationale" !

Les propos du porte-parole, puis de M. Guaino ont achevé d'ouvrir les yeux sur le projet présidentiel. Ainsi M. Guaino déclarant que "l'école, ce n'est pas un self-service", s'interrogeant sur les refus d'obéissance des enseignants ("Tout ça est très triste mais amène à s'interroger sur ce que doivent être au fond à la fois l'éthique et les devoirs d'un professeur dont la nation a payé des études, dont la nation paie le salaire et auquel la nation confie ses enfants") et proclamant que Guy Môquet est là pour refonder une identité nationale menacée par le cosmopolitisme ("aujourd’hui, avec l’immigration, la mondialisation, la désintégration du travail, il y a un problème identitaire") a réussi à faire tourner le dos à nombre d'enseignants qui envisageaient d'utiliser la journée pour un réel travail historique.

Car ce projet est-il conciliable avec l'éthique professorale ? Un demi-siècle après Vichy peut-on attendre des enseignants qu'ils professent un amour aveugle de la patrie ? La question a déjà été posée récemment avec la loi sur "les aspects positifs" de la colonisation. On connaît la réponse des enseignants. Peut-on demander aux enseignants qu'ils participent avec leurs élèves à une cérémonie purement formelle, sans mise en perspective historique, qui serve de faire-valoir aux élus du secteur ? Comment l'Elysée n'a-t-il pas lu dans les instructions officielles mêmes de l'Education nationale qui exigent que la mémoire s'efface devant l'histoire, que la réflexion critique des élève s'exerce, le raidissement de la maison Education devant une conception aussi périmée de l'Ecole et de l'autorité ?

L'affaire Guy Môquet révèle une double erreur de stratégie et de tactique. Ce que les Français retiendront sur le fond ce sont les conceptions périmées qui logent sous les dorures élyséennes. L'obéissance passive exigée des fonctionnaires, le culte de la patrie, l'immigration perçue comme un ferment de désintégration nationale : le fossé entre l'Elysée et les valeurs de la majorité de la société française est mis à nu. Les enseignants sont plus troublés par l'utilisation qui est faite de l'ADN, par la chasse souvent aveugle, parfois mortelle, qui est faite des sans papiers que par les angoisses de M. Guaino.

Mais la leçon principale est encore plus simple : son aveuglement idéologique a empêché l'Elysée de sortir dignement de cette petite crise. Sera-t-il capable de gérer des conflits sociaux plus sérieux ?

dimanche 21 octobre 2007

Lecture controversée de la lettre de Guy Môquet lundi dans les lycées

A la demande de Nicolas Sarkozy, la lettre du jeune résistant communiste Guy Môquet à sa famille sera lue lundi dans tous les lycées de France, ou presque. Soutenus par la gauche, notamment le PC, certains enseignants et proviseurs de l'Education nationale refusent de se plier à l'exercice, dénonçant une "instrumentalisation du devoir de mémoire" au profit du politique.

Nicolas Sarkozy a cité à plusieurs reprises lors de sa campagne présidentielle la lettre adressée à sa mère par le résistant communiste de 17 ans avant d'être fusillé le 22 octobre 1941 par les Allemands. Le 16 mai dernier, lors d'une cérémonie d'hommage aux résistants fusillés en août 1944 à la Grande cascade du Bois de Boulogne, il avait annoncé sa première décision de chef de l'Etat de demander que cette lettre soit lue "en début d'année à tous les lycéens de France". Il ne fait cependant jamais mention de l'appartenance du jeune résistant au parti communiste.

Ainsi le ministre de l'Education nationale Xavier Darcos précise dans le bulletin officiel du 30 août 2007, que, "dans les classes, la lecture de la dernière lettre que Guy Môquet adressa à sa famille le 22 octobre 1941 s'insérera au sein d'une réflexion sur l'engagement des jeunes qui firent le choix de la résistance et sur les valeurs de fraternité, de justice et de liberté", avec une brochure de l'Education nationale à l'appui.

Mais le SNES (syndicat national des enseignants de second degré, majoritaire) appelle à ne pas lire cette lettre pour refuser "l'instrumentalisation du devoir de mémoire" et "cautionner l'entreprise commémorative du 22 octobre, décidée par le seul chef de l'exécutif".

"Nous ne 'boycottons' ni la mémoire de Guy Môquet ni celle de la Résistance", mais "notre travail d'enseignant n'a rien à voir avec une démarche qui vise à susciter l'émotion sans distance critique, sans replacer un témoignage, aussi poignant soit-il, dans son contexte historique", souligne le SNES. "Or, la lettre de Guy Môquet (...) ne dit rien de son engagement, elle n'évoque que son amour de la patrie, de ses parents, de sa famille et son sens du devoir".

C'est l'un des principaux reproches adressés par le comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire (CVUH). "Lue hors programme, et quel que soit le niveau de classe, cette lettre sera déconnectée de son contexte d'élaboration, et servira de véhicule à des valeurs données comme universelles, à des valeurs absolutisées", déplore Laurence de Cock-Pierrepont, historienne et professeur d'histoire au lycée Joliot-Curie de Nanterre et à l'IUFM de Versailles.

Plus modéré, le SGEN-CFDT qui déplore "l'articulation entre usage politique, devoir de mémoire et 'crédibilité' pédagogique", se déclare "pas fondé à donner des consignes impératives sur ce sujet qui relève de la confiance accordée aux enseignants". "Il revient aux équipes éducatives d'assumer des choix si possible collectifs et de revendiquer l'autonomie pédagogique pour décider d'appliquer la stratégie qu'elles souhaitent mettre en oeuvre".

A l'origine de cette idée, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, a qualifié vendredi de "très triste" le refus de certains professeurs de lycée de lire la lettre de Guy Môquet, mettant en cause "l'éthique de ces professeurs-là". "Je trouve qu'ils prennent en otage un moment d'émotion collective (...) pour des raisons dont on a bien compris qu'elles n'avaient absolument rien à voir ni avec le contenu de la lettre, ni avec leurs devoirs de professeur ou leurs scrupules d'historien", a-t-il ajouté, fustigeant "une attitude purement politicienne, une prise en otage corporatiste, idéologique".

Le ministre de l'Education Xavier Darcos a assuré vendredi qu'il ne "fliquera" pas les professeurs de lycée qui refuseront lundi de lire la lettre de Guy Môquet. "J'ai dit aux professeurs qu'ils devaient le faire à leur manière, que si vraiment ça heurtait à ce point leur conscience d'exalter la Résistance, qu'ils ne le fassent pas", a-t-il déclaré . Lundi, le porte-parole de l'Elysée David Martinon avait précisé que les professeurs récalcitrants ne seraient pas sanctionnés.

Du côté politique, le PC prévoit un rassemblement au métro Guy Môquet dans le XVIIe arrondissement de Paris (angle rue Marcadet et Saint-Ouen), où interviendra Marie George Buffet. Le porte-parole du Parti communiste Olivier Dartigolles avait affirmé dimanche que la secrétaire nationale avait été sollicitée par Nicolas Sarkozy pour une "lecture commune" de la lettre le 22 octobre. La numéro un communiste a décliné l'invitation.

Le PS quant à lui a également mis en garde contre une "instrumentalisation de l'Histoire", appelant les enseignants à "restituer le contexte historique" et à rappeler l'"engagement" du jeune résistant communiste.

samedi 20 octobre 2007

FRANCE • Octobre noir pour le président

Le divorce de Nicolas et Cécilia Sarkozy n'a pas manqué de susciter les commentaires railleurs de la presse européenne. Revue de détail et jeu de massacre...

Le divorce de Nicolas Sarkozy n'a laissé personne indifférent en Europe : on ne compte plus les éditoriaux. Plus critiques les uns que les autres, d'ailleurs. A commencer par le Corriere della Sera, qui, dès jeudi, expliquait avec cruauté que "Nicolas Sarkozy voulait la rupture, il l'a eue. Il a gagné les élections en promettant une rupture avec le passé et l'immobilisme traditionnel français, mais c'est sa femme qui a rompu avec lui."

Le constat est presque plus sévère dans la Tribune de Genève, qui évoque "l'octobre noir" du président : "L'état de grâce est terminé. Place à l'état de crosses, celles qui s'abattent sur lui comme dans un derby de hockey sur glace. Après la tentaculaire affaire EADS, les bisbilles et chicayas au sein de sa propre majorité, les divergences croissantes avec la chancelière allemande Angela Merkel, voilà que Nicolas Sarkozy subit son grand bizutage de président : sa première grève des transports." Le tout nappé d'"une procédure de divorce" qui l'atteint "jusque dans sa vie privée". Heureusement, conclut Jean-Noël Cuénod, que "l'opposition socialiste lui permet de souffler !"

Cette conjonction de la grève des transports et de l'annonce officielle du divorce du président a, par ailleurs, le don d'agacer pas mal de quotidiens. A commencer par la Tageszeitung de Berlin, qui trouve "obscène" ce "hasard" du calendrier. Le très conservateur Daily Telegraph aussi : "Je me suis entretenu avec un ami français. 'Chapeau', m'a-t-il dit. Il parlait de Nicolas Sarkozy. Annoncer son divorce le jour de la plus grande grève des transports en douze ans est un coup de maître. Quel contre-feu ! Quel timing ! s'extasiait cet ami. Quel cynisme, fut ma seule réponse."

Et puis il y a ceux qui, comme la Frankfurter Rundschau, prennent cette information avec ironie : "Mon Dieu, que diront Jacques et Bernadette ? Un divorce à l'Elysée ! Ce Sarko a simplement trop d'énergie. Il fallait bien qu'il fasse exploser quelque chose un jour ou l'autre." Ou encore Die Welt : "Que vaut Sarkozy sans sa Cécilia ? C'est un fait qu'il a obtenu une bonne partie de ses succès non seulement accompagné de sa femme mais activement soutenu par elle. Son absence l'affaiblira-t-il sur le plan politique et en tant que président ? Ses collaborateurs ne veulent pas le croire. Mais Sarkozy se sentira un peu seul à l'Elysée."

Enfin, il y a les sérieux, comme Le Soir, pour qui "la séparation du couple Sarkozy est tout sauf une anecdote. Le divorce entre le maître de l'Elysée et la "First Lady", tout sauf juste une aubaine pour la presse people. Qu'il le veuille ou non, l'affaire sera un tournant dans le quinquennat du président français. Après six mois de mandat, celui-ci va tout simplement devoir se révéler tel qu'il est."

Et le quotidien de conclure sévèrement : "Fini la mise en scène, plus ou moins sincère, de sa vie privée. L'histoire dira – dès que l'on apprendra la chronologie du divorce – si Nicolas Sarkozy a menti en jouant la comédie de la réconciliation. Mais le voilà déjà, sans fard, les yeux dans les yeux avec les Français. Ceux-ci seront à même de le juger pour ce qu'il est : un homme politique porteur d'un projet, pas une sorte d'apprenti Kennedy cherchant à refabriquer un quelconque mythe."


vendredi 19 octobre 2007

EDUCATION : les syndicats dénoncent "la criminalisation du militantisme"


"Nous avons voulu redire notre solidarité à ceux qui se battent pour les enfants de sans-papiers et dénoncer la criminalisation du militantisme", a déclaré Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU.
Gérard Aschieri, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU) (Reuters)
Lors d'une conférence de presse commune, sept organisations liées à l'Education ont exprimé, vendredi 19 octobre, leur soutien aux militants poursuivis pour leur engagement auprès des sans-papiers. Les syndicats dénoncent unanimement "la criminalisation du militantisme". "Nous avons voulu redire notre solidarité à ceux qui se battent pour les enfants de sans-papiers, notamment, et dénoncer, de manière générale, la criminalisation du militantisme", a déclaré Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU aux côtés des 4 autres fédérations de l'Education (FSU, Unsa-Education, Ferc-CGT, Sgen-CFDT, Sud Education), du réseau RESF et de la FCPE (parents d'élèves).Les parties présentes tenaient notamment à renouveler leur "solidarité" à Florimond Guimard, militant RESF syndiqué au SNUIpp-FSU, à trois jours de son procès, lundi, devant le tribunal d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).Florimond Guimard avait participé à une manifestation contre l'expulsion d'un parent d'élève le 11 novembre 2006 à l'aéroport de Marignane."Une tentative d'intimidation""On a voulu tous réaffirmer que ce qui lui est reproché (violence sur agent de la force publique aggravée, ndlr) ne tenait pas, il n'est pas auteur de violences", a déclaré Gérard Aschieri."On l'interprète comme une tentative d'intimidation des militants engagés dans la lutte pour les enfants sans-papiers", a-t-il dit. Une manifestation est prévue lundi à Aix-en-Provence."Au-delà de Florimond Guimard, on a de multiples cas", a regretté Gérard Aschieri, qui a fait référence au procès, le 24 octobre à Méru (Oise), "de quatre militants RESF et FSU poursuivis pour diffamation, par le maire, après avoir dénoncé dans un tract des propos inadmissibles du maire sur les étrangers

Procédés ignobles à l'encontre des sans-papiers

Xavier Darcos sur les sans-papiers: "accueil" dans les Ecoles mais pas d'opposition à "l'application de la loi"

Le ministre de l'Education, Xavier Darcos, a rappelé dans une lettre aux recteurs fin septembre que l'Ecole se devait d'accueillir "tous les enfants", même sans-papiers, mais qu'elle n'était pas investie pour autant d'une "mission qui justifierait" une opposition à la loi.

Manifestation de soutien aux sans papiers

"Les services de l'Education nationale ne sont ni chargés de contrôler la régularité de la situation des parents d'élèves au regard de la législation sur le droit de séjour des étrangers ni investis d'une mission qui justifierait qu'ils s'opposent à la loi", assure le ministre dans cette lettre également adressée aux inspecteurs d'académie et que son entourage a transmis vendredi à l'AFP.
Dans une première partie, il rappelle le devoir d'accueil de "tous les enfants" par l'Ecole: il explique que "l'inscription des enfants n'est pas subordonnée à la régularité de la situation de leurs parents" et que les "données" recueillies auprès des parents "ne doivent comporter aucune mention relative à la régularité du séjour des étrangers en France".
Puis, il ajoute que "c'est précisément parce que la scolarisation des enfants n'est pas subordonnée à la vérification de la régularité de la situation des parents (...) que l'inscription des enfants dans une école ne peut valoir en elle-même autorisation de séjour de la famille".
"Je tiens donc à rappeler à chacun ces deux règles fondamentales: l'accueil de tous les enfants à l'Ecole et le respect par tout agent public des lois de la République", conclut-il.
Ce courrier, daté du 24 septembre, a été envoyé aux recteurs et inspecteurs d'académie plus de deux semaines avant celui adressé par cinq organisations de l'Education (FSU, Unsa-Education, Sgen-CFDT, Ferc-CGT et Sud-Education), jeudi, à M. Darcos et à Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, demandant un titre de séjour "vie privée et familiale" pour les familles d'enfants sans-papiers scolarisés.


Usurpation d'identité pour interpeller des parents devant un collège : ouverture d'une enquête

La police a ouvert une enquête administrative sur des enquêteurs de la police judiciaire soupçonnés d'avoir usurpé l'identité d'un conseiller principal d'éducation (CPE) pour convoquer des parents au collège de leur enfant et les interpeller, a-t-on appris vendredi de sources concordantes.
"Une enquête administrative en cours a révélé qu'il s'agissait d'enquêteurs de la PJ qui recherchaient dans le cadre d'une commission rogatoire une femme soupçonnée de trafic d'héroïne", a-t-on appris de source policière.
"L'enquête administrative se poursuit afin de déterminer si des fautes professionnelles ont été commises", a-t-on précisé.
Selon Sud-Education, des parents ont été convoqués d'urgence par quelqu'un se présentant comme le CPE du collège Utrillo (XVIIIe arrondissement) et ont constaté, une fois sur place, que "personne parmi l'équipe du collège n'était au courant".
"Lorsque les parents sont ressortis, des policiers les attendaient pour les arrêter et les embarquer au commissariat", a précisé le syndicat dans un communiqué. Selon lui, "un policier a reconnu que c'était lui qui avait usurpé l'identité du CPE".
Dans un courrier adressé vendredi au ministre de l'Education Xavier Darcos, le secrétaire général de la FSU, Gérard Aschieri, dénonce un procédé "parfaitement immoral et certainement punissable par la loi".
Il évoque "un émoi considérable dans la communauté éducative de l'établissement" et estime que ça "pose un réel problème pour l'exercice serein des missions d'éducation".
"Après un tel acte, comment imaginer que les personnels susceptibles de rencontrer des familles puissent établir les relations de confiance nécessaires", ajoute-t-il, en regrettant que l'affaire contribue à "jeter le discrédit sur les services publics et les missions de ses personnels".
Interrogé par l'AFP, le ministère a déclaré que, "si les faits sont avérés, ce fait divers est déplorable". "Les sanctions nécessaires seront prises par les autorités compétentes, en l'occurrence, la préfecture de police", a-t-il ajouté.

Communiqué envoyé par SUD éducation Paris au Recteur

A Monsieur le Recteur de l’académie de Paris

Objet : affaire du collège Utrillo
SUD éducation Paris vient d’être informé d’un événement d’une portée extrêmement grave survenu au collège Utrillo, dans le XVIIIème arrondissement de Paris :
Des parents ont reçu un coup de téléphone émanant soi-disant du CPE leur enjoignant de passer en urgence au collège où est scolarisé leur enfant. Lorsqu’ils se sont présentés, le CPE très étonné leur a affirmé ne pas les avoir contactés, et après vérification il est apparu que personne parmi l’équipe du collège n’était au courant de quoi que ce soit. Lorsque les parents sont ressortis, des policiers les attendaient pour les arrêter et les embarquer au commissariat. Un policier a reconnu que c’était lui qui avait usurpé l’identité du CPE pour tendre ce piège immonde aux parents !
SUD éducation Paris s’indigne de ces méthodes honteuses. De plus en plus chaque jour, la fin semble justifier pour les forces de police l’emploi de tous les moyens, même les plus immoraux, même les plus illégaux !
SUD éducation Paris dénonce cette nouvelle escalade, qui relève soit d’une grande bêtise soit d’un cynisme inimaginable. Ce n’est pas seulement l’identité de notre collègue qui a été usurpée, c’est sa fonction qui a été détournée abusivement. Quelle société sommes-nous en train de construire, si demain les élèves ou les parents doivent se méfier lorsqu’ils sont invités à un rendez-vous dans leur établissement scolaire ?
SUD éducation Paris exige de la part des autorités académiques que toute la lumière soit faite sur cette affaire, et qu’une protestation officielle soit transmise à la Préfecture de Police.
http://www.sudeducation75.org/article.php3?id_article=213

CHRONIQUE D’UNE RAFLE DEGUEULASSE ANNONCEE A PARIS



Selon des informations concordantes émanant de sources sures, une monstrueuse rafle de sans papiers serait prévue demain 19 octobre à Paris. Il s’agirait pour la préfecture de police de Paris de rattraper son important retard par rapport aux quotas d’expulsions imposés par le ministère de la rafle et du drapeau. En, effet, la préfecture de police devrait afficher 3680 prises en fin d’année. Elle n’en est pas à la moitié.
Le Réseau Education sans frontières s’associe aux recommandations de prudence données par la Ligue des Droits de l’Homme : 1/ Eviter de se déplacer. 2/ Si on y est contraint, éviter les gares et le métro, privilégier le bus ou la marche.3/ Se déplacer avec son titre de transport, mais sans passeport. 3/ Ne se rendre à aucune convocation sans avoir prévenu et être accompagné. 4/ Ne pas ouvrir sa porte si on ne sait pas qui frappe. Relayez et prévenez autour de vous.
Le RESF appelle d’autre part les Parisiens et ceux qui se trouveraient à Paris demain à placer les interventions policières sous le regard de la population, à les encourager quand elles font leur travail de lutte contre la criminalité, de secours à la population ou d’organisation de la circulation, mais aussi à témoigner solidarité et sollicitude aux étrangers arrêtés si d’aventure les forces de police étaient employées à des tâches que la conscience de chacun, et celle de nombreux policiers, ne peut que réprouver.

Manifestation contre la loi Hortefeux le 20 octobre à Paris

Il est possible que, sachant son projet éventé, la préfecture de police l’annule ou le reporte. Mais il n’empêche que même si le terme lui déplait, c’est bien une rafle d’une ampleur inégalée peut-être depuis la guerre d’Algérie que prépare la préfecture. Comme si la police n’avait pas d’autre mission que de donner la chasse à des hommes, des femmes, des enfants même, dont le seul tort est de n’être pas né dans un pays riche et de n’avoir pas de papiers de la bonne couleur !
Il reste que des fuites nombreuses ont eu lieu et le projet a été éventé. Cela prouve, et c’est heureux, qu’il se trouve des fonctionnaires qui ne sont pas prêts à tout cautionner et qui prennent leurs responsabilités en sabotant ce qu’ils considèrent à bon droit comme quelque chose de bien dégueulasse. Le sarkozysme n’a pas encore tout corrompu.

Précisions de dernières heures suivantes :
1) Une bonne partie de l’opération devait être ciblée sur le 10e arrt
2) La PP semble avoir réduit l’ampleur de la rafle du fait qu’elle a été éventée. Elle dit maintenant qu’il y avait quelque chose de prévu mais pas plus que d’habitude et que s’il y avait beaucoup de sorties prévues, c’était pour préparer le match de samedi. Ben voyons...

A l'école des sans-papiers (blog sur liberation.fr)
Parents d'élèves et enseignants, pour la plupart membres de RESF, racontent le quotidien des enfants de familles sans papiers.

http://sanspapiers.blogs.liberation.fr/sans_papiers/2007/10/arrestation-dun.html
11/10/2007

jeudi 18 octobre 2007

Les Français commencent à s’apercevoir que le slogan « travailler plus pour gagner plus » était un leurre

Interview de Laurent Fabius publiée par le journal Le Monde.

Vous étiez mercredi le principal orateur du groupe socialiste lors de la discussion budgétaire. Faut-il y voir une reconnaissance de la position d’actif sage que vous revendiquez ?

En tout cas, je me réjouis de cette intervention car le budget est l’ossature de la politique du gouvernement. Ce budget 2008 est fondé sur des chiffres auxquels personne ne croit. Il ne soutiendra vraiment ni la demande ni la compétitivité des entreprises. Compte tenu des déficits abyssaux et du "boulet fiscal" qu’il comporte, il y aura donc probablement un autre budget, caché celui-là, mais révélé après les élections municipales de mars. Désosser cette politique, formuler des contre-propositions, c’est un rôle d’opposant utile à un moment où beaucoup à gauche se demandent où est passée l’opposition. J’aimerais que, la bataille parlementaire achevée, ces citoyens interrogatifs se disent : la gauche est de retour.

Il faut agir pour « déconstruire » la droite et reconstruire la gauche. La droite se flatte d’une pseudo-ouverture. Une vraie ouverture eût consisté à demander à l’opposition de la rejoindre sur telle ou telle question en reprenant une partie de ses idées. Là, le Président propose à des personnalités, qui y ont une prédisposition, de venir au Gouvernement appliquer sa propre politique : c’est du débauchage. La fausse ouverture est donc une vraie fermeture du débat démocratique. En même temps, nous devons reconstruire la gauche. C’est-à-dire à la fois réaffirmer nos valeurs - égalité, liberté, laïcité, service public, internationalisme - qui restent pertinentes et adapter certaines de nos propositions pour les rendre mieux opératoires. Il faut enfin clarifier notre stratégie, celle d’une gauche décomplexée, rassembleuse et diverse. A la base, les électeurs, les militants, les élus nous veulent actifs, combatifs. Avec d’autres, je suis décidé à sonner le réveil.

Sur quels sujets faut-il adapter les propositions du PS ?

Le grand sujet, c’est en France et en Europe de nous montrer plus offensifs et plus efficaces dans la mondialisation. Je plaide depuis longtemps pour que nous placions au premier rang l’environnement : nous devons aller beaucoup plus loin qu’aujourd’hui sur les économies d’énergie, la fiscalité écologique, l’habitat, les transports. De même, rendons l’action publique plus efficace : notre système brasse beaucoup d’argent, avec un impact redistributif faible. En matière européenne, nous manquons d’audace : je développerai dans les semaines qui viennent la proposition d’une Coopération européenne pour la recherche et l’innovation (CERI) ; ce serait le premier exemple de "coopération renforcée" réussie.

Le congrès de 2008, qui doit-être celui de la rénovation, devra-t-il régler la question du leadership au sein du PS ?

Plus que d’une simple rénovation, nous avons besoin d’une véritable reconstruction. Elle ne doit pas être fermée sur le PS. A terme, il faut imaginer un grand parti socialiste et progressiste qui respecte les différentes sensibilités de la gauche et dépasse les frontières actuelles. S’agissant du leadership, pourquoi décider en 2008 la candidature pour 2012, 2017 ou 2022 ? En revanche, le Congrès doit permettre de repartir du bon pied et renouveler les équipes. Pour ma part, j’entends me consacrer aux questions de fond sans me mêler du meccano interne.

Quel jugement portez-vous sur le traité européen simplifié et sur les mouvements de grève du 18 octobre ?

Sur le le traité européen simplifié, j’attends de voir le texte mais une chose est déjà acquise : un sujet qui a été tranché par référendum ne peut être à nouveau valablement tranché que par le peuple. J’espère que nous pourrons dégager une position de rassemblement du PS, et que nous saurons aussi considérer l’essentiel, qui ne se trouve pas dans les procédures mais dans les politiques européennes à mettre en oeuvre.

Quant à la mobilisation sociale, au-delà des régimes spéciaux, sorte de ballon d’essai gouvernemental, elle porte sur l’ensemble des retraites, le pouvoir d’achat, l’emploi. Des efforts sont nécessaires, des changements aussi, mais ils doivent être répartis équitablement, or ils ne le sont absolument pas. Les Français commencent à s’apercevoir que le slogan « travailler plus pour gagner plus » était un leurre. C’est le début d’une prise de conscience. Au PS et à la gauche de l’amplifier et d’offrir au pays une autre perspective.

mardi 16 octobre 2007

Test ADN : un acharnement méprisant.


Malgré une vaste mobilisation citoyenne, la condamnation sans appel des autorités morales, politiques, associatives, religieuses, le gouvernement persiste et signe dans son obstination à criminaliser le droit fondamental de vivre en famille. En maintenant l’infamant et
humiliant amendement discriminatoire ADN, en biologisant le droit, le gouvernement manifeste son mépris face aux valeurs républicaines, à l’expression de l’indignation massive, et fait preuve d’autisme politique.

Le vote de la loi sur la maîtrise de l’immigration, assortie de cet amendement dangereux restera comme une tache dans la série des violations des droits et des libertés fondamentaux en France.

Aussi, le MRAP, qui espère la saisine du Conseil constitutionnel, appelle à une riposte déterminée à la hauteur de cet affront en participant massivement à la journée de mobilisation nationale du 20 octobre 2007 (départ Belleville à 14h30).

Paris, 16 octobre 2007.

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Message transmis
Secrétariat de Direction
Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples
43 bd Magenta - 75010 Paris

Laurent Fabius : L’amendement ADN doit être mis à la poubelle



Pourquoi le recours aux tests ADN pour contrôler l’immigration régulière est-il inacceptable ? Parce qu’il est au croisement de deux thèses elles-mêmes inacceptables.

La première, c’est la "génétisation" de la société. Par un usage perverti de la science, certains voudraient, contre la tradition philosophique et juridique de notre pays, faire dépendre le destin des individus de la génétique et les sélectionner sur cette base.

On dira : pourquoi cette émotion, c’est une affaire ponctuelle, sans passé ni lendemain. L’ennui, c’est que le précédent Ministre de l’Intérieur proposait, il y a peu,de dépister les comportements pré-délinquants chez les enfants à partir de 3 ans.

L’ennui, c’est qu’un candidat à l’élection présidentielle affirmait dans un entretien avec un philosophe que la pédophilie et le suicide sont inscrits dans les gènes. Et voilà qu’on voudrait maintenant fonder le regroupement familial sur l’inné. Ce biologisme heurte le principe d’égalité. Il est aussi contradictoire avec les odes à la liberté que les partisans du test ADN entonnent volontiers.

La génétisation de la société se croise avec une seconde thèse, également inacceptable, la stigmatisation des immigrés. Quatre lois en quatre ans sur les immigrés ou plutôt contre eux. Les préfets sommés de "faire du chiffre", quitte à organiser la "chasse" aux enfants de sans papiers. Et voilà qu’on nous parle maintenant - c’est la prochaine initiative - de "quotas d’immigrés régionaux" avec débat chaque année au Parlement. La proposition d’un test ADN, c’est laisser entendre qu’un étranger serait par nature un risque et même potentiellement un délinquant. Il est temps de porter un coup d’arrêt. Sinon, l’immigration servira de plus en plus comme bouc émissaire de tous les problèmes et comme un filon pour multiplier les clins d’oeil à l’extrême droite.

Un dernier point. Je ne pense pas que ce soit le seul Monsieur Mariani, auquel on doit cette offensive anti-égalité, anti-liberté, anti-immigré. Dans notre système institutionnel, il faut savoir que les textes de loi s’ils émanent du gouvernement subissent le contrôle du Conseil d’Etat alors que les amendements d’origine parlementaire, eux, en sont dispensés. Il est donc fort possible que les tests ADN ont été proposés par un député pour éviter que le Conseil d’Etat adresse un carton rouge.

Ne considérons pas non plus que l’amendement que nous combattons cesserait d’être un scandale parce qu’il serait allégé d’une partie de sa substance puisque c’est précisément pour faire scandale et flatter une certaine opinion qu’il a été proposé et accepté.

Ma conclusion est simple : l’amendement ADN doit être mis à la poubelle et, avec lui, les idées qu’il porte. C’est le sens de mon engagement et, je crois, aussi du vôtre.

lundi 15 octobre 2007

Tous ensemble contre l’ADhaine


L’appel contre l’amendement Mariani a rempli le Zénith, hier soir, à Paris.

Qu’est ce que vous faites dehors, mes beautés, il y a un concert gratuit contre les lois ADN.» 20 heures, hier, devant le Zénith, à Paris. Malheureusement, les beautés ne rentreront pas. La salle est bondée. Plus de 6 000 personnes de tous âges ont répondu à l’appel de Charlie Hebdo, SOS Racisme et Libération contre l’amendement Mariani de la loi Hortefeux sur l’immigration. «C’est trop, trop grave, cela nous rappelle ce qui s’est passé il y a soixante ans», dit à l’entrée Viviane Securani, 64 ans. «C’est antirépublicain, et cela ne représente pas notre société. On a tellement stigmatisé les immigrés qu’on a l’impression qu’il n’y a plus rien à faire», expliquent en chœur Pauline et Florent, 27 et 23 ans. Malheureux d’être sans billets.

Dedans, cela se presse. On attend les artistes, les politiques. «Il y a une voiture, ils disent que c’est le staff de Fabius, mais il n’y a pas Fabius dedans», dit un membre de l’organisation. «Laisse entrer, et on avise après», répond un autre. Jack Ralite râle. Il va falloir qu’il coupe dans son texte : «Une minute, ce n’est pas la peine, je ne parle pas.» Amélie Nothomb boit du champagne pour se donner du courage. D’autres parleront avant elle. Comme Bernard-Henri Lévy (1) : «Ceux qui sont pour cet amendement sont des apprentis sorciers qui ouvrent des brèches d’une gravité extrême […] Ils ont porté un mauvais coup à la science.» Ou encore Bertrand Delanoë, maire de Paris : «Cet amendement est une tâche sur l’âme de ce que nous sommes collectivement.» Arrive le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly. Qui lance entre deux chansons : «Je suis africain et pas un bandit, et je dis à Sarkozy de pas toucher à mon ADN.» Sur l’écran, un dessinateur de Charlie le gratifie d’un croquis légendé: «la Jamaïque qui se lève tard». Après le reggae, Isabelle Adjani, chapeau bleu, veste sombre, dit : «Sommes-nous devenus fous au point d’oublier que quand la xénophobie fait appel à la science, le pire est toujours à craindre ?»

François Hollande rappelle que le PS prépare un recours auprès du Conseil constitutionnel si le gouvernement ne retire pas l’amendement Mariani. François Bayrou explique, lui, que le texte a été «réduit», mais maintenu dans l’esprit. Et Laurent Fabius parle d’un amendement «inacceptable», qui risque de «conduire à l’eugénisme».

(1) Actionnaire et membre du conseil de surveillance de Libération.

Bertrand Delanoë au meeting "Touche pas à mon ADN"
envoyé par jeunes-paris15